Loin d’être mal en point, l’Alliance pour la république (APR) fait du référendum une question de vie ou de mort. Le pari est d’aller jusqu’au bout du processus qui consiste à confiner l’opposition au rang de coquille vide. Telle que présentée et orientée, la consultation ne tolère aucun embarras, elle accule au choix impératif pour un camp ou pour un autre, pour un oui militant ou un non concurrent. Si l’opposition n’y prend garde, résignée à discréditer plus qu’à mobiliser, Macky Sall lui passera sur le ventre. Ce référendum vient à son heure, il fait office de démonstration de force et d’assaut final contre la ligue des protestataires.
Pourvu que le référendum se tienne dans des conditions de transparence acceptables et à date échue, le tour est joué. D’ici là, le seul défi du pouvoir est de dissiper les risques de perturbation. Il s’agira dès lors d’une indication claire de la prépondérance des voix molles sur l’activisme ambiant et non moins tapageur. Démobiliser l’opposition, voilà l’enjeu qui se substitue de plus en plus à toute autre question d’institution et de constitution. Il faut bien mettre en évidence que les détracteurs sont coupables de confiscation de la légitimité populaire et que les voix nonchalantes mais majoritaires adhèrent néanmoins à la démarche du président de la république.
Si l’APR en sort victorieuse, les reproches de mal gouvernance passeront pour des simples minauderies de décadents. Alors, l’opposition recevra, comme une claque en pleine figure, un désaveu populaire façonné de toute pièce. La société civile et les corporations professionnelles n’auront d’autre choix que de reconsidérer le poids et l’étendue de leurs moyens d’action. En position de force, Macky Sall réussira par la force du plébiscite à apaiser l’espace politique. Merveilleuse porte de sortie, il pourra entreprendre la libération de Karim Wade et retrouver les coudées franches sans donner l’impression de céder sous le poids des blâmes et des accusations d’oppression.
Envahi par le flot imparable du « wax waxeet », l’APR fait montre de pragmatisme en désertant le champ des spéculations et attentions sur la nature de l’avis du juge constitutionnel. Quand ses militants en parlent, ce n’est que pour distraire et dérouter leurs adversaires. Alors que ses détracteurs en sont toujours aux discours, aux formalités d’association et prostrés devant les médiatiques murs de lamentation, Macky Sall et sa famille politique travaillent déjà à mobiliser depuis les profondeurs du pays. Ils ont intérêt à se démener parce que s’ils perdent au référendum, ils seront disqualifiés aux prochaines élections, du coup.
Tantôt boycott, tantôt véto, tantôt contre le référendum, l’opposition s’empêtre, s’emmêle et accuse déjà un grand retard dans sa campagne de mobilisation. Elle embrouille de ce fait l’électorat et finit par le maintenir dans une posture de dépit. Si la tendance se maintient, elle se réveillera, au lendemain des suffrages, avec une gueule de bois, tellement les résultats vont surprendre. Le camp du président demande sans ambages à voter oui alors que l’opposition se disperse dans une pluralité de consignes. Tout ceci ne milite qu’en faveur d’un fort taux d’abstention qui profite toujours au statu quo, donc au pouvoir en place.
Les couplets lyriques sur l’honneur et les déclarations à l’emporte pièce sur la parole donnée ne viendront pas à bout de la difficulté à intéresser, à mobiliser et à convaincre les votants, à dire non jusqu’aux urnes. À moins qu’il soit clairement indiqué aux électeurs qu’il y va de leur avenir immédiat, le référendum ne sera à leurs yeux qu’une confrontation entre deux camps avec, en toile de fond, une grosse mise sur des carrières politiques. Ils n’ont pas tort. Encore une fois, le système d’accaparement alimente, engraisse et absorbe les énergies et passions citoyennes en vue d’assurer sa propre survie.
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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