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Les Jalons Multiples D’un Débat National (les Chroniques De Bandia)

On pourrait penser que Goorgorlu est vraiment en phase avec l’opposition de Ndoumbélaan. Même si aucune radio ne lui tend son micro, même si toutes les télévisions boudent sa silhouette trop familière,

il est présent à tous les coins de rue, sur les grand ‘places et prolonge à sa manière le cri de guerre de l’opposition : « que le Gladiateur respecte ses engagements électoraux ! ». Ce n’est pourtant là qu’une simple coïncidence, car pour les deux camps, les mots ne veulent pas dire la même chose.

La baisse des prix des produits pétroliers que rend possible une conjoncture internationale franchement favorable, mais pourtant longtemps différée, commence à perler comme un cadeau né de la bonne volonté du Gladiateur d’alléger les souffrances de ses sujets. Mais cette magnanimité ne concerne pas du tout Goorgorlu et les siens. Il n’a pas de voiture, se tape à pieds les dizaines de kilomètres pour se rendre de la banlieue au centre des affaires et sa douce Jeeg en est encore au carton et au bois pour cuire ses maigres repas.

Sans être un académicien, Goorgorlu instruit par l’expérience sait que l’alternance ne signifie pas, et vraiment pas du tout le changement. Il en a traversé deux sans réellement apercevoir le bout de son long tunnel. Il se moque donc de la durée du mandat du Gladiateur et de son éventuel successeur. Ce qui l’intéresse c’est sa DQ. Au moins là, il peut parler de promesses non tenues. Et en parlant de respect des promesses, il ne s’adresse pas exclusivement au Gladiateur. Tous ces messieurs à quatre épingles qui se crêpent le chignon sur les plateaux audiovisuels et à l’hémicycle pour quelques maroquins et des CFA de plus, lui avaient fait aussi des promesses longtemps après celles du Gladiateur.

L’envie de porter plainte pour usurpation de fonction lui taraude d’ailleurs l’esprit chaque fois qu’il les entend prétendre parler en son nom. Mais il n’a malheureusement pas la possibilité de se payer un avocat… ou un juge, parce que certaines mauvaises langues de Ndoumbélaan prétendent que c’est la même chose. Laissons-les seuls assumer leurs propos, car ici les présumés auteurs de diffamation et leurs complices ou considérés comme tels, sont traités comme des assassins de princes héritiers. Or à Ndoumbélaan, on ne juge plus, on ne condamne pas les auteurs et complices de diffamations. On les punit simplement en les jetant au cachot pour dissuader d’autres « arrogants » avant de les élargir sous le prétexte d’une « liberté conditionnelle ». C’est-à-dire la possibilité de regagner les rangs dans un royaume où la liberté tout court est devenue une exception. La « liberté conditionnelle » sous l’alternance II est en effet la chose la plus partagée par tous les sujets de sa majesté y compris les membres de sa dynastie de plus en plus impliqués dans des affaires qui sèment un doute (raisonnable ou non), et dont la durée du mandat en question semble la seule distance légale et illégitime qui les sépare de l’hôtel de la corniche. Sous cet angle d’ailleurs, le rejeton de l’Empereur déchu, crédité unilatéralement le plus intelligent du royaume par son géniteur, puis reconnu par la justice comme le plus grand prédateur de ressources publiques serait un conseiller à leur recommander.

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En publiant le contenu et les échéances de « son référendum » en quatorze points et demi, un des points ayant été amputé par l’avis consultatif-délibératif d’un conseil de sages jamais en phase avec le peuple, le Gladiateur reste fidèle à sa logique de pouvoir. N’avait-il pas déclaré depuis le lointain pays du Grand Timonier, qu’il n’était pas lié par les Assises et encore moins par la CNRI dont il tirerait ce qu’il jugera à son goût ?

Ceux qui pensent qu’il, s’est dédit en excluant toute idée de réduire son mandat ont peut être raison. N’est ce pas lui qui avait répondu à ceux qui l’accusaient de violer la loi en abusant des marchés publics, que les électeurs ne lui demanderont pas s’il a respecté la loi ? Ce « maa tey » du premier magistrat qui a pourtant la liberté de proposer une modification des textes pour les rendre plus performants, était passée sous l’indifférence quasi générale. La référence à la loi pour ne pas réduire son mandat peut apparaitre donc aujourd’hui un comme un simple prétexte politicien. Si le Gladiateur tient à nous rassurer sur une candidature éventuelle et probable à un « troisième-deuxième » mandat en précisant que le décompte des deux mandats légaux commence bien par celui qu’il exerce actuellement, il ne rassure pas pour autant. Ce n’est encore là que son avis ou sa volonté tel qu’il l’avait exprimé durant sa première campagne, que peut venir infirmer un avis consultatif- délibératif d’un conseil (peut être à sept sages) trop à l’aise dans sa loge pour souhaiter des changements.

