Dans une de mes récentes chroniques intitulée: « Réduction de son mandat de 7 à 5ans : le président SALL y tient-il réellement? », je m’interrogeais avec scepticisme sur la véritable intention du président de la République en ces termes: « Pourquoi épiloguer dés maintenant sur un éventuel refus du conseil constitutionnel d’accepter la réduction du septennat ? Mieux encore, pourquoi essayer de trouver un fondement juridique à cette hypothèse? N’est-on pas entrain de préparer l’opinion à un wax-waxet couvert du voile de la légalité par le conseil constitutionnel? L’avenir nous édifiera ! »
En écrivant ces lignes empreintes d’astrologie politique, je n’ai jamais autant souhaité me tromper. Mais hélas, mes craintes -et celles de nombreux sénégalais- ont fini par se réaliser. En prenant » l’avis ou la décision » du conseil constitutionnel comme bouc émissaire pour se dédire, le président SALL ne s’est pas éloigné de son prédécesseur dont la candidature en 2012 reste encore gravée tristement dans la mémoire collective des sénégalais. C’est comme si le sort s’acharnait sur nos hommes politiques qui, une fois qu’ils gouttent aux délices envoutantes du pouvoir, rangent aux oubliettes leurs idéaux tant déclamés par le passé. Dans cette univers où la vérité et la constance sont reléguées au second plan, la versatilité est érigée en maitre-mot. On se cache derrière les gymnastiques intellectuelles de piètres juristes pour donner un fondement à une légalité qui n’en est pas une.
Le président SALL, pour ne pas respecter sa promesse s’est accroché à la « décision » du conseil constitutionnel qu’il semble vouer un respect aveugle. Pourtant, il n’ya pas longtemps, son ministre de l’éducation avait dit niet à la Cour Suprême lorsque cette dernière lui avait demandé de réintégrer les 690 élèves-maitres accusés de fraude.
Le ministre de l’Education nationale soutenait que le gouvernement est tiraillé entre deux étaux : l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Selon lui, cette éthique de responsabilité se situe à deux niveaux. «Dans un Etat de droit, la responsabilité voudrait que la décision de justice soit respectée. En tant que ministère de l’Education nationale, garant de la qualité de l’enseignement, la responsabilité voudrait que ces élèves-maîtres ne puissent pas enseigner».
C’est par ce raisonnement tiré par les cheveux que le gouvernement s’était abstenu de respecter une décision et pas un avis d’une haute juridiction. Aujourd’hui, ce même gouvernement s’accroche à un avis pour ne pas respecter sa promesse. C’est à croire que la justice ne mérite respect que lorsqu’elle prend des décisions qui nous sont favorables. Hier, le régime du président SALL avait opté pour « l’éthique de conviction » pour échapper à l’application de la décision de la Cour Suprême. Aujourd’hui, il a opté pour « l’éthique de responsabilité » pour appliquer la décision ou l’avis du conseil constitutionnel. Et demain quelle sera l’option? De qui se moque-t-on en fin ce compte ?
L’éminent penseur James Freeman Clarke aurait dit: « La différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération. »
Le président SALL pense-t-il à la prochaine élection ou prochaine génération? La réponse va de soi. Les nostalgiques du Sénégal des valeurs peuvent alors encore attendre…
Abdoulaye FALL
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