Mais en écoutant la communication des autorités du pouvoir, il y a une certaine confusion qui est entretenue. Et on a l’impression pour le référendum que le Peuple va se prononcer sur les 15 points de la réforme. Alors que ce n’est pas le cas. II faudrait bien qu’on précise, ces 15 points figurent dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle. Les choses ne sont pas les mêmes, l’exposé des motifs a une fonction explicative, mais les dispositions de la loi constituent la partie la plus essentielle dans un texte législatif.
Ce sont les dispositions de la loi qui feront l’objet du vote au prochain référendum consultatif, non les 15 points évoqués dans l’exposé de motif. Elles sont ainsi composées de 5 articles déclinés comme suit :
Article premier, il porte sur la révision de 18 points déjà existants dans la Constitution de 2001, notamment les articles (4, 6,26,27,28,58,59,60,62,71,78,81, 85,86,89,92,102 et 103).
Article 2 : modification des titres II et XI de la Constitution.
Article 3 : il est ajouté à l’article 25 de la Constitution (25-1,25-2 et 25-3).
Article 4 : il est ajouté à l’article 66 de la Constitution, un titre VI bis «Du Haut conseil des collectivités territoriales».
Article 5 : abrogation des dispositions transitoires concernant les articles 104 à 108 de la Constitution de 2001.
L’autre aspect important qui mérite d’être souligné, c’est surtout de reconnaître que la loi constitutionnelle soumise au référendum est une redondance. Qu’on ne nous parle pas d’innovation !
Pour illustration, on peut citer deux exemples :
1° S’agissant de l’article 4 (version référendum) sur les partis politiques, il suffit de relire attentivement les lois ordinaires n° 81-17 du 6 mai 1981 et 89-36 du 12 octobre 1989, relatives à la création de parti politique, pour se convaincre que c’est une copie collée. Pratiquement, l’esprit de ces deux lois précitées est le même que celui apparu dans la formulation de l’article 4 du projet de révision constitutionnelle !
Mieux, ces lois ordinaires sont allées plus loin. Au-delà des missions d’éducation et de formation des citoyens définies, elles évoquent le problème du contrôle des partis politiques en matière financière. Et il y a une contrainte qui leur est faite pour déposer annuellement le compte financier de leur exercice de l’année écoulée, en y justifiant la provenance des ressources basées sur les cotisations, les dons et legs.
2° Sur l’article 66 (version référendum) se rapportant au titre VI bis «Du Haut conseil des collectivités territoriales». Il faut également faire une lecture croisée de cette nouvelle disposition par rapport à la loi organique n° 2012-28 du 28 décembre 2012 sur le Conseil économique, social et environnemental. Ces deux institutions sont reconnues par les lois indiquées ci-dessus comme étant des assemblées consultatives (voir art.66-1 version référendum et art.1 LO 2012-28 sur le Cese). Les phrases sont presque rédigées de la même manière. On se demande même si les rédacteurs du texte proposé au référendum ne se sont pas inspirés des dispositions de loi organique du Cese.
Aussi, il y a la question sur la cohésion territoriale évoquée à l’article 7 LO 2012-28 du Cese, les élus locaux (Ams et Apd) ont eu à bénéficier de quotas et ils ont désigné des personnes qui siègent actuellement au niveau de cette institution. Mieux encore, le Cese dispose dans son fonctionnement interne d’une commission de la décentralisation.
Il est donc important de relever tout cela pour permettre à l’opinion publique de se faire une idée sur l’inutilité de la création du Haut conseil des collectivités territoriales. Si cette nouvelle institution doit exister pour prendre seulement en charge la décentralisation, il faudrait en créer une autre pour gérer la culture ou permettre à chaque segment de la vie d’avoir son haut conseil. La décentralisation est un maillon de la chaîne et l’Etat a la responsabilité d’assurer la bonne articulation de tous les secteurs et de réaliser un développement harmonieux.
Notre pays n’a pas besoin de se payer le luxe de deux institutions ayant en commun une fonction consultative, c’est-à-dire le Conseil économique, social et environnemental et le Haut conseil des collectivités territoriales. La création d’une institution dans un Etat ne doit pas être tributaire d’un passe-droit, encore moins d’une complaisance. Et puis, il n’y a pas de plus cruelle tyrannie que celle que l‘on exerce à l’ombre des lois.
En quarante ans, le régime socialiste Senghor/Diouf n’a organisé que 2 fois un référendum (1963-1971). C’est bien après sous la gestion du Président Wade que notre pays a eu son troisième référendum pour adopter une nouvelle Constitution en 2001.
Certes, le référendum est un outil de démocratie directe, mais on ne doit pas en abuser. Les pays réputés de grande démocratie ne s’en servent que dans un contexte d’opportunité. La France, après son référendum de 1793 pour l’adoption de sa première Constitution, est restée jusqu’à 1945 (152 ans après) pour tenir son second référendum marqué des changements de régime politique. Le général de Gaulle l’a réintroduit en 1958 pour changer dans la Constitution française le nom du référendum par la «consultation populaire».
Le forcing du régime pour organiser à tout prix le référendum du 20 mars cache de réelles motivations. Si pour le Président Macky Sall, l’effet recherché c’est de marquer son nom au sceau d’une réforme historique pour le pays, cette entreprise est déjà vouée à l’échec. On ne gère pas un pays en mettant en avant l’ego ou les caprices. Et puis, il y a un phénomène dangereux qui s’étend maintenant dans notre pays, chaque président élu organise son référendum. Tout cela pour être au panthéon des illustres hommes de la Nation. C’est des dérives !
L’enjeu du référendum pour le Peuple, ce n’est pas d’ergoter sur un projet de révision constitutionnelle bidon, mais plutôt de sanctionner la culture du mensonge et d’envoyer un signal fort aux dirigeants politiques pour qu’ils respectent désormais leurs engagements électoraux.
Les autorités politiques devraient d’ailleurs méditer la sourate 61 versets 2 et 3 du Coran, je cite : «Ô vous qui avez cru ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une grande abomination pour Allah de dire ce que vous ne faites pas.
Alioune SOUARE
Ancien député – Rufisque