La durée du mandat présidentiel vaut-elle le déclenchement d’une nouvelle guerre des religions dans notre pays ?
Assurément non ! Tout au plus, nous devrions nous appesantir sur les avantages d’un quinquennat en matière de renouvellement des élites dirigeantes et de la facilitation de l’alternance politique.
Le septennat lui pourrait être analysé sous la perspective de la stabilité politique et de la possibilité qu’il offre en terme de réalisation d’un programme pour un candidat élu à l’issue d’un scrutin direct et universel. Tout le reste relève de l’agitation politique ou des soubresauts d’un cabri debout sur un fauteuil trop majestueux ou grand pour lui.
Le candidat Macky Sall, leader de l’APR, bien que n’ayant pas participé aux travaux des Assises Nationales s’est approprié une des recommandations de cet Agora d’une partie des forces politiques et sociales qui à l’époque faisait feu de tout bois pour faire partir le Président Abdoulaye Wade accusé d’être taraudé par une tentative de dévolution monarchique du pouvoir.
Elu Président de la République avec plus de 65%, le 25 mars 2012 face à ce même Me Wade, Macky Sall en plusieurs occasions reviendra sur son engagement électoral portant réduction du mandat présidentiel de cinq au lieu de sept ans. Si cela n’est pas une profonde conviction chez lui, cela doit être au moins un avis ou une opinion qui a longtemps séduit sa propre religion. Il a pu au cours des trois premières années de son mandat se rendre compte que finalement sa position sur la durée du mandat présidentiel peut apparaître finalement comme ce que certains esprits qualifient de « bonne mauvaise idée ». Sa religion a pu alors changer ou peut-être ses convictions devenir encore plus fortes sur les avantages du quinquennat et les insuffisances du septennat. Car, ce débat sur la durée du mandat présidentiel voulue et entretenue par le Président Macky Sall n’est ni la conséquence d’une demande citoyenne, ni le fruit d’un engagement exigé par des alliés politiques ou des opposants détenteurs d’une force considérable ou contraignante. C’est le Président Macky Sall lui-même qui l’a voulu et qui se l’est imposé lui-même à lui tout seul.
Ce qui est d’ailleurs tout à son honneur. Car, il faut noter que la tendance actuelle sur le continent africain dans la révision des Constitutions va plutôt dans le sens de faire sauter les verrous de la limitation et les changements proposés vont dans le sens de l’allongement de la durée des mandats présidentiels. Cela s’observe au Rwanda, en Ouganda, dans les deux Congo, en Angola et autres.
L’adoption du quinquennat et son application au mandat actuel est à l’avantage de l’actuel locataire du Palais de la République parce qu’une présidentielle en 2017 ne peut que faire ses affaires, car un référendum n’est qu’un instrument de ratification d’une décision du Président de la République rivé sur le socle de ses convictions les plus profondes qu’il entend faire partager à ses concitoyens. En votant pour le oui à un référendum portant sur la réduction du mandat, le corps électoral ne fait que se ranger majoritairement derrière l’auteur de cette procédure.
Ainsi, en faisant suivre cette ratification par une « présidentielle anticipée » car élu sous l’empire du septennat, le Président impose ainsi une sorte de vote du premier tour à ses adversaires et à ses partisans. De facto, il s’élève au dessus des clivages partisans et impose à son parti la marche à suivre et la conduite à tenir.
Au vu de l’état actuel des forces politiques au Sénégal, Macky Sall est un Président sortant avantagé. Déjà, il a débuté une campagne électorale avec ses grands travaux dans toutes les cités religieuses du pays.
Il s’y ajoute que la bonne prise en main de l’agriculture et de l’élevage en plus de la poursuite des travaux publics et de la réalisation des infrastructures par son gouvernement, le Président Macky Sall ne devrait pas avoir de grosses craintes à se faire avec les populations du Sénégal de l’intérieur.
Sur les deux ou trois adversités assez significatives qui pourraient se présenter comme une alternative au leader de l’APR qu’il est, hormis Idrissa Seck ou le ou les candidats du PDS, tous les autres appartiennent à des formations politiques faisant partie de la majorité présidentielle.
Que retenir donc de cette agitation politique sur la durée du mandat présidentiel ?
Au-delà du Bien et du Mal aurait dit le philosophe allemand Nietzche, les élites sénégalaises se devraient de mettre les intérêts du pays au-dessus de tout. Et pour l’heure, cela tourne autour de la sécurité, de la relance économique et de l’emploi.
Notre pays appartient à deux unions économiques, l’UEMOA et la CEDEAO où aujourd’hui trois pays font la course en tête sur le plan économique.
Le Nigeria en premier, avec sa taille, sa démographie, ses richesses naturelles et surtout ses élites qui portent l’ambition d’en faire la première puissance économique du continent et du monde noir.
Les deux pays Akan que sont le Ghana et la Côte d’Ivoire connaissent une émergence économique qui à terme va en faire un pôle de puissance réelle.
Les élites d’un pays doivent donc nourrir des rêves de grandeur pour leur nation et s’atteler à lui construire un destin.
Il est regrettable de constater que les élites sénégalaises semblent manquer cruellement d’ambitions pour leur pays.
Assurément, c’est auprès de la génération des pères de l’indépendance avec des leaders comme Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor et Abdoulaye Wade que l’on trouve ceux qui ont l’étoffe des héros et des visionnaires.
L’ambition ne leur a jamais manqué de faire du Sénégal un pays au grand rayonnement, un pays ayant un destin. Celui de faire partie du groupe des leaders.
Il sied aujourd’hui de comprendre l’analyse que quelqu’un comme le Directeur Général du Port Autonome de Dakar pour ne pas le nommer Dr Cheikh Kanté ose porter et mettre sur la place publique.
Le destin du Sénégal se joue dans la sous-région avec un port de Dakar obligé d’être l’équivalent de ce que le port de Rotterdam est pour l’Union Européenne et celui de Singapour pour les dragons d’Asie.
Le choc des idées ou le combat politique n’ont de sens que s’ils sont porteurs de projet de grandeur pour notre pays.
Un pays qui a éconduit en l’espace de 12 ans deux présidents de la République installés au palais de la République est l’émanation d’un peuple qui connaît ses droits civiques et qui sait les utiliser à bon escient.
En février 2000, Abdou Diouf avait un bilan avec la fin du cycle des ajustements, les Sénégalais l’ont remercié.
En 2007, Abdoulaye Wade n’avait pas encore de bilan, les Sénégalais l’ont plébiscité à 56% au premier tour. En 2012, il avait un bilan et de grands chantiers, il a été envoyé à la retraite au 2e tour.
Les populations sénégalaises regardent devant elles. Elles croient en l’avenir.
Aux élites de s’ajuster.
Abdoulaye Bamba DIALLO