Tant qu’on ne sortira pas du carcan dans lequel il n’est question que d’expansion de la petite politique, des référendums fades et des rattrapages futiles occuperont le débat public sénégalais sans dépassement ni réaction appropriée. Comme d’habitude, il s’agit pour cette consultation référendaire de deux camps qui se disputent la légitimité et, dont les attributs de porteurs de voix ne sont utilisés qu’en guise de pari et pour servir d’attraits. Ce schéma fait état d’un statu quo dont les signes se manifestent à travers une conformité à cet ordre politique cinquantenaire de l’establishment et une similitude des arguments variables ou mystificateurs des uns et des autres.
Les délibérations systématiques nous décomposent. Elles ne peuvent que se décliner comme suit : pour ou contre. Le système est ainsi fait, il polarise les positions entre bons et méchants. Peu importe les raisons avancées, pourvu qu’on se range. Si on blâme, on sera écouté et applaudi. Si on applaudit, on sera écouté puis blâmé. Bête diabolique, ce système politique binaire tolère l’insolence et la légèreté, mais accuse la nuance et le sens de la mesure de mollesse. Pas étonnant que les candidatures indépendantes ne puissent prospérer. Ces étranges bonnes volontés pensent persuader pour vaincre alors qu’il faut juste émouvoir pour enrôler.
Pour se distinguer, il faut nourrir la bête. Celle-ci se gave de Rengaine, d’Incantation, de Prise, d’Artifice et de Soumission. Cette bête nous cantonne dans la sphère des questions qui nous opposent à répétition sans jamais nous donner le répit essentiel pour l’inventaire. Elle nous accule pour ne jamais nous permettre de nous dire : Nom de Dieu! Pour quoi nous nous livrons si aisément? À cette question à laquelle nous attendons avoir comme réponse une cause, très vite s’érige une figure. Ce n’est toujours pas la bête, il ne s’agit encore que d’un simple berger hilarant.
Pour tuer la bête, le chasseur devin doit s’en prendre obstinément à ce vil jeu stérile. Voilà un exercice qui nous occupe depuis toujours et qui oriente le débat sur les acteurs et leurs actions en totale déconsidération de la force bestiale. Plus un gouvernant se prêtera au respect du droit vis-à-vis de ses détracteurs, plus il sera porté à être anéanti. Plus un opposant se targuera républicain et machin, plus vite il passera pour insipide. Jusqu’aux règles constitutionnelles, tout est utilisé à la faveur du pouvoir et de sa sauce corruptrice.
Nous tournons en rond, aiguillonnés par tout un système politique carnassier qui condamne d’avance l’apparition d’une troisième voie alternative. Cette voie négligera expressément les menues pratiques politiques courantes pour ne déceler, signaler et démêler que le ridicule du sadisme, dans le combat des coqs enchanteurs. La troisième voie, c’est celle qui renvoie dos à dos les tenants du système bestial qui fait tourner en rond depuis si longtemps. Elle devra s’en prendre à la bête cruelle, pilleuse d’enthousiasme des masses. Elle devra contrer la tendance de la bête à dresser les uns contre les autres sur des futilités et la dépeindre pour ce qu’elle est en réalité, un trouble-fête.
Bête féroce! Il faut la débusquer de nos représentations progressistes, si nous nous voulons braves et agissants. À coup de cran, de résolution et d’éclat, nous la vaincrons pour ne plus nous exposer à l’hostilité et à la reproduction des modèles dans nos entreprises d’émancipation. Ça prend une flèche munie d’un ergot de coq blanc pour atteindre cette créature. Il s’agit de nous libérer des duels fratricides pour, enfin, mobiliser nos énergies et émulations que requiert le développement par nous-mêmes. Autrement et mieux, un front patriotique du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité doit se propulser au devant de la scène.
En finir avec Dracula, repousser le monstre du Loch Ness et rivaliser modestement avec tous les prétentieux maitres-penseurs d’outre-mer qui nous imposent modes et genres de vie incompatibles en définitive. En vérité, c’est davantage notre incapacité à nous affranchir de la manie de l’establishment local, mannequin des styles importés, que l’impérialisme qui nous freine. Le référendum du 20 mars est l’énième expérience de perpétuation d’un modèle de gouvernance sous-couvert du dialogue citoyen, mais destiné à nous tromper.
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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