Le grand sage chinois Lao Tseu, ce contemporain de Confucius, disait avec raison, au 6ème siècle av. J-C que : « gouverner un grand pays c’est comme cuisiner un petit poisson. Il ne faut pas trop le cuire ». C’est certainement dans cette sagesse chinoise plusieurs fois millénaire que le Président Macky Sall est allé puiser sa conviction intime quand il propose, dans un dialogue direct avec le peuple souverain duquel il tire la légitimité de conduire la politique de la nation, sa décision de « changer la république, sans changer de république ».
Nonobstant les vicissitudes de sa longue et difficile marche vers une démocratie moderne et apaisée, notre pays, le Sénégal demeure toutefois un pays debout, avec un peuple engagé, « épaule contre épaule », vers la modernité.
Dans le débat actuellement en cours, je voudrais apporter ma contribution pour davantage éclairer nos compatriotes et partager avec eux, les raisons pour voter OUI au référendum du 20 mars 2016.
Dans leur argumentation contre le choix définitif du Président Macky Sall de restaurer le quinquennat comme mode de gouvernance du Sénégal et ceci de manière irréversible, d’aucuns font assurément preuve, pour des raisons d’ailleurs connues de tous, d’une amnésie sélective pour faire croire aux citoyens que la révision constitutionnelle proposée au référendum du 20 mars 2016 est inopportune et/ou précipitée. Pour eux, il faudrait donc reporter le référendum pour rouvrir un cycle de consultations voire de « négociations », à défaut de l’annuler tout simplement.
D’autres soutiennent que le référendum même est désormais vidé de son substrat dès lors que le mandat en cours du Président de la république n’est pas concerné par le quinquennat que le Président Sall souhaite restaurer.
Enfin, certains continuent de disserter sur la qualification (et non la qualité) de la réponse transmise par le Conseil Constitutionnel au Président de la république, avis et/ou décision qui fait suite à la saisine par le Chef de l’Etat de cette haute juridiction de notre pays.
Vous nous permettrez de rappeler ici (aux premiers cités) que le référendum proposé par le Président Macky Sall n’est pas le résultat du message à la nation que le Chef de l’Etat a prononcé ce 31 décembre 2015. Le référendum tire d’abord sa quintessence des réformes institutionnelles proposées par le candidat Macky Sall dans son programme Yoonu Yokkute avant de découler naturellement du processus de concertation nationale voulue par le Président de la République à travers sa décision de créer la CNRI.
Les 5 mesures clés proposées en son temps par le candidat Sall en matière de réformes constitutionnelles, comprenaient : outre (i) l’encadrement de l’âge des candidats à l’élection présidentielle, (ii) une réforme du Conseil constitutionnel (passage de 5 à 7 membres), (iii) un référendum pour intégrer les révisions constitutionnelles ;
un point spécifique intitulé « Indicateur des domaines de la Constitution dont la révision requiert un référendum et de ceux qui ne peuvent faire l’objet de modification comme : la forme Républicaine de l’Etat et le nombre et la durée du mandat ».
Une fois élu, le Président Macky Sall, après la nécessaire phase de consolidation de l’Etat de droit longuement malmené par son prédécesseur, a mis en place la CNRI (Commission nationale de réforme des institutions) par décret n° 2013-730 du 28 mai 2013, contresigné par le premier ministre d’alors, monsieur Abdoul Mbaye. L’article 3 du même décret le disait clairement : »les réformes proposées (par la CNRI) peuvent trouver leur traduction dans une modification de la Constitution, des lois organiques et des lois ordinaires ».
L’on s’étonne donc naturellement que le premier ministre d’alors du Président Macky Sall, ayant lui-même contresigné le décret portant création de la CNRI, le 28 mai 2013, puisse venir aujourd’hui justifier ses « raisons de voter non » au référendum (ce qui est du reste son droit en tant que citoyen), quand il proclame de façon péremptoire : « Parce que la Constitution de mon pays ne mérite pas d’être modifiée une énième fois… « .
