Février a vécu. C’est le mois du décès de l’illustre égyptologue; c’est aussi le «Mois de l’Histoire des Noirs», Black History Month tel qu’il est connu en Amérique du Nord. Et la Ville d’Atlanta,réputée être la Mecque des Noirs, a eu à élaborer un programme culturel bien rempli pour célébrer le Noir en rappelant que son expérience a constitué un apport inestimable à la Nation Etats-Unis.
Nous avons sciemment attendu la fin de ce mois culturellement chargé pour rendre hommage au savant disparu. Cet hommage est certes motivé par le fait qu’il a (re)donné à l’Africain que nous sommes une nouvelle conscience et une nouvelle fierté.
Toutefois, c’est surtout en notre qualité d’acteur du tourisme ayant perçu la portée «touristique» du message de Cheikh Anta, que nous entendons revisiter l’homme de sciences.
Cheikh Anta en effet, en contribuant à revaloriser le passé de l’Afrique propulsée au premier rang de la scène internationale, a fait du continent noir un centre d’intérêt pour des étudiants, des chercheurs, des investisseurs potentiels, des politiques même, partageant une soif commune de connaissance approfondie de la Terre Mère. Ce faisant, il a suscité pour le continent une vocation de tourisme à multiples facettes: tourisme de découverte, tourisme d’affaires, tourisme culturel entre autres.
S’en suivit la recherche de marchés émetteurs pour les pays africains qui se sont constitués destinations touristiques.
Et pour la quasi totalité de ces nouvelles destinations, anciennes colonies à l’indépendance récente, le principal marché émetteur de touristes s’est confondu avec l’ancienne puissance colonisatrice.
Néanmoins, dans l’option faite de développement du tourisme, un clin d’oeil a été fait à l’Amérique en tant que marché porteur.
Et si les pays d’Afrique orientale et australe ont surtout visé l’Amérique blanche compte tenu du type de produits qu’ils offrent, les pays ouest africains ont sensément ciblé le marché dit «ethnique».
Là, la Sénégambie a eu une bonne carte à jouer; et le Sénégal l’a compris relativement tôt, qui a ouvert dès le milieu des annés 70, un Bureau de Promotion du Tourisme aux Etats-Unis. Et le Sénégal, jusqu’à une période récente a pu tirer profit de ce marché ethnique qui s’est globalement bien comporté pendant de longues années ayant correspondu à l’âge d’or de l’«heritage tourism» pour la Sénégambie.
Et Cheikh Anta Diop, d’une manière ou d’une autre, n’a pas été étranger au succès de cette forme de tourisme de retour aux sources qu’il a contribué à promouvoir. Parce que Cheikh Anta est le véritable maítre à penser des partisans du nationalisme noir d’Amérique connu sous le vocable d’«Afrocentrisme».
Et les Afrocentristes, ragaillardis par leur auto perception d’Africains d’Amérique_American Africans_plutôt que des Américains Africains_African Americans_, ont, dans une perspective purement de tourisme de découverte et de retour aux sources, inspiré la Conférence annuelle dénommée African Diaspora Heritage Trail. C’est une version américaine du Projet «La Route de l’Esclave» de l’UNESCO. Et cette Conférence ambitionne d’établir un lien fort entre les Caraìbes, les Amériques et l’Afrique.
De même, Cheikh Anta a exhorté de vive voix, les Noirs d’Amérique à systématiquement visiter l’Afrique.
Un an seulement avant sa disparition, il tenait à son immense auditoire de l’Université d’Atlanta langage comme quoi «il faut se connaìtre d’abord; sinon, un peuple qui perd la mémoire historique est un peuple fragile..{qui} se désagrège.C’est la conscience historique qui nous permet de rester un peuple fort…Dans la Diaspora, cette conscience doit être vivifiée; il faut que ce lien continue d’exister oû que nous soyons».
Ainsi, Cheikh Anta qui était fortement convaincu que«la plénitude culturelle doit faciliter la fraternisation des races», exhortait le Noir d’Amérique à toujours visiter la Terre Mère à des fins de ressourcement. Ce retour aux sources d’origine s’avère désormais salutaire, puisque «vue sous plusieurs angles, l’Amérique Noire demeure en crise» comme le soutient Marc Morial, Président-Directeur Général de la National Urban League.
De toutes façons, tout déplacement sur le continent va dans le sens de la reconstruction de la mémoire historique que Cheikh Anta exhortait à préserver. Cette Mémoire collective noire qu’on peut éclater en autant de mémoires que de sites historiques, inspire le thème du Black History Month de cette année 2016: «Terres sacrées: les Lieux de Mémoires des Africains Américains».
Il serait tout aussi indiqué, ne serait-ce qu’en guise d’hommage à Cheikh Anta pour son rôle dans la promotion de certaines formes de tourisme, que les acteurs africains du tourisme pensent à mettre en oeuvre ses enseignements.
A cet effet,l’action des institutions administrations nationales de tourisme du Continent, pourrait consister à amener l’Organisation Mondiale du Tourisme à revoir sa méthode de classement qui situe l’Egypte hors d’Afrique, rangeant le Pays des Pharaons parmi les pays d’Orient.
Pour les acteurs dans le réceptif, la confection de circuits inter Etats bien ficelés serait bienvenue pour les visiteurs venus d’Outre Atlantique pour qui au moins deux destinations doivent être visitées au cours d’un voyage.
L’établissement longtemps envisagé de tels circuits, pourrait être effectif entre deux pays, Sénégal et Gambie, ou trois pays, Sénégambie et Mali ou Guinée, bref une approche similaire aux cercles concentriques théorisés naguère pour l’intégration régionale.
Ce pourrait être là un début de matérialisation de l’Etat Fédéral Africain si cher à Cheikh Anta Diop.
Elhadji Abdoul Aziz Guèye
Consultant en Tourisme
sentouroffice@gmail.com