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« Que ça Plaise Ou Non, L’opposition Doit Subir Ma Politique ! »

« Que ça Plaise Ou Non, L’opposition Doit Subir Ma Politique ! »

Cette déclaration surprenante a été faite par Président de la République à l’occasion d’une cérémonie organisée pas sa tonitruante majorité au Grand Théâtre, le jeudi 3 mars 2016.

A ma grande surprise, elle est pratiquement passée inaperçue, puisque n’ayant pas suscité des réactions significatives. De mon point de vue tout au moins. Elle a peut-être été reléguée au second plan par la bataille âpre et sans merci que se livrent les partisans du « oui » et du « non » au Référendum du 20 mars prochain. Pourtant, la déclaration est suffisamment grave pour retenir l’attention des uns et des autres. Le Président de la République nous a d’ailleurs habitués à de telles déclarations. Ainsi, face aux critiques relatives à sa volonté exprimée d’envoyer des troupes sénégalaises en Arabie saoudite (peut-être au Yémen), il a répondu sèchement : « C’est moi qui décide ». Avec le même ton, il a toujours répondu aux critiques sur ses nominations : « C’est moi qui nomme », s’inspirant sûrement de son prédécesseur qui n’était pas le moins du monde gêné de répéter chaque fois que de besoin : « C’est moi qui nomme. Je peux même nommer mon chauffeur ambassadeur ». On entendra également le Président de la République « siffler la fin de la récréation » plusieurs fois.

Arrêtons-nous un peu sur ces dernières déclarations avant de revenir sur celle du jeudi 3 mars 2016. Oui, nous lui reconnaissons son pouvoir constitutionnel de « nommer à tous les emplois civils et militaires » comme sa qualité de « chef des Forces Armées ». Oui, il a le pouvoir de nomination, mais ce pouvoir ne saurait être absolu et dépendant de sa seule volonté, des seuls intérêts de son clan. Le 25 mars 2012, 65 % des électeurs avaient porté leur choix sur lui pour gouverner le pays, pour mieux le gouverner, autrement que par son prédécesseur. Ce pouvoir de nomination n’en fait pas pour autant un buur, un bummi. Il ne peut pas en user comme bon lui semble, mais plutôt en fonction de l’intérêt général. Ce pouvoir de nomination ne devrait pas profiter exclusivement aux membres de son Parti et de sa Coalition – ce qui est exactement le cas aujourd’hui –, mais prioritairement aux compatriotes ayant les meilleurs profils.

De même, il ne devrait pas pouvoir décider en solitaire d’envoyer nos soldats sur des champs de bataille. Dans l’Armée, nous avons nos fils et nos filles, nos petits fils et nos petites filles, nos neveux et nos nièces. Personne ne devrait pouvoir, sur un coup de tête et sans discernement, fût-il le Président de la République, les envoyer sur tous les champs de bataille. Oui, c’est lui qui décide mais les décisions, il doit les prendre de façon éclairée, républicaine, concertée, au nom de nous tous et conformément à l’intérêt supérieur de la Nation. Le Président de la République ne doit jamais perdre de vue que c’est par notre confiance qu’il est au pouvoir. Contrairement à ce que tentent de lui faire croire les nombreux thuriféraires qui l’entourent, le pays ne lui appartient pas. Il nous appartient à nous tous, quelle que soit, par ailleurs, notre appartenance (politique, religieuse ou autre). Il devrait surtout cesser de nous parler sur un certain ton, comme ce fut le cas, en particulier, le jeudi 3 mars 2016, en direction de l’opposition.

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Le candidat Macky Sall s’était engagé, une fois élu, à mettre en œuvre une gouvernance sobre, transparente et vertueuse. Il n’en est rien, vraiment rien aujourd’hui, après quatre ans au pouvoir. Les mots ont leur sens et tout le monde constate que la politique qu’il mène est aux antipodes de la sobriété, de la transparence et de la vertu. Elle est, au contraire, folklorique, nébuleuse, népotiste, clientéliste et électoraliste. Elle était tout cela déjà, dès le lendemain du 25 mars 2012, mais elle le sera encore plus en ce temps de campagne électorale. C’est cette politique qui bénit la détestable transhumance et le gré à gré, nomme à des postes stratégiques sans se soucier des profils, achète sans état d’âme des consciences, laisse impunies des fautes de gestion graves et récurrentes, etc., c’est cette politique qu’il veut faire subir à l’opposition, que ça lui plaise ou non. C’est incroyable !

Rappelons-lui quand même le sens de « subir » : 1) avoir à endurer contre son gré, une chose fâcheuse ; 2) se soumettre à une action, à une épreuve ; 3) supporter à contre cœur la présence de quelqu’un qui déplaît. Donc, il demande à l’opposition, à tous les compatriotes hors de la majorité présidentielle de subir cette chose fâcheuse, cette épreuve qu’est sa politique ! Non Monsieur le Président de la République ! Nous ne nous soumettrons jamais à cette politique-là. Nous la combattrons, au contraire, avec la dernière énergie. Nous combattrons avec vigueur et détermination son penchant fâcheux à diviser la Nation dont il était sensé être le père en deux camps antagonistes. S’il est père, il ne l’est que de l’Alliance pour la République (APR) et deBennoo Bokk Yaakaar (BBY). Pour nous en convaincre, revenons à ses déclarations lors de la rencontre du 3 mars au Grand Théâtre ! Arrêtons-nous sur celle-ci : « Nous avons la force et la puissance des idées, nous avons des jeunesses et des femmes debout et déterminées, nous avons un peuple généreux et averti. Nous sommes le pôle des intérêts du Sénégal. Nous sommes le pôle de la vérité. »

