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Le Waxx Waxeet N’est Pas Une Embuscade Morale

Le Waxx Waxeet N’est Pas Une Embuscade Morale

Certains compatriotes se voient à présent habilités, au nom de la morale et de la raison, à agir contre le Président Macky Sall. Il est reproché à ce dernier d’avoir renoncé à sa promesse de faire passer le mandat présidentiel de sept à cinq ans. Certains medias sénégalais ont fait le choix d’une mise en scène spectaculaire et dramatique de la décision de Président, en accentuant volontairement le soupçon d’une défaillance morale. La formule du waaxx waxeet fait la une des journaux du pays. Des pamphlets incendiaires sont dirigés contre le Président de la République. Ce dernier est accusé d’être l’auteur d’un guet-apens moral, d’une escroquerie gigantesque. Certains sénégalais portent contre lui l’accusation grossière de menteur et d’apôtre du reniement.

Cette querelle, sa forme et son traitement médiatiques, renvoient à une confrontation entre policiers et malfaiteurs. Si bien que, tout effort consistant à ouvrir une piste de réflexion appelant au pragmatisme et à la retenue, peut être perçu comme étant une prise de position pour les malfaiteurs et contre les policiers.

Dans un combat présenté comme une opposition entre défenseurs de la loi, de l’ordre et criminels, une prise de position pour ces derniers est forcément scandaleuse. Cela ne me dérange pas. Je suis assez sénégalais pour savoir que nous aimons ce genre facile qu’est la polémique. Nous sommes trop souvent « des hommes théoriques » qui passons tout le temps à bavarder. Notre scène publique est un espace du charivari, de la fausse pertinence et de l’éloquence toxique. Elle est un espace où les intérêts et valeurs les plus contradictoires se livrent à une promiscuité insoutenable.

Je n’ignore pas la prétention permanente de l’homme sénégalais de se voir comme une autorité morale absolue, de s’élever arbitrairement au rang d’homme de Dieu avec des prérogatives de l’Absolu. Alors qu’en réalité beaucoup d’entres nous ne sont que des apostats repentis toujours prêts à distribuer des torts qui, ne s’appliquent jamais à nous- mêmes.

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Macky Sall a renoncé à faire passer son mandat actuel de sept à cinq ans. On peut dire qu’il n’a pas tenu sa promesse. Ne pas tenir sa promesse n’est pas en soi une vertu. Il ya de la valeur, de la grandeur à respecter sa parole.

Néanmoins je ne vois aucune raison sérieuse pouvant expliquer l’étiquette de menteur, d’apôtre du reniement et de la trahison que, certains veulent lui coller. Je ne comprends pas la raison pour laquelle certains commentateurs lui prédissent une nuit politique sans aube.

Laissons à Dieu ce qui revient à Dieu. Ceux qui observent le Président de la République dans sa fonction de chef de l’Etat n’ont aucune raison de douter de sa probité morale, de son sens de la responsabilité et de son engagement pour le bien du pays et des populations. Ils n’ont aucune bonne raison de voir dans une promesse politique formulée entre les deux tours des dernières élections et non tenue, l’indicateur d’une conscience morale déficiente ou le symptôme d’une quelconque fourberie.

Le champ de la promesse politique n’a jamais été un socle sacré. Il n’a jamais été une terre de grâce. Ce qui caractérise la promesse est qu’elle peut ne pas être respectée. C’est cette indétermination par rapport à sa mise en application qui la fonde et qui lui donne son nom de promesse. Son respect n’est pas un impératif catégorique a-contextuel. La rupture d’un engagement, la suspension d’une promesse, le changement de préférences et priorités font partie de la vie et peuvent dans certaines situations se justifier.

Ce qui est ne peut pas toujours être ce qui se doit être. Ce qui se doit d’être n’est pas toujours ce qui est.