S’il était si convaincu de sa posture de « touches pas à ma constitution », il aurait dû tout simplement démissionner le 28 mai 2013 afin que « sa » constitution demeure en l’état. Ou peut-être n’avait-il pas pris conscience de la portée de sa signature, ce qui serait très grave pour le numéro 2 de l’exécutif de notre pays ; les projets de réformes attendues de la CNRI pouvant se traduire par une modification de la Constitution. Si l’on est contre toute modification de la constitution, l’on ne marque pas son accord à la création de la CNRI.
Nombre de lecteurs assidus des ouvrages de la Grèce antique attribuent à Aristote cette tautologie : « il faut savoir garder raison ». Permettez-nous avec modestie de compléter cette assertion par ces trois mots : « en toutes choses ». Ainsi vous conviendrez que parler d’éthique et de constance pour les autres est chose bien aisée, mais le difficile est de les inscrire dans son bréviaire en tant que repères immuables, pour les vivre soi-même.
Pour conclure sur ce point, il convient de rappeler ici les étapes fort nombreuses du processus de concertation inclusif et participatif qui a été adopté par la CNRI sur la réforme des institutions. Ce processus aura coûté au budget de l’Etat plus du demi-milliard de francs FCFA, 700 millions FCFA pour être exact. Et ceci est bien normal car si la marche vers davantage de démocratie a un coût, elle n’a cependant pas de prix. Il en est de même aujourd’hui quant au coût du référendum évalué entre 1 et 2 pour mille du budget de l’Etat. Après quoi, il ne sera plus possible à celui qui dispose du suffrage des sénégalais, de modifier le mode d’élection, la durée du mandat et le nombre de mandats fixé à 2 (y compris celui en cours pour le Président actuellement en fonction). Assurément, il s’agit là d’axes de progrès qui seront bénéfiques aux générations futures, une des bonnes raisons de voter OUI, le 20 mars 2016.
Quelle diantre de guêpe a piqué ceux qui parlent de précipitation, si l’on considère tout le processus de concertation nationale initiée à travers la CNRI, le partage, la rédaction et la remise du Rapport de la CNRI à son destinataire, celui-là même qui a la responsabilité constitutionnelle de « définir la politique de la nation » et qui a épousé la sagesse millénaire du père du Taoïsme qui est celle de l’équilibre, du « yin » et du « yang », en optant en définitive pour une révision constitutionnelle tirée en partie des travaux de la CNRI, plutôt qu’une nouvelle constitution. Il en a le droit et il a le Droit avec lui.
Le chef de l’Etat l’a dit lui-même : « il y a un temps pour la politique mais il y a aussi un temps pour l’Etat ». Après la concertation nationale et après la décision arrêtée par le Chef de l’Etat, est arrivé maintenant le temps de l’Etat, le temps de l’Action.
Nous avons également entendu d’autres dire que le référendum désormais est vidé de sa consistance, même s’ils reconnaissent que partie (et non la totalité, précisent-ils) des réformes proposées par le Président Sall sont consolidantes. Que leur répondre ? Cheikh Moussa Ka, ce grand soufi compagnon du vénéré Serigne Touba, disait avec pertinence : « il est facile de réveiller un homme qui dort mais il est impossible de réveiller celui ou celle qui fait semblant de dormir ».
Rien que l’expérience du 23 juin vaut un référendum. Faire verrouiller directement et pour toujours par le peuple qui l’élit, le mode d’élection du Président de la république vaut à lui seul un référendum.
Parce que nous voterons OUI au référendum, il ne sera plus possible de revivre ce que le Sénégal a failli vivre « démocratiquement » en permettant de faire élire un président de la république avec le quart des voies exprimées, et ceci dès le premier tour. Il ne faudrait jamais oublier que Hitler a été démocratiquement élu chancelier de l’Allemagne le 30 janvier 1933, avant d’être plébiscité Chef de l’Etat, Führer du Reich, guide et chancelier en même temps, en août 1934, toujours démocratiquement.
Rassurons cependant, avec le Président Macky Sall, nos concitoyens. Les ouolofs disent « kou ndobine ray sa mame… « . Et nous les comprenons. La répétition est donc pédagogique.
Premièrement, le mandat actuel du Président Macky Sall est bien décompté dans le nombre de mandats successifs qui est fixé à deux et il en sera fait précision dans le texte de la révision constitutionnelle qu’il soumet au peuple sénégalais.
