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« le Nègre Et La Médaille »

« le Nègre Et La Médaille »

Cheikh Anta a été célébré et tardivement réhabilité dans ses ambitions pour l’Afrique, du moins par une partie de l’intelligentsia sénégalaise parce que l’autre partie reste encore très sceptique sur la vraie dimension scientifique de l’auteur de Nations et cultures négres et culture.

Le président de la République vient de reconnaitre la valeur scientifique des travaux de Cheikh Anta en recommandant que son oeuvre soit enfin enseignée dans nos écoles. Aboutissement d’un très long combat de trente années porté par des héritiers et idéologues qui en avaient fait leur cheval de bataille. Un CAD qui N’ÉTAIT pas populaire dans les universités françaises. Sauf aux USA notamment à l’université de Atlanta, bastion du mouvement noir. Ses conférences Les plus célèbres se sont tenues à Atlanta, Alger, Khartoum et Niamey

On verra ce que ce geste de reconnaissance va donner dans les faits car parler de Cheikh Anta c’est aussi parler, indirectement, de nos élites intellectuelles et politiques, de leurs créations, de leurs limites et de l’impact de leurs publications sur le destin historique de notre pays. Sous ce rapport, Senghor est resté, et restera, une figure marquante pour son inféodation à l’idéologie occidentalocentrique du conquérant blanc, idéologie qui a fait de lui un opposant chevronné aux idées afronationalistes de Cheikh Anta, Ousmane Sembene et, jusqu’à une moindre mesure, de Mamadou Dia.

Même si par pudeur, son aura rend impudique de lui jeter la moindre pierre en pleine face, le destin problématique de notre nation qu’il a dirigé depuis notre indépendance en 1960 nous oblige, à la lumières de ce que nous sommes devenus 50 ans plus tard, de nous poser les questions qui s’imposent sur le sens de la lutte sans faille qu’il a amenée contre tous ces hommes de valeur, mais particulièrement contre Cheikh Anta que Macky Sal vient de porter sur les fonts baptismaux.

Nos universitaires seront ils terrifiés de s’entendre dire qu’ils sont terrifiants dans leurs capacités à taire ou à déconstruire les idées de nos génies ? Je ne saurais point répondre par «oui» ou par «non» à cette question. Ce que je sais par contre, c’est qu’ils ont longtemps refusé et continueront de refuser, comme leur père spirituel Senghor, la compétition scientifique dont cheikh Anta faisait un sacerdoce moral dans tous ses travaux.

Fuyant volontairement le débat Senghor-Cheikh Anta dans lequel beaucoup d’entre eux ne voulaient point entrer, nos universitaires se sont transformés, en grand nombre, en marchands ambulants qui sautillaient – quand ils savent profiter de leurs réseaux occultes – d’une université à une autre à la recherche de la gloire qu’ils n’auront jamais de manière égale à Cheikh Anta qui est resté à Dakar jusqu’à sa mort. Comme quoi, on peut briller sur tous les toits, à condition de savoir bien allumer les lampions du savoir. Beaucoup de ces intellectuels n’ont jamais été dans une logique de transformation de la société…mais plutôt de maintenance et pérennisation du système.

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Et quand ces lampions sont vraiment allumées comme celles qu’a allumés Cheikh Anta, on brille et on brille de tous ses feux, même quand le vent de l’adversité commandée hors de notre continent souffle à cent à l’heure et menace d’éteindre ces lampions devenues inextinguibles par leur force d’éclat. Du haut de son piédestal où il exerçait une véritable hégémonie politique et intellectuelle qui traverse encore la nuit des temps et subjugue toujours encore l’esprit de nos élites en commande, Senghor a fermé Ponty parce qu’il n’était pas apparemment « pointains » frénésie de jalousie généralisée.

Une icône comme Amadou Aly Dieng nous donnera deux belles leçons de générosité. La première quand il prêta à CAD les livres pour ses recherches et la deuxième quand il légua sa bibliothèque à UCAD pour le seul souci de voir l’Afrique enfin triompher dans l’espace du savoir en osant s’affirmer sur la scène mondiale sur laquelle elle est présentement battue à plate couture par l’Occident .

Ce que Senghor nous a légué comme postérité intellectuelle, ce sont des assimilés, des effrontés et des corrompus qui pensent jusqu’à ce jour être au-dessus des Sénégalais parce qu’ils parlent bien ou ont bien parlé avec Senghor la langue de Molière. Senghor a corrompu nombre de marabouts à sa solde et nous a laissé Jean Collin comme ministre de l’intérieur et agent assermenté de Jacques Foccart. Ensemble, ils battront à mort le jeune Blondin Diop.

