C’est une chose que de protéger les homosexuels de la furie des fougueux, c’en est une autre que d’encourager l’homosexualité au Sénégal. Les homosexuels sénégalais ne descendent pas de la planète mars, ils sont œuvres et produits finis des structures familiales bien de chez nous. Nous devons empêcher la tenue de « gay pride », éviter la banalisation des déviances sexuelles et s’opposer à la légalisation des actes contre nature, il y va d’un devoir de respect et de conformité aux us et coutumes. Pour autant, abandonner les homosexuels à la vindicte populaire soudaine, c’est compromettre le droit à la sécurité pour tous les citoyens, jusqu’au plus grossier.
L’état sénégalais est pris dans un piège. Il tente tant bien que mal de ménager la susceptibilité des fidèles et de jouer son rôle de protection de tous les citoyens. Les amalgames foisonnent jusqu’au rapprochement entre l’emprisonnement des imams soupçonnés djihadistes et l’élargissement des homosexuels pris en « violation de la loi ». Parlant de la loi, le ministre de la justice, engoncé dans des considérations de juriste, a appris à ses dépens que le droit stricto sensu ne peut, tout seul, venir à bout de cet imbroglio socio-passionnel. En soulignant que le droit positif punit l’acte contre nature et non le seul fait d’être homosexuel, il a franchi les limites de la politique de l’autruche déployée habituellement en la matière, en désespoir de cause.
S’ils ne s’emmurent pas dans un silence qui en dit long, l’État et la classe politique se dérobent, avec comme argument-clef que cela relève de l’autorité religieuse. Tiraillés entre le sentiment de conviction et le sens des responsabilités, ils rasent les murs et font profil bas. Pour sortir de cette spirale, le combat doit être mené non pas contre les homosexuels, mais contre la propension de l’homosexualité dans la société sénégalaise. Cela passe d’abord par une lutte sans merci contre les abus dans l’intimité des foyers.
Les réponses à deux questions essentielles guident notre pensée sur cette brûlante question d’actualité. Premièrement, nous ne voulons pas que notre pays, le Sénégal, sombre dans l’épreuve des libertés à outrance au point de banaliser toutes sortes de déviance. Deuxièmement, s’il s’agissait d’un frère ou de notre propre fils qui était poursuivi et lynché au coin de la rue pour homosexualité, nous en serions atteints, peinés et révoltés. Que les gais et lesbiennes, sénégalais bon teint, soient mus par des pulsions incontrôlables ou entretenues, les croyances et les valeurs de la majorité leur imposent discrétion et retenue. Pour autant, il est inacceptable que l’État sénégalais les jette en pâture ou les abandonne à la merci des inquisiteurs qui s’autoproclament auxiliaires de la morale.
L’égalité de tous et la primauté des libertés individuelles si chères aux démocraties occidentales ne peuvent se transposer tout de go dans l’architecture socio-institutionnelle sénégalaise. De plus en plus, les africains en appellent aux traditions et aux spécificités culturelles comme références et conscience dans l’organisation politique. Nous voilà encore dans le schéma classique des diktats et des résistances. Comme quoi, la marche engagée par l’Afrique vers la démocratie par la voie institutionnelle ne sera effective qu’avec un relâchement risqué des valeurs identitaires.
En réalité, l’agitation sociale reflète le fossé culturel entre les institutions républicaines et les représentations morales. En même temps qu’elle dénonce cette atteinte aux valeurs traditionnelles au nom des libertés individuelles, l’opinion s’accorde sur la sacralité des libertés publiques. Ce paradoxe témoigne du cafouillage idéologique qu’impose le mimétisme institutionnel. Eh oui ! L’acceptation des différences est pourtant une pièce maitresse dans le dispositif du modèle de démocratie libérale absorbée et indigeste jusque-là.
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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