Nous devons apprendre à nous arranger avec certaines réalités. Il nous est tous arrivé de suspendre une promesse. Il nous est tous arrivé de faire du waxx waxeet sans être frappé d’anathème. La responsabilité étatique, la réalité du pouvoir, ses exigences de compromis, de consensus, la discipline budgétaire, des situations politiques et économiques sur lesquelles on n’a aucune emprise, bref tous ces facteurs ne facilitent pas une stabilité des préférences et priorités. Si bien qu’une éthique politique ne peut pas exiger une constance de la préférence et de la parole donnée. Le refus catégorique du waxx waxeet est une fiction irréaliste. Elle est l’expression d’une ignorance de la complexité de la réalité. Le fanatisme moral n’aide personne.

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Ainsi comme j’ai eu à le souligner dans un article précédent, un esprit souverain doit pouvoir digérer la déception née d’une promesse non retenue. Il doit être en mesure de remettre la suspension de la parole donnée dans son contexte historique d’énonciation. Le moment de la production de la promesse n’est pas celui de son exécution.

L’éthique qui demande et exige que la parole donnée soit respectée doit, dans certaines situations, céder la place à cette vertu qui veut qu’un leader sache s’adapter aux exigences de la réalité. La suspension de la parole donnée serait ainsi un principe de l’action politique.

D’ailleurs en démocratie, les promesses tenues constituent des exceptions. Le Président Barack Obama avait, entre autres, promis de fermer la prison de Guantanamo. Cette prison est encore active. Il avait promis de retirer les troupes américaines  de l’Afghanistan. Des soldats américains sont encore dans le pays. Le Président Hollande avait, durant sa campagne électorale, promis aux étrangers vivant en France un droit de vote aux élections  locales. Cette promesse reste toujours à être concrétiser.

Les promesses constituent plutôt une guide de l’action politique. Les promesses des partis et leaders politiques servent à mobiliser partisans, sympathisants et électorat. Elles constituent ainsi des ressources de la compétition électorale. Dans le meilleur des cas, elles expriment une déclaration d’intentions, une volonté, une fois élu, de faire d’une question ou bien d’un thème une priorité.

A ceux qui invoquent le Coran pour jeter l’anathème sur le Président Macky Sall,  je rappelle la chose suivante.

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Il est aussi arrivé que Dieu suspende sa parole ou la remplace par une autre.  On connait l’Annassikh (l’abrogeant) et le Al-Mansoukh (l’abrogé). Le Très Haut a dit : « Abrogeons-Nous un verset ou le faisons-Nous oublier, Nous le remplaçons aussitôt par un verset meilleur ou équivalent » (sourate 2 verset 106). Je me permets de citer deux exemples. Le Très Haut dit : « Que vous exprimez ou que vous cachiez ce qui est en votre âme, Allah vous en demandera compte » (sourate 2 verset 284). Ce verset a été abrogé par le verset suivant : « Allah n’impose rien à l’âme qui Soit au-dessus de ses capacités » (sourate 2 verset 286). Dans la Sourate An-Nisa (les femmes) le Très Haut a dit « Requérez le témoignage de quatre d’entre vous contre les femmes soupçonnées d’adultère. S’ils témoignent contre elles, alors confinez ces femmes dans vos maisons jusqu’à ce que la mort les rappelle ou qu’Allah décrète un autre ordre à leur égard. Lorsque deux individus parmi vous s’en rendent coupables sévissez contre eux. S’ils se repentent et s’amendent, laissez-les en paix, car Dieu est Tout- Clément et Tout-Miséricordieux » (Sourate 4 versets 15-16). Ces deux versets ont été abrogés par le verset de la sourate An-Nur (la lumière) :« fustigez la fornicatrice et le fornicateur de cent coups de fouet administrés à chacun d’eux » (sourate 24 verset 2)

Ce  dont le Sénégal a besoin est une classe politique dirigeante sortie d’élections libres et transparentes respectant à la lettre les lois et règlements du pays et capables de lutter efficacement contre les difficultés auxquelles sont confrontées les populations.

Le fétichisme moral ne mène à rien du tout. Dommage que nous n’ayons pas la possibilité d’entendre Cheikh Ahmad Tidiane Sy Al Makhtoum se prononcer sur cette question du waxx waxett. La pertinence et la justesse légendaire de ses commentaires nous auraient fait beaucoup de bien.

 

Serigne babakar Diop

Yeumbeul/ Francfort am Main

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