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Chronique Référendaire : 15 Innovations Pour Approfondir La Démocratie Sénégalaise

Chronique Référendaire : 15 Innovations Pour Approfondir La Démocratie Sénégalaise

Le projet de loi portant révision de la Constitution, soumis au peuple sénégalais lors du référendum du 20 mars 2016, contient des innovations qui apportent une valeur ajoutée certaine à la démocratie sénégalaise.

Les innovations audacieuses contenues dans ce projet de révision en font, après celles de 1976 qui a fait passer le pays du parti unique au pluralisme, la plus grande révision constitutionnelle consolidante de l’histoire du Sénégal. Elle fait des options audacieuses et ferme, par la consécration de l’intangibilité des dispositions vulnérables, la porte aux possibilités de révisions dé-consolidantes connues par le passé.

Ce postulat de la supériorité qualitative du projet de révision par rapport aux précédents n’est ni une pétition de principe ni une affirmation gratuite ni une proclamation démagogique : c’est une vérité qu’il faut illustrer avec la présentation du contenu, de la portée et de la valeur ajoutée démocratique de chaque innovation proposée.

Nous évoquons aujourd’hui les trois premières innovations.  

  1. La modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique

 Réponse à l’impératif de rationalisation du système de partis politiques

Tout le monde s’accorde sur la pathologie révélée par le diagnostic du système de partis politiques du Sénégal : la fragmentation de celui-ci qui nuit à l’efficacité et à la légitimité de l’action politique. Cependant, personne n’a osé jusque-là envisager la mise en œuvre de solutions pour la traiter. Le projet de révision envisage cette perspective salutaire pour la démocratie sénégalaise.

Une vraie démocratie suppose le bon fonctionnement de ses partis politiques, c’est-à-dire des forces politiques organisées et durables groupant des citoyens de même tendance politique, disposant d’une assise à la fois nationale et locale, dont le but est de conquérir et d’exercer le pouvoir politique en recherchant le soutien populaire.

Les partis politiques constituent des organisations qui donnent vie à la démocratie. Aussi, même critiqués, demeurent-ils des outils indispensables et irremplaçables d’animation de la vie politique. On attend d’eux qu’ils jouent, outre la fonction de concourir à l’expression du suffrage, d’autres plus essentielles à savoir : les fonctions d’animation de la vie politique, de socialisation, de programmation, de réalisation de politiques publiques etc.

Au Sénégal, les partis politiques sont confrontés à des problèmes qui, sans remettre en cause fondamentalement leur légitimité à être les principaux acteurs du jeu politique et institutionnel, sont, si on ne leur trouve pas des solutions adaptées, susceptibles de mettre en péril l’expérience démocratique. On peut citer parmi ces problèmes : la fragmentation du système de partis politique nuisible à la qualité du jeu démocratique et qui les oblige à se regrouper dans des coalitions afin d’acquérir la masse critique nécessaire d’une force politique, la faiblesse de leurs capacités institutionnelles  liée notamment à l’absence d’un système de financement public et privé organisé, la difficulté à assumer les fonctions incombant à un parti politique moderne, notamment la fonction de programmation et l’application problématique des principes de démocratie interne génératrice de la plupart des crises que connaissent les partis.

Le projet de révision formule les bases de traitement des pathologies du système partisan à travers l’article 4 qui dispose : « « Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage dans les conditions fixées par la Constitution et par la loi. Ils œuvrent à la formation des citoyens, à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques.

La Constitution garantit aux candidats indépendants la participation à tous les types d’élection dans les conditions définies par la loi.

Les partis politiques et coalitions de partis politiques, de même que les candidats indépendants, sont tenus de respecter la Constitution ainsi que les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Il leur est interdit de s’identifier à une race, à une ethnie, à un sexe, à une religion, à une secte, à une langue ou à une partie du territoire.

Les partis politiques sont également tenus de respecter strictement les règles de bonne gouvernance associative sous peine de sanctions susceptibles de conduire à la suspension et à la dissolution.

La Constitution garantit des droits égaux aux partis politiques, y compris ceux qui s’opposent à la politique du Gouvernement en place.

Les règles de constitution, de suspension et de dissolution des partis politiques, les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent leurs activités et bénéficient d’un financement public sont déterminées par la loi ».

La réforme vise ainsi à moderniser la législation relative aux partis par le remplacement ou l’amendement de la loi du 6 mai 1981 actuellement dépassé et ne saisissant pas toutes les dimensions de la réalité des partis politiques qu’il faut systématiser et intégrer dans la future législation sur les partis.

  1. la participation des candidats indépendants à tous les types d’élection 

La satisfaction d’une vieille revendication de la société civile.

Depuis très longtemps, de nombreuses organisations de la société civile ont revendiqué la libre participation à tous les types d’élections (présidentielle, législatives et locales) des indépendants. Sont visés ici les candidats qui, au moment de la présentation des candidatures, ne sont pas investis par un parti politique ou par une coalition de partis, mais se présentent à titre individuel à l’élection.

Suite à l’adoption du code électoral consensuel de 1992, la présidentielle et les législatives furent ouvertes aux candidats indépendants. En reprenant sur ce point ce qui était déjà prévu par la Constitution précédente, celle du 22 janvier 2001 prévoit en son article 29 que toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitué ou être accompagnée de la signature d’électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région. Les articles L143 et L167 posent les mêmes conditions de participation des indépendants aux législatives.