Et, dans le réseau de Collin, Abdou Diouf dirigera le pays, sans réel pouvoir, jusqu’à sa défaite le 19 mars 2000. Collin a instauré son système clientéliste et policier. Un Etat d’intrigues avec, à sa tête, un pouvoir complètement coupé des masses populaires qui votaient pour le régime, sous le regard complice d’un Abdou Diouf tenaillé par la grande géométrie de Foccart. Voilà pourquoi le poste de secrétariat à la présidence donnera un profil de vice-président avec pouvoir absolu dans les coulisses. Voilà pourquoi aussi, avec ce modèle républicain centralisateur, les assimilés et effrontés (y compris les «collin’s boys») ont tiré et continuent de tirer les ficelles au cœur de notre république bien au-delà du 23 juin.

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Une république sélectivement généreuse partageant ses bijoux de famille entre celles qui tiennent la plus juteuse entreprise de l’Afrique, avec une mafia du pétrole qui manipule le pouvoir et une administration territoriale toujours coloniale et fidèle avec ces atouts et son dédain. Il faudra bien sûr y rajouter la prééminence des logiques confrériques, impériales et maçonniques dans leurs capacités d’infiltration et d’exfiltration du régime.

Au final, dirais-je, Senghor a donné la profonde impression que tous les Sénégalais qui n’étaient pas d’accord avec ses idées étaient des malfrats hérétiques. Il a bradé nos frontières avec la Mauritanie au nom de ses délires poétiques et balkanisé définitivement les fonctions ministérielles soumises à la recherche de base politique. En fait, il a fondé le sacrilège institutionnel de la dévolution monarchique du pouvoir qui réapparaitra plus de 30 ans après lui, un pêché véniel pour un prétendant bâtisseur de la république.

Après son forfait, il a taillé bavette pour le restant de sa vie avec son vrai pays, la France qu’il n’a jamais eu honte de porter jusqu’au sacrifice ultime, en bâillonnant Cheikh Anta, Ousmane Sembene, son «ami» Mamadou Dia et tous ceux qui étaient opposées à ses idées européocentriques. Finalement, Senghor a lavé le Sénégal avec l’affront du regard français et est admis à l’Académie à la place de Césaire. Avec lui et ses parangons, le Sénégal deviendra la plus solide tête de pont de sa mère-patrie, la France, qui porte encore l’odeur de nos humiliations depuis des siècles qu’il domine notre pays. Bref, en analysant Senghor, on perçoit toutes les tares d’une intelligentsia sénégalaise qui continue encore de diriger notre pays.

Si nos ministres vont, à l’aéroport, accompagner et accueillir le président de la République quand ce dernier voyage à l’étranger, on le doit à Léopold-Sedar-Senghor-Le-Peau-Noir-Masque-Blanc et à la chape de plomb de la tradition républicaine qu’il a héritée de ses grands-parents, les Français qui nous gouvernent.

Tel était Senghor et telles seront les élites qu’il a fabriquées de toute pièce pour lui et pour le Sénégal où ils règnent encore sur nos consciences. Si le geste historique de Macky Sall (de reconnaitre la contribution scientifique de Cheikh Anta Diop à la connaissance de notre histoire) est sincère, disons lui «bravo !». Bravo sincère mais, surtout, espérons que les élites sénégalaises et de l’Afrique noire toute entière en profiteront pour réécrire l’Histoire aujourd’hui racontée à l’envers par les vainqueurs du moment.

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Il se pose une question fondamentale sur les implications pratiques de cette décision présidentielle. L’éthique, l’absence de compromission, faire du développement à partir de ce qui est germe et selon les priorités africaines, faire la démocratie à partir de nos langues..Macky aura t’il le courage d’assumer les conséquences des idées de Cheikh Anta Diop ? L’histoire nous en dira un peu plus. Ce que l’histoire nous dira aussi c’est si nous sommes capables de sortir du vieux nègre et de la médaille. Car toutes les velléités de changer ce paradigme sont étouffées soit par la violence symbolique (la terreur de senghor pour imposer le silence, la paupérisation des élites rebelles; le silence docile des universités). Soit par la violence physique (emprisonnement de Mamadou Dia, les tortures des militant du PAI). D’ailleurs la plupart des gens qui plastronnent ont été des collaborateurs ou des lâches.

Plus fondamentalement, pour parler de la décision présidentielle, ce n’est pas la plaque commémorative qui compte mais la POSTURE transformationnelle. Car il est encore plus difficile d’assumer les idéaux de CAD en 2016. Les logiques hégémoniques étant plus perverses maintenant. La médaille du nègre à été remplacée par des pots de vins , des trafics d’armes et un chaos organisé par des forces militaro-affairistes Il est frappant d’observer que presqu’aucun programme politique ne demande de réviser ces liens. Voilà sans doute le vrai problème auquel nos assimilés et effrontés n’osent pas toucher.

 

Abdou Ndukur Kacc Ndao

Abdou Ndukur Kacc NDAO

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