« Nous sommes…. », « Nous sommes… ». « Nous sommes le pôle de la vérité ». Quelle prétention ! Voilà ce président qui se croit seul détenteur de la vérité, de la force et de la puissance des idées ! Un président qui réduit le peuple et l’intérêt général à son bruyant clan ! De force et de puissance des idées, il n’a en réalité que le décret et les fonds politiques dont il use et abuse. En outre, il pousse ses ouailles « vers la révision constitutionnelle consolidante la plus profonde de (notre) histoire depuis le retour du multipartisme. » Révision consolidante ! Peut-être, par rapport à l’existant, à la Constitution du 22 janvier 2001. Cette révision est maigre, par contre, par rapport aux conclusions des Assises nationales et du Projet de la CNRI. Elle est décevante par rapport aux attentes des peuples du 23 juin 2011 et du 25 mars 2012. Elle est loin d’être profonde. Au lendemain du 20 mars 2016, si le « oui » est majoritaire, nous retrouverons un Président qui a les mêmes pouvoirs exorbitants que son prédécesseur, qui domine du haut de son palais les deux autres pouvoirs. En particulier, la seule évaluation des politiques publiques ne fera pas jouer fondamentalement son rôle à l’Assemblée nationale. Elle avait déjà le pouvoir de contrôler l’action du Gouvernement. Qu’a-t-elle contrôlé de vraiment significatif depuis sa mise en place ? En quoi le projet du président Sall renforce-t-il l’indépendance de la Magistrature ? Le Conseil supérieur de la Magistrature continuera d’être présidé par le Président de la République et le Parquet de dépendre du Garde des Sceaux Ministres de la Justice. Le nombre des membres du Conseil constitutionnel passe certainement de 5 à 7 et leurs compétences sont plus ou moins étendues. Cependant, ils resteront toujours les hommes du Président de la République qui va continuer de les nommer tous (les deux proposés par le Président de l’Assemblée nationale n’y changeront rien). Il restera le chef de son Parti qui lui prendra un temps précieux et qu’il entretiendra publiquement avec les deniers publics.

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L’administration sera, comme du temps de son prédécesseur, politisée et mobilisée au service de l’APR, de BBY et de la famille présidentielle. On peut même avancer qu’elle est plus politisée que jamais. Avec la gouvernance du président Sall, toutes les nominations, surtout celles à des postes stratégiques, se font au bénéfice des seuls membres de son Parti, de sa mouvance, de sa famille ou de quelques recommandés de chefs religieux. La République est devenue finalement celle du président Sall, de sa famille et de son clan. Ministres et directeurs généraux le savent si bien qu’ils peuvent tout se permettre, et se le permettent effectivement dans leur gestion. S’il existe des dossiers contre eux, le Président de la République met le coude dessus et l’assume sans gêne. C’est ainsi, qu’au grand jour et sans état d’âme, ils distribuent des dizaines, des centaines de millions de francs dont le pauvre peuple se demande légitiment d’où ils viennent. Quelques-uns d’entre eux se comportent comme s’ils fabriquaient l’argent. Rien de vraiment étonnant dans tout cela, si on sait que c’est le Président de la République lui-même qui les incite à « descendre sur le terrain », et ils ne se font pas prier. Le tout dernier à descendre dans l’arène politique, c’est le Ministre de l’Economie, des Fiances et du Plan, M. Amadou Ba, qui a jeté son dévolu sur les Parcelles Assainies. Il a fait en fanfare sa rentrée politique. De l’avis du Coordonnateur des Cadres républicains (CCR) de la localité, son arrivée « a provoqué une ruée vers l’APR » (« Le Quotidien » du 23 février 2016). Les ministres Mbaye et Mbagnick Ndiaye qui habitent le même quartier passent presque inaperçus. Pourquoi donc, subitement, autant de ferveur ? Point n’est besoin de réfléchir longtemps pour répondre à cette question : c’est à cause des immenses intérêts qu’il draine et dont les militants de l’APR vont largement bénéficier.

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Dans la gouvernance préconisée par les Assises nationales et le projet de Constitution de la CNRI, certains directeurs généraux (des Impôts et Domaine, des Douanes, du Port autonome de Dakar, de l’ARTP, etc.), encore moins le Ministre de l’Economie et des Finances, ne feraient jamais de politique politicienne. Ils seraient d’ailleurs nommés après appels à candidature. Ces fameux « droits nouveaux » indéfinis que l’on brandit donc comme un trophée n’ajoutent rien de vraiment consolidant au projet de Constitution du président Sall, dont les réformes proposées sont bien en deçà des attentes des populations. Celles-ci rêvaient d’un Sénégal vraiment nouveau, un Sénégal pour l’avènement duquel les Assises nationales ont travaillé sans désemparer pendant plusieurs mois, avec comme base la concertation et le consensus, qui ne sont malheureusement pas les points forts du président Sall. Ce Sénégal-là n’est sûrement pas celui que nous vivons avec le président Sall depuis quatre ans. Il en est même très loin et nos « Assisards » de la mouvance présidentielle en sont parfaitement conscients. Il est vrai que l’esprit des Assises nationales est désormais loin derrière eux, sacrifié sur l’autel de leurs strapontins auxquels ils s’agrippent de toutes leurs forces. Ce sont tous, avec leur mentor, des adeptes du wax waxeet, c’est-à-dire des gens pour qui la sacrée parole donnée n’a aucune valeur, contrairement à ce qu’ils ont toujours essayé de faire croire aux populations. Pour ce reniement, cette trahison, ils méritent d’être sévèrement sanctionnés par un « non » majoritaire le 20 mars 2016.

GOR CA WAX JA

Dakar, le 13 mars 2016

Mody Niang

Mody NIANG

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