Comment faire comprendre à Goorgorlu, qu’une loi (sélective et ou peut être partisane) puisse autoriser le changement de tout l’environnement juridique, constitutionnel et institutionnel d’exercice d’un mandat en cours à l’exception de la durée. On comprendrait peut être mieux, si les sages nous disaient qu’aucune réforme ne pouvait s’appliquer sur le mandat en cours. Goorgorlu lui, croyait naïvement qu’un référendum suffisait même à dissoudre toute institution y compris ce fameux collège des censeurs. Reconnaissons, qu’il n’est qu’un simple profane dont « ce latin constitutionnel à valeur biblique » dépasse vraiment la simple logique. En tout les cas, le Gladiateur a semble t-il déçu bon nombre de citoyens à Ndoumbélaan.

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Peut-il pour autant fédérer autour du « NON », cet ensemble hétéroclite d’acteurs déçus apparemment sans liens politique et social entre eux et parmi lesquels on peut citer sans être exhaustif :

D’abord les déchus, déçus par le report d’une confrontation qu’ils croyaient à brève échéance, dans l’espoir de mettre un terme à la traque de plus en plus pesante de milliards mal acquis sous le règne de l’Empereur,

Les déçus ensuite, qu’une naïveté politique et ou un appétit d’avantages avaient amenés à accompagner le Gladiateur sans jamais lui rappeler les termes de référence de sa mission, et plus simplement les missions attendues de son mandat,

En fin les déçus qui croyaient paradoxalement encore qu’un homme de droite pouvait appliquer leurs rêves de politique de gauche qu’ils ont portée en bandoulière des décennies durant.

La question est de savoir si le « référendum du Gladiateur » pose le débat sur les nécessaires changements que Goorgorlu appelle de tous ses vœux ou s’il ne lui impose pas simplement de se prononcer sur des questions très loin de ses préoccupations. Sur ce chapitre, notre héros national constitue un camp de déçus certainement majoritaire. Il est déçu par le Gladiateur mais aussi par les déçus toutes tendances confondues. En effet, aussi bien du coté du pouvoir que de l’opposition, le débat en gestation autour de ce scrutin de trop semble se focaliser sur le « demi-point » en mettant en sourdine les quatorze autres : la réduction hic et nunc du mandat en cours.

La conception très personnelle du pouvoir que le Gladiateur tente de faire adopter par les sujets de Ndoumbélaan, passe sous silence les riches débats populaires issus des Assises Nationales et les recommandations de la CNRI qu’il avait lui-même initiées. Ses partisans ne se prononcent pas sur la pertinence des différents articles évoqués et se contentent jusqu’ici de menaces à peine voilées comme pour nous faire avaler une pullule amère en disant : « Voter « NON » c’est maintenir le prochain mandat à sept ans ». L’opposition quant à elle se refuse à lire la suite du document, considérant sans objet toute réforme qui n’obligerait pas le Gladiateur à mettre en compétition son trône avant terme. C’est oublier que c’est pourtant à l’initiative de l’Empereur, donc avec la bienveillance de la majorité d’entre eux, et en toute illégalité que cette durée intouchable en dehors d’un référendum, a été modifiée par un collège de députés.

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Entre la hantise de voir un nouvel arrivant par défaut, élire domicile au palais pour sept longues années en votant « NON », l’envie de ne pas se prononcer et celle de dire « OUI », Goorgorlu vit un dilemme cornélien loin des préoccupations des acteurs en compétition. En initiant ce référendum insensé, le Gladiateur n’a pas fait qu’enfanter du plus grand commun diviseur de ses sujets. Il vient aussi d’engendrer un monstre en compétition contre lui et son pouvoir. On peut déjà prédire que ce référendum est le coup d’envoi d’un duel fatal dont aucun des protagonistes ne survivra à l’autre quelle que soit par ailleurs l’issue immédiat du combat.

Ce référendum ne pose pas la question, « comment les citoyens veulent être gouvernés » mais plutôt « comment le Gladiateur souhaiterait régner sur eux ». C’est pourquoi, qu’il s’agisse d’un « OUI » ou d’un « NON », quelles qu’en soient les proportions, les résultats de ce scrutin ne seront jamais rien d’autre qu’une parenthèse de notre histoire, un avis éphémère (de ceux qui auront envie d’y prendre part), sur la conception très personnelle du pouvoir par le Gladiateur en attendant l’incontournable débat de fonds sur la question des institutions à Ndoumbélaan.

N’est-ce pas cette liberté que lui confère une constitution anachronique à faire ce qu’il veut qui a motivé la mobilisation du Peuple des Assises ? Eternels optimistes, nous sommes donc fondés à croire que « le référendum du Gladiateur » ne peut que différer les CNRI, mais échouera dans sa tentative d’enterrer les immenses aspirations du peuple des Assises. En attendant méditons sur cet adage de Kocc : « Xol mooy tere li doole di may nit, waante xel mooy dakkal pexey ». L’humanisme tempère les pouvoirs, mais c’est bien la raison qui modère les envies ».

 

LES CHRONIQUES DE BANDIA, Février 2016

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