De la libération du Coordonateur du Parti Démocratique Sénégalais , Omar Sarr, à celle de Toussaint Manga, en passant par celle des jeunes étudiants libéraux, ces derniers jours auront été marqués par une cascade de bonnes nouvelles pour l’opposition.
De prime abord, il faut naturellement s’en féliciter car le climat politico-judiciaire sénégalais n’en sera qu’apaisé. Tout de même, au-delà de ce constat de surface aussi vrai que réducteur, force est de noter l’incongruité de la forme de ces libérations qui semble asséner un véritable coup de massue au principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs. L’Independence de la justice au Sénégal s’enfonce ainsi dans les bas-fonds de l’exigence d’un exécutif mu par des considérations politiques.
S’il est possible de libérer à sa guise, emprisonner dans les mêmes conditions ne devrait pas poser de problème. Serait-on revenu à l’Ancien Régime en France où par une simple lettre de cachet, le roi pouvait, sans jugement, transmettre un ordre d’incarcération, d’exil ou encore d’internement des personnes qu’il jugeait indésirables pour le pouvoir?
Quoi qu’il en soit, de nombreuses raisons permettent de se douter que la libération des membres de l’opposition soit l’œuvre d’une justice indépendante agissant sans main mise de l’exécutif.
Tout d’abord, on se rappelle, il n’ya pas longtemps, lorsque le président Macky Sall parlait de la traque des biens mal acquis, il avait déclaré : «Vous seriez surpris par le nombre de dossiers auxquels je n’ai pas donné suite ». Cette boutade diversement interprétée n’est pas sans poser problème dans un Etat de droit qui galvaude partout et en tout temps l’Independence de la justice.
Ensuite, cette vague de libération intervient juste après que l’opposition ait refusé tout dialogue avec le pouvoir tant que le coordonateur du PDS sera dans les liens de la détention. En effet, lors d’un meeting organisé à Guédiéwaye, la députée libérale Aida Mbodj avait menacé : « Notre coordonnateur étant dans les liens de la prévention, quiconque dirigera la délégation du Pds est un imposteur » .
Le président Macky SALL accède-t-il aux exigences de l’opposition pour faire aboutir son projet de dialogue social ou s’agit-il d’une simple coïncidence? Le débat est ouvert !
En tout état de cause, l’indépendance de notre justice consacrée par la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, en son article 88 est plus théorique que pratique. Les puristes de la séparations des pouvoirs si cher à Montesquieu peuvent encore attendre pour longtemps la réalisation de leurs vœux.
Monsieur le président, lors d’un entretien récent que vous avez accordé à nos confrères du site l’Express, vous vous félicitiez de l’ampleur des réformes que vous avez initiées et qui, à votre avis, doivent servir à renforcer la démocratie sénégalaise, mais aussi à moderniser ses institutions. Commencez tout d’abord, pour donner de la crédibilité à notre justice, par lui débarrasser de tous ces mécanismes et systèmes qui en font fatalement une justice inféodée.
Abdoulaye FALL
abdoulaye91@hotmail.fr