Deuxièmement, réaffirmons-le aussi clairement : le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Ceux d’entre nous qui sont des binationaux ou double-nationaux si tant est qu’il existe une différence conceptuelle ou sémantique à ce propos, se reconnaîtront bien dans cette fameuse formule empruntée à la Constitution française, car ils votent également là-bas, en France, pour choisir leur Président. Il s’agit en effet d’une formule qui est inscrite telle quelle dans la Constitution de la République française. N’empêche que le scrutin relatif à l’élection du Président de la République s’y déroule bien en deux (2) tours, si nécessaire. Les binationaux pourront confirmer. Nous n’en faisons pas partie.
Enfin, certains pensent que le Gardien de la Constitution aurait dû se passer de la réponse servie à lui, par le Conseil Constitutionnel, faisant suite à sa requête. Il s’agirait d’un avis qui ne peut le lier en aucune manière. D’autres vont encore plus loin et lui conseillent de s’adresser directement au peuple, seul souverain en lui posant les bonnes questions. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises questions. Il y a simplement les questions qui respectent notre charte fondamentale et celles qui la violent. Le Chef de l’Etat l’aurait fait, les Professeurs auraient qualifié sa démarche de « coup d’état civil », comme avait été qualifié le référendum du Général de Gaulle en 1962 portant élection du président de la République française au suffrage universel direct.
Si le Président Macky Sall n’a pas choisi la voie parlementaire pour faire valider la révision constitutionnelle qu’il propose à nos concitoyens, c’est parce qu’il s’agirait là d’un précédent dangereux pour notre démocratie et pour les générations futures.
Le Conseil Constitutionnel a considéré en effet que « ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quelque soit au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée ».
Convenons-en, comme ce fut le cas avec Pandore à qui l’on remit le jour de son mariage, une jarre emmagasinant tous les maux de l’humanité en lui interdisant de l’ouvrir, ce qu’elle fit du reste, provoquant ainsi la catastrophe ici-bas, le Président Macky Sall remettrait à l’Assemblée nationale, une boîte à outils à hauts risques pour notre démocratie. Au gré des changements de majorité parlementaire, aujourd’hui comme demain, un président de la république démocratiquement élu, pourrait se voir « expulsé » du « fauteuil présidentiel », le mandat régulier qu’il détient de la souveraineté populaire anéanti à la faveur d’un simple amendement soumis par un député et qui bénéficierait du vote de la majorité de ses collègues.
Osons penser que les moments à venir, ces moments de campagne pour le OUI, tout comme pour le NON, donneront enfin au peuple sénégalais l’opportunité véritable d’échanger dans le respect et la courtoisie auxquels notre nation est si attachée, sur le contenu de la décision du Conseil Constitutionnel et non sur la nature de son contenant.
Ce qui importe en définitive, c’est ce que dit cette juridiction supérieure sur tous les quinze points de la révision constitutionnelle. S’agissant plus spécifiquement de l’applicabilité du quinquennat au mandat en cours, « cette disposition doit être supprimée ; elle n’est ni conforme à l’esprit de la Constitution, ni à la pratique constitutionnelle, la loi nouvelle sur la durée du mandat du Président de la république ne pouvant s’appliquer au mandat en cours », selon les termes mêmes de la réponse du Conseil. Comme disaient les latins, ite missa est : la messe fut dite.
Si le Chef de l’Etat faisait fi de cette décision du Conseil Constitutionnel, à quelle instance il devra remettre sa possible déclaration de candidature en janvier 2017, le Conseil ne reconnaissant pas la fin effective de son mandat. A quelle juridiction les autres candidats à la prochaine présidentielle remettraient leur déclaration et dossier de candidature ? Nous irions inévitablement vers le blocage de nos institutions, ce que ne saurait promouvoir ou cautionner le Gardien de la Constitution.
Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres, nous voterons OUI, le 20 mars 2016.
Avec le Président Macky Sall, nous voterons OUI.
OUI, pour un quinquennat définitivement verrouillé, renouvelable qu’une seule fois, le mandat en cours du Président Sall étant bien compris dans le décompte de 2 mandats consécutifs prévus par la révision constitutionnelle.
OUI afin que le mode d’élection du président de la République soit établi une fois pour toutes, tant pour nous que pour les générations futures.