Pour les locales, le code électoral reste muet sur les candidatures indépendantes. Même s’il ne les interdit pas expressément, il ne les aménage pas. Ce silence, qui s’assimile de facto à une interdiction de la participation des indépendants aux élections locales, était d’autant plus critiquable qu’il s’agit d’élections qui appellent un choix de proximité devant privilégier le talent, l’intégrité et l’engagement communautaire du candidat sur son affiliation partisane pour la gestion des affaires locales. La conséquence du silence du législateur est que les candidats individuels, désireux de s’investir au profit de leur collectivité locale, ne sont pas autorisés à participer aux joutes électorales. Ainsi, les listes citoyennes sont, toutes, obligées d’emprunter des récépissés de parti pour se présenter.

On peut donc globalement considérer que la législation électorale est, dans une large mesure, discriminatoire à l’égard des candidatures indépendantes. Elle demande à celles-ci de remplir des conditions plus difficiles que celles opposables aux candidatures présentées par les partis ou coalitions de partis politiques.

Ces dernières années, nombreuses ont été les organisations de la société civile qui se sont élevées contre cette discrimination et ont revendiqué la libre participation des candidats indépendants aux élections, notamment les locales.

C’est à cette vieille revendication que répond la réforme envisagée par le Président Macky Sall en proposant à l’article 4 nouveau du projet de révision que la Constitution garantit aux candidats indépendants la participation à tous les types d’élection dans les conditions définies par la loi.

Cette innovation procède de l’approfondissement de la démocratie et marque le renouveau de la citoyenneté par la possibilité désormais offerte aux citoyens de prendre part indépendamment de l’appartenance à un parti politique au développement de leur collectivité locale ou de leur pays. Elle aura sa traduction dans le code électoral aux fins de mettre fin à la discrimination à l’encontre des candidatures indépendantes par l’uniformisation des conditions d’éligibilité à chaque type d’élection ; lesquelles seront applicables de manière identique à toutes les candidatures. En effet, il s’agira désormais d’astreindre tous les candidats (partisans comme indépendants) au principe du parrainage populaire. Ainsi, tous les candidats seront obligés d’administrer la preuve de leur représentativité en rassemblant sous leur nom, avant de pouvoir faire acte de candidature, un nombre de signatures d’électeurs qui sera déterminé par la loi. Cette réforme pourrait aboutir à la réduction du montant du cautionnement. On privilégierait ainsi la représentativité des candidats sur leur richesse, leur qualité sur leur quantité.

  1. La promotion de la gouvernance locale et du développement territorial par la création du Haut Conseil des collectivités territoriales 

 

Une instance de dialogue nationale sur la gouvernance locale et la territorialisation des politiques publiques

La réforme de l’Acte III de la décentralisation a défini un nouveau système de gouvernance des territoires. Il a, ainsi, été procédé à la suppression des régions en tant que collectivité locale, à la communalisation intégrale qui fait de toutes les collectivités territoriales de proximité des communes et à l’érection des départements en collectivités territoriales.

Pour couronner ce dispositif au niveau national, il est créé le Haut Conseil des territoriales qui est l’instance de dialogue pour accompagner le Gouvernement dans la mise en œuvre de la politique de décentralisation.

L’article 4 du projet de révision dispose dans ce sens : Il est ajouté, après l’article 66 de la Constitution, un titre VI bis « Du Haut Conseil des collectivités territoriales » et comportant un article 66-1 ainsi libellé :

« Article 66-1. – Le Haut Conseil des collectivités territoriales est une Assemblée consultative. Il donne un avis motivé sur les politiques de décentralisation et d’aménagement du territoire.

Une loi organique détermine le mode de désignation des conseillers territoriaux ainsi que les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’institution ».

L’instauration du Haut Conseil des collectivités territoriales s’inscrit dans le cadre de la mise en place d’un dispositif institutionnel optimal de promotion de la gouvernance locale et de la territorialisation des politiques publiques. La création de cette institution a été préconisée par la CNRI et les conclusions du Comité national de pilotage de l’Acte III de la décentralisation.

Assemblée consultative composée de membres élus au suffrage indirect et de membres bien au fait des réalités des territoires choisis par le Président de la République, le Haut Conseil des Collectivités territoriales, qui est une institution de la République, a pour mission d’étudier et de donner un avis motivé sur les politiques de promotion de la gouvernance locale, de développement et d’aménagement du territoire.

Il peut, de sa propre initiative, faire des propositions au Gouvernement pour toute question concernant la promotion de la gouvernance locale et la mise en œuvre des politiques de développement du territoire.

Le Gouvernement est tenu de le saisir pour avis sur les questions relatives aux domaines indiqués.

En créant le Haut Conseil des collectivités territoriales, la révision constitutionnelle complète, dans l’attente de l’instauration des futurs pôles de développement, le nouveau schéma institutionnel de la décentralisation du pays. Ce Haut conseil va statuer sur les questions majeures de cette politique notamment la territorialisation des politiques publiques, l’animation des pôles territoire et le financement du développement territorial.

Par Pr. Ismaila Madior Fall

 

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