En entendant sur Radio Futurs médias Me Abdoulaye Babou prier la justice d’être clémente à l’égard de son client Boy Djinné, grand cambrioleur et as de l’évasion, il est difficile de ne pas donner raison au Premier président de la Cour suprême Mamadou Badio Camara qui, dans son adresse lors de la Rentrée solennelle des cours et tribunaux, le 12 janvier dernier à Dakar, estime que le « plaider presse » est une stratégie de défense de certains avocats ; plaider presse consistant à, pour ainsi dire, mettre à contribution les médias, faire de ces derniers un espace de plaidoirie – et aussi de plaidoyer – pour gagner la bataille de l’opinion. L’astuce est une tendance forte chez nombre d’avocats. Et le Premier président de la Cour suprême est bien navré de cette « pratique consistant à attaquer une partie adverse par voie de presse au lieu de saisir les juridictions compétentes. Nous avons maintenant le plaider presse.
En effet, selon les explications du haut magistrat, « certains avocats ne se contentent plus de plaider leurs affaires devant les juges, mais préfèrent organiser un point de presse pour « rallier l’opinion à je ne sais quelle bannière, d’une manière non contradictoire »…
Me Babou, fort lénifiant, n’a pas fait moins en priant le magistrat, qui aura à juger le jeune caïd, de considérer ce dernier « non pas comme un ennemi public numéro 1, mais plutôt comme un délinquant non-violent » (sic). C’est que, Boy Djinné a déjà un palmarès qui dresse de lui un profil de grand bandit. Et à travers son « plaider presse », on devine dans quel sens pourrait se diriger la ligne de défense de son avocat qui, par le biais des médias, veut promouvoir l’image d’un Boy Djinné plus victime que malfaiteur.
C’est en fait à la star de la musique Youssou Ndour que l’on doit cette notion qui renvoie à une pratique voire à une stratégie consistant médiatiser un dossier pendant en justice dans le calcul – à peine secret – d’avoir l’opinion de son côté. En effet, Youssou Ndour a forgé ce terme « porter presse » à qui le président de la Cour suprême a trouvé un dérivé à la pertinence indiscutable.
Des titres de « une » de la presse dakaroise d’hier sont bien expressifs de cette réalité : « Les avocats de (Hisseine Habré) déposent leurs conclusions dans les… rédactions », titre Rewmi Quotidien, « La « plaidoirie » des avocats de Habré », écrit L’Enquête. C’est pour dire combien la presse peut être un élément important dans l’une ou l’autre (ou les deux) parties à un litige judiciaire.
En d’autres circonstances, et toujours dans le secteur judiciaire, certains chroniqueurs judiciaires sont suspectés de porter une attention plus assidue aux plaidoiries de tel avocat dont ils s’émerveillent de la pertinence, de la pugnacité et plein d’autres superlatifs propres à faire de leur plaideur un ténor du barreau.
C’est quoi donc un communicateur traditionnel, au sens où ici, sous nos cieux sénégalais, on l’entend ? Faut-il être nécessairement un griot pour être intégré dans cette « profession » qui a son président, son coordonnateur, ses membres ? Le profil a fait son apparition dans les années 90 et s’est imposé quand l’Unicef, voulant vulgariser son Programme élargie de vaccination (Pev), mais à contribution des griots, les dénomma « communicateurs traditionnels et fit appel à des griots qui prirent part à des manifestations, furent de voyages à travers le Sénégal, l’Afrique, bénéficièrent de per diem… Mais, jusque-là, il reste des questions sur cette notion dont la moindre n’est pas de savoir si ces communicateurs sont juste des personnes usant de moyens de communication traditionnels. Ou juste des griots qui se sont emparés de ce profil pour en faire leur chasse gardée.
La presse n’est pas que l’espace de plaidoiries d’avocats ; elle est aussi un espace de communication favori des syndicats, surtout d’enseignants. A vrai dire, la presse a une forte attirance, très exposée (au sens communicationnel du terme) aux informations émanant des syndicats d’enseignants ; il n’y a quasiment pas de mot d’ordre syndical de ces formations qui n’aie bénéficié de traitement diligent pour ne pas dire de faveur dans la presse. Quant à savoir s’il y a de l’information dans ces déclarations… Au Sénégal, des enseignants qui menacent d’aller en grève ou qui y sont, est devenu si routinier qu’il n’y a pratiquement plus d’information à en tirer de ce qui est presque un pléonasme. C’est juste, pour nous, une manière de parler !
Jean Meïssa DIOP