S’il y a une loi qui est vraiment prometteuse, c’est bien la loi n°04/2015 qui interdit la commercialisation et l’usage des sachets plastiques à faible « micronnage ». C’est un grand pas qui vient d’être franchi dans la politique environnementale du Sénégal et, en cela, les autorités politiques méritent d’être félicitées pour la diligence avec laquelle elles ont amené les parlementaires à réagir.
Le premier plastique entièrement synthétique a été créé par erreur en 1907 par Bakeland. Eu égard aux méfaits des matières plastiques d’aujourd’hui, on peut dire que l’erreur originelle est loin d’être réparée. Malgré son utilité notamment dans la conservation des aliments et dans l’amélioration de l’hygiène, la matière plastique pose de nombreux problèmes aux plans environnemental et sanitaire. A titre d’exemple, on peut citer le continent de déchet (trash Vortex) couvrant 3.5 millions de km² dans le pacifique Nord qui est en train de détruire la faune et la flore marine. Plus d’un million d’oiseaux marins et plus de 100.000 mammifères marins meurent chaque année, dans le monde, à cause de l’ingestion de débris plastiques.
Le Sénégal est touché profondément par ce péril plastique, rien qu’à Dakar, plus 5 millions de sachets plastiques sont rejetés journellement dans la nature. Les écosystèmes marins de notre pays sont menacés à la fois par les mono filaments et par les milliers de tonnes de matières plastiques rejetés dans la mer. Sur la terre ferme, les espaces de production agricole sont colonisés par les sachets plastiques dissipant ainsi les espoirs des paysans en quête perpétuelle de rendements meilleurs. N’oublions pas le bétail qui est laissé à la merci de ses « poisons » de plastique. Enfin, les sachets plastiques truffent les espaces urbains et n’épargnent pas les espaces ruraux comme pour nous narguer.
La matière plastique n’affecte pas que l’environnement, elle affecte aussi notre santé. Outre les problèmes d’insalubrité, les sachets plastiques brulés peuvent causer des dommages irréversibles sur le plan sanitaire. A cause de ses composés chimiques comme le bisphénol A et les phtalates, la fumée du plastique peut entraîner des cancers, des œdèmes pulmonaires, ou une défaillance du système cardiovasculaire.
Pour toutes ces raisons, même si elle ne concerne pas toutes les catégories de plastiques, cette loi est la bienvenue.
Non plus, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter quant à son application. N’est-ce pas les sénégalais sont maîtres dans l’art de la rédaction de lois innovantes et progressistes ? Mais ne sont-ils pas de piètres artisans dans l’application de celles-ci ? Qu’est devenue la loi sur le domaine public maritime ? Où se trouve la loi sur la mendicité ? Qu’est-il arrivé à la loi sur le loyer ?
L’application de la loi n°04/2015 interdisant la vente et l’usage des sachets plastiques à faible « micronnage », ne sera pas une sinécure, car les logiques de gestion environnementale ont été ici prises à rebours. Dans un processus normal, on aurait privilégié la finalité pédagogique sur la finalité répressive. Autrement dit, le vote de la loi devrait être précédé par une bonne campagne communication et d’information. En réalité, toute gestion durable d’un aspect de l’environnement passe nécessairement par une bonne gestion de l’information.
Déjà, sur le marché on commence à changer de stratégies. Il était très difficile de trouver des sachets plastiques pendant les premières semaines de l’entrée en vigueur de la loi. Actuellement, les sachets inondent le marché sous d’autres formes et d’autres couleurs avec le même « micronnage ». Pire, les mêmes sachets noirs, pour lesquels la loi a été votée, refont surface.
On ne peut revenir en arrière, il n’est pas question de lâcher prise. N’allons pas dans les marchés saisir les produits ni emprisonner les revendeurs, cela ne ferai qu’augmenter la valeur marchande de ses sachets. La solution se trouve dans l’appropriation de la loi par la population. L’objectif étant d’arriver à amener la population à prendre conscience de tous les dangers que génèrent les matières plastiques.
La réussite d’une telle entreprise passera, d’abord, par une éducation à l’environnement de toutes les composantes de la population. C’est donc le lieu d’intégrer cette éducation dans les programmes de radios, de télévisions et même de l’insérer dans les curricula scolaires. Il faudrait, ensuite, proposer une alternative durable aux sachets plastiques. Dans ce sillage, trois pistes me paraissent intéressantes à explorer. Premièrement, il faudrait revaloriser nos instruments traditionnels comme la calebasse et le panier en l’adaptant à notre époque.
A ce niveau, les artisans, les artistes et les professionnels de la mode devraient être mis en selle pour arriver aux résultats escomptés. Deuxièmement, la promotion des matières biodégradables dans la fabrication de sachets. Par exemple, les espèces végétales envahissantes comme le typha et le Salvinia molesta pourraient servir de matières premières pour des sachets en papier. Troisièmement, il serait important de miser sur le recyclage de la matière plastique elle-même, dès lors que l’on sait qu’elle cheminera résolument avec nous. A ce titre, il faudrait bâtir une véritable industrie de recyclage durable afin de lutter contre le chômage en attendant de trouver une solution définitive qui nous sortira des griffes du plastique.
Donc, la loi interdisant la commercialisation du sachet plastique à faible « micronnage » est venue à son heure. Mais, il reste beaucoup de chemins à parcourir pour une bonne appropriation. En ce sens, le premier pas devrait, sans aucun doute, la traduction de cette loi dans les langues nationales et l’engagement ferme dans une éducation à l’environnement. Dans cette lutte, l’Etat ne doit pas être seul, toutes les bonnes volontés soucieuses de l’avenir de la planète, de notre futur commun, doivent se mobiliser pour l’application stricte de cette loi, mieux, ont l’obligation de se battre pour son extension sur les autres produits plastiques.
Yakhya BADIANE
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