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De L’applicabilité De La Réforme / Réduction Du Mandat Présidentiel Au Mandat En Cours

Un texte aussi fondamental qu’une constitution doit se lire dans sa globalité en combinaison le cas échéant de plusieurs articles.

Que nous dit la Constitution sur le sujet de la révision du mandat et par ricochet de la constitution ?

Le Titre III renferme les dispositions relatives au Président de la République (Extraits)

« Article 27 : La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois.

Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire.

Article 51 : Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum.

Il peut, sur proposition du Premier Ministre et après avoir recueilli l’avis des autorités indiquées ci-dessus, soumettre tout projet de loi au référendum. »

Le Titre XII organise la révision de la constitution (Extraits)

« Article 103 :  L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République et aux députés.

Le Premier Ministre peut proposer au Président de la République une révision de la Constitution.

Le projet ou la proposition de révision de la Constitution est adopté par l’assemblée nationale selon la procédure de l’article 71. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

Toutefois, le projet ou la proposition n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre à l’Assemblée nationale.

Dans ce cas, le projet ou la proposition n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes (3/5) des suffrages exprimés. »…

Certains analystes et partisans de Wade essaient de ne tirer de la constitution que les articles qui semblent aller dans le sens de leur souhait : voir l’actuel mandat du Président raccourci à 5 ans.

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Pour réviser la durée du mandat, il faut bien réviser la Constitution et cela ne peut se faire qu’en respectant les procédures prévues au titre consacré à la révision de constitution.

En l’absence de dispositions exclusives, tout ne serait alors que question d’interprétation. Quelles dispositions l’emportent sur telles autres ? Celles de la révision ou celles liées au mandat du président ? Pourquoi pas les deux ?

Maintenant que le Président semble décidé à aller au référendum, on voudrait lui forcer davantage la main pour que la réduction s’applique au mandat en cours….

Les Wadistes qui réclament à cors et à cris l’application de la réduction du mandat promise par Macky au mandat en cours en faisant fi de l’avis du Conseil constitutionnel n’ont pas de réel argument juridique. Il ne s’agit pas de prendre une décision politique. L’application de la promesse politique ne peut se faire sans le respect de la constitution qui s’applique à Macky Sall au même titre que n’importe quel sénégalais.

Croyant empêcher à Macky Sall de poser la question de la révision constitutionnelle de sorte à ce que la réduction du mandat ne s’applique pas au mandat en cours, certains estiment même que la question qui devrait être posée au Conseil constitutionnel est juste de savoir s’il peut être recouru au référendum pour modifier le mandat ou la constitution !… Une question de Lapalisse puisqu’il ne viendra à l’esprit de personne de contester cette possibilité clairement permise par la constitution.

Et beaucoup oublient de rappeler les modalités de la dernière révision constitutionnelle du mandat du président français sur la base de la question suivante : « Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle fixant la durée du mandat du président de la République à cinq ans ? Les électeurs français avaient répondu oui à 73,21 % après que le Conseil constitutionnel français ait validé le projet.

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Et bien évidemment, les mêmes personnes qui veulent la réduction du mandat en cours oublient de rappeler que la réduction ne s’était appliquée qu’au mandat suivant l’élection présidentielle de 2002 et pas au mandat en cours à l’époque de Chirac.

La révision du mandat présidentiel au Sénégal peut très bien obéir à la même logique et connaître la même fin. Certes passer par la voie du référendum mais avec l’encadrement des dispositions relatives à la révision constitutionnelle du titre XIII. Sans exclusion mais de manière cumulative avec avis préalable et obligatoire du Conseil constitutionnel

Nous pensons, encore une fois, que l’avis éclairé du Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité des lois, est indispensable. Nul organe mieux que le CC ne peut analyser et interpréter et juger de la conformité à la constitution de tel ou tel projet de loi. Lui denier ce droit serait prétentieux et dangereux pour la stabilité de notre texte fondamental et de nos institutions.

En France, on est même allé plus loin dans le rôle dévolu au CC car depuis 2010, avec la QPC (question prioritaire de constitutionnalité) tout justiciable peut soulever, devant un juge judiciaire ou administratif, à tous les stades du procès, la question de la conformité à la Constitution de la loi applicable au litige dont il est partie. L’avis du Conseil constitutionnel peut conduire à l’annulation ou la modification de la loi visée par la QPC.

Car le gardien de la Constitution ce n’est pas le Président de la république, c’est le conseil constitutionnel bien que ce dernier, sous la présidence Wade s’est, à tort, souvent déclaré incompétent.

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Il ne faut pas aussi oublier que l’objectif de la réforme annoncée par le Président et voulue par les forces vives de la Nation à l’époque du M23 originel et des assises nationales ne porte pas que sur la durée du mandat. Il s’agira de proposer un texte de révision constitutionnel plus global comportant plusieurs mesures, dont certaines annoncées par Macky Sall lors de son message de nouvel an, tendant à renforcer la démocratie sénégalaise.

Une telle révision « consolidante » ne pourra s’effectuer qu’en respectant les dispositions du Titre XII organisant les révisions constitutionnelles.

Enfin, il existe un Titre XIII à la Constitution relatif aux dispositions transitoires qui renferme un article 104 (volontairement oublié par les partisans de Wade et de l’application immédiate de la réduction du mandat) ainsi rédigé :

« Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. »

Alors pourquoi ne pas laisser Macky poursuivre son 1er mandat jusqu’à son terme ? Est-ce le moment de lancer le pays dans une campagne électorale permanente ? Avons-nous le temps et les moyens matériels d’organiser un référendum en 2016 et une élection en 2017 ?

 

Ibrahima Ndiaye

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