OUI parce que nous souhaitons aussi que soient consacrés par la Constitution les devoirs, mais également de nouveaux droits pour les citoyens relativement à notre environnement et à notre patrimoine communs.
OUI pour davantage de responsabilités à notre Assemblée Nationale dans le contrôle des politiques publiques. L’Assemblée Nationale pourra ainsi se doter de ses instruments propres et de manière permanente, avec l’objectif de mieux veiller à l’efficience de la dépense publique.
OUI pour compléter l’architecture institutionnelle portée par l’Acte III de la Décentralisation, en créant le Haut Conseil des Collectivités Territoriales en tant que chambre consultative dédiée exclusivement aux élus locaux.
OUI afin que la Diaspora sénégalaise, cette composante essentielle de la nation, gisement de talents et d’opportunités pour notre pays, soit directement représentée à l’Assemblée Nationale.
OUI enfin parce qu’est venu moment le moment des premiers fruits du Plan Sénégal Émergent, le PSE, qu’il nous faut consolider.
Ces fruits du PSE, nous commençons à en tirer profit collectivement, dans la Vallée du Fleuve Sénégal et dans le Bassin de l’Anambé, avec des résultats prometteurs dans notre marche vers l’autosuffisance en riz. Déjà 917.000 tonnes de riz paddy ont été récoltés en 2015 grâce à la double culture irriguée du riz mais également à la promotion du riz pluvial à travers tout le territoire national.
Ces fruits du PSE, nous les voyons murir à travers le renouveau de la filière arachidière avec cette production record en 2015 et qui ira en s’amplifiant quand nous aurons fini de restructurer l’outil industriel SUNEOR, désormais revenu dans le patrimoine national et qui va promouvoir davantage la contractualisation avec le monde rural.
Ces fruits du PSE, nous les voyons murir grâce au renouveau industriel entrepris avec succès, au niveau des Industries chimiques du Sénégal (ICS) à Darou, de la NSTS à Thiès dans le textile, d’Africamer et de la SNCDS, des unités industrielles jadis modèles du secteur de la pêche, restées longtemps à l’abandon et qui se relancent.
Ces fruits du PSE, nous les voyons murir avec la reprise du tourisme, en particulier dans la belle région naturelle de Casamance, depuis les mesures d’exception décrétées par le Chef de l’Etat avec la suppression du visa, la baisse des taxes et redevances aéroportuaires, et la défiscalisation de l’investissement productif pour une durée de dix ans.
Ces fruits du PSE, nous les voyons murir par le programme de rattrapage du monde rural, le PUDC entièrement financé par l’Etat dont les premiers forages, les premières pistes rurales, les premiers villages électrifiés, les nombreux équipements dédiés au renforcement des capacités productives et de transformation des femmes, commencent à se généraliser.
Ces fruits du PSE, nous les voyons murir avec l’impressionnant programme de désenclavement mis en place par le Chef de l’Etat depuis son accession à la magistrature suprême avec plus de 800 kilomètres de routes déjà bitumées, les autoroutes ILA Touba en chantier, Diamniadio-AIBD déjà terminé et AIBD-Somone en cours de finalisation.
Ces fruits du PSE, nous les voyons murir avec les filets sociaux qui se développent pour éradiquer l’exclusion, grâce à 300.000 bourses de sécurité familiale et une couverture maladie universelle qui a déjà enrôlé 32 % de nos concitoyens en deux années d’existence.
Ces fruits du PSE, nous les voyons enfin murir à Diamniadio, cette ville nouvelle en phase avec la modernité et l’émergence, tout en chantier avec son centre de conférences déjà opérationnel, son université en chantier, ses logements sociaux en cours de finition, et son parc industriel qui donnera, aux côtés des domaines agricoles communautaires (DAC) bâtis en milieu rural, des emplois par milliers, à la jeunesse sénégalaise.
Assurément, avec le OUI, ce OUI massif du 20 mars 2016, Demain, c’est le Sénégal qui gagne.
Assurément, avec le OUI, ce OUI massif du 20 mars 2016, c’est tous ensemble que nous ferons de notre démocratie majeure, une démocratie modèle.
Mahammed Boun Abdallah Dionne,
Premier Ministre du Sénégal