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Les Ressources Naturelles Au Peuple ! De « Toolu Buur »* à « Toolu Askanwi »* !

Les Ressources Naturelles Au Peuple ! De « Toolu Buur »* à « Toolu Askanwi »* !

La dégradation de l’environnement a connu, pendant ces dernières décennies, une ampleur inquiétante, notamment dans les pays sahéliens. Ce phénomène affecte, de façon sensible, la qualité de vie des populations rurales et urbaines qui dépendent des ressources naturelles pour l’essentiel de leurs besoins de subsistance. L’Environnement, selon GOFFIN, est « un système dynamique défini par les interactions physiques, biologiques et culturelles perçues ou non, entre l’homme et les autres êtres vivants et tous les éléments du milieu qu’ils soient naturels, transformés ou créés par l’homme ». Ces interactions de plus en plus désarticulées engendrent la rupture des équilibres naturels et sapent le bien-être des populations.

Les pays africains, particulièrement ceux de la région sahélienne, sont exposés à diverses crises (politiques, économiques, financières, etc.) auxquelles viennent s’ajouter les conséquences du dérèglement climatique. La fréquence accrue des phénomènes extrêmes résultant de ce fléau, entre autres, les inondations et la sécheresse, entraine l’érosion côtière, la dégradation des forêts, la perte de biodiversité et des problèmes de santé publique.

Au vu de cette situation dont la tendance mène vers le chaos, la communauté internationale élève la voix pour une prise de conscience collective afin de préserver l’environnement. En décembre 2015 à Paris, lors de la 21ème conférence des Parties sur le changement climatique, la communauté internationale s’est engagée à maintenir le réchauffement de la planète en deçà de 2°C. Une décision salutaire qui, cependant, ne met pas totalement à l’abri nos pays vulnérables.

Au Sénégal, des réformes politiques et institutionnelles sont initiées pour une meilleure prise en compte de l’environnement dans notre politique de développement. Dans le processus de promotion de la gouvernance verte préconisée par le président de la République au sommet de Rio+20 (2012), les initiatives pour la croissance durable doivent s’articuler autour de politiques économiques et sociales équilibrées et s’adosser à des technologies et des modes de production écologiquement rationnels. Cette vision peut se justifier par les dérèglements climatiques notés dans notre pays. En effet, depuis que le Sénégal est indépendant, de tous les mois de décembre, celui de 2015 a été le plus chaud. Ce constat devrait pousser tout citoyen à se poser la question de savoir : vers où nous mène le dérèglement climatique ? Il y a bien des raisons de tirer la sonnette d’alarme pour susciter une prise de conscience collective et individuelle des agressions sur l’environnement qui mettent en péril la survie de l’humanité.

Ainsi, l’engagement politique de l’Etat dans la dynamique de gestion écologiquement rationnelle des ressources du pays est à encourager. Lequel engagement se traduit par l’élaboration de la Contribution déterminée au niveau national (Cdn) de notre pays définissant ses options de réduction des émissions de gaz à effet de serre (Ges), mais aussi par le plaidoyer du Chef de l’Etat sénégalais lors de la COP21 pour un accord juste, équitable, juridiquement contraignant et basé sur la responsabilité commune mais différenciée. Dans ce sens, le Sénégal s’est doté d’une Stratégie nationale de développement durable (Sndd) depuis le 24 juillet 2015, lors de la première Conférence nationale sur ce volet porté par l’axe 2 du Plan Sénégal émergent (Pse). La Sndd, élaborée par le ministère de l’Environnement et du Développement durable et ses partenaires, résulte d’une forte implication des acteurs à travers des concertations régionales sur toute l’étendue du territoire national. Ses recommandations précisent que l’implication des populations et leur appropriation des projets, plans et programmes sont un gage de réussite des actions à mener. En référence à beaucoup d’expériences, celles ayant connu relativement une réussite sont portées par les populations. L’on peut citer la mise en place des « Aires marines protégées » dont l’implication des comités locaux de gestion garantit le suivi et l’atteinte des objectifs. En outre, dans le domaine de la conservation des ressources naturelles, les apports des volets culturel et cultuel facilitent la cohabitation harmonieuse entre l’homme et la nature et sont matérialisés par le « bois sacré » au sud du pays. Cette expérience réussie a motivé la mise en place des forêts/réserves communautaires.

Le succès de ces initiatives de préservation de l’environnement et des ressources naturelles est dû à leur appropriation par les populations qui en font leur propriété. Cela montre suffisamment qu’il est impératif de changer de paradigme, en passant de la perception « Toolu buur » qu’avaient les populations des ressources naturelles à celle de « Toolu askanwi » pour mieux tirer profit des savoirs locaux et de l’implication des acteurs dans la gestion desdites ressources. C’est certainement ce qui motive le choix du Président de la République de préciser, dans le projet de révision de la constitution, que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie. L’exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durable. […] ». Cela implique des devoirs sans lesquels la veille environnementale et la gestion durable des ressources naturelles ne seraient qu’une illusion. A cet effet, le projet de révision de la charte fondamentale de notre pays soutient que « la défense, la préservation et l’amélioration de l’environnement incombent aux pouvoirs publics et à tout citoyen. Les pouvoirs publics ont l’obligation de préserver et restaurer les processus écologiques essentiels et de pourvoir à la gestion responsable des espèces et des écosystèmes, de préserver la diversité et l’intégrité du patrimoine génétique, d’exiger l’évaluation environnementale pour les plans, projets ou programmes, de promouvoir l’éducation environnementale et d’assurer la protection des populations dans l’élaboration et la mise en œuvre des projets et programmes dont les impacts sociaux et environnementaux sont significatifs ». Compte tenu de la responsabilité clairement définie des acteurs dans le projet, nous pouvons alors rester optimistes quant à une meilleure gestion du cadre de vie. En rappel, la loi n° 2001-01 du 15 janvier 2001 portant Code de l’environnement a institué l’évaluation environnementale comme outil d’aide à la décision dans les projets, plans et programmes ; dans le projet de révision de la constitution, celle-ci est exigée. Ce choix montre une volonté politique de l’Etat de préserver le droit des tiers et d’améliorer les performances des entreprises.

Au demeurant, il est urgent de réévaluer les politiques, plans et programmes menés dans le passé et de mettre en œuvre une meilleure stratégie qui intègre des approches et des outils de gestion durable des ressources naturelles et du cadre de vie. Pour ce faire, la revitalisation des terres, la conservation de la biodiversité, l’amélioration des services écosystémiques, le renforcement des capacités des populations rurales et la promotion de l’éducation environnementale constituent des leviers sur lesquels l’on devrait s’appuyer pour garantir la résilience des écosystèmes et l’émergence de notre pays.

Chers lecteurs, soyons conscients que « la planète ne nous est pas léguée par nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants » et prenons nos responsabilités pour sa protection au bénéfice des générations actuelles et futures.

« toolu buur »* : champ du roi

« toolu askanwi »* : champ du peuple

 

Diomaye DIENG

Chimiste Environnementaliste,

Conseiller Technique du Ministre de l’Environnement et du Développement Durable

E-mail : diengdiomaye@yahoo.fr

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