L’exaspération des masses populaires sénégalaises suite au discours présidentiel du 16 février dernier prouve amplement qu’ellessont loin d’être dupes, quant aux véritables raisons de la volte-face de MackySall sur la réduction de son mandat de 7 à 5 ans.
Il s’agit bien d’un nouveau complot, après celui de Wade en 2012, tendant à transférer des problématiques politiques à des instances juridiques prétendument neutres.
Le reste n’est que mise en scène et falsifications, pour donner l’impression que le premier magistrat de la Nation a été contrarié dans son désir de respecter une promesse électorale.
En réalité, la renonciation délibérée du président MackySall à la réduction de son mandat est le dernier acte du processus de remise en cause de la totalité de l’héritage des Assises nationales entamé depuis son accession à la magistrature suprême. Cela va de la mise en place d’une C.N.R.I gênante pour son initiateur – et dont les conclusions ont tôt fait d’être reléguées aux oubliettes – à la publication d’un projet inique de réforme constitutionnelle, dont les dispositions sont très en deçà des principes d’une refondation institutionnelle bien comprise.
Ce qui étonne donc, en la matière, c’est moins la frilosité du Président de l’APR que la passivité des forces de gauche et des organisations de la société civile qui ne devraient s’en prendre qu’à elles-mêmes, car ayant consciemmentchoisi de fermer les yeux sur tous les jalons posés pour aboutir à l’infâme rétractation.
Cette phobie de la refondation institutionnelle et de l’émergence citoyenne, que l’apériste en chef adû hériter de son père spirituel et mentor Me Wade, est aussi révélatrice du profond scepticisme quant aux vertus de leur bilan tant chanté sur tous les toits (ou tous les médias).
Pour certains observateurs, c’est bien la crainte d’une défaite électorale aux prochaines élections présidentielles, qu’il avait promis de tenir en 2017, qui explique larenonciation du leader de Benno BokkYakaar.
Pourtant, la Coalition Benno BokkYakaar ne semblait pas être en trop mauvaise posture face à une opposition libérale, avec laquelle le Président semble avoir davantage de démêlés juridiques que des divergences politiques sérieuses et des alliés socialistestétanisés par la difficulté à choisir entre la loyauté à la Coalition gouvernementale et leurs propres ambitions présidentielles.
Tout semble maintenant remis en cause avec la pseudo-décision du Conseil Constitutionnel et le rejet de l’essentiel des recommandations de la C.N.R.I.
Ainsi se ferme de manière peu glorieuse le chapitre de la refondation institutionnelle, qui était censée représenter le socle programmatique de la Coalition Benno BokkYakaar.
Pour avoir trop tôt baissé les armes et s’être engagés, tête baissée dans une course effrénée vers les strapontins et les honneurs, les leaders des autres partenaires de l’APR portent une responsabilité politique avérée dans le dénouement tragique de la révolution citoyenne amorcée avec les Assises Nationales du Sénégal.
Les organisations de la société civile ont, elles aussi, presque toutes, délaissé leurs rôles de veille et d’alerte alors qu’elles se devaient de maintenir les masses populaires dans la mobilisation populaire vigilante, seule garante de changements véritables et durables.
Mais tout n’est pas perdu !
L’acte héroïque et fortement symbolique posé par un député, éminent membre de la Coalition Benno BokkYakaar ainsi que la vague d’indignation, qui a traversé notre pays, ces derniers jours, prouvent amplement que le sacrifice de Mamadou Diop et des autres martyres des révoltes citoyennes préélectorales de 2012 ne resteront pas vains.
Il s’agit maintenant d’essayer de ramener lesleaders de l’APR à la raison pour qu’ils se conformentà l’engagement pris en 2012 par leur candidat devant le peuple des Assises, de matérialiser les réformes institutionnelles, y compris le fait de retenir la durée du mandat présidentiel à cinq ans.
Il s’agit bien d’aller, en ouvrant de larges concertations, vers l’adoption de l’intégralité de l’Avant-projet de Constitution proposé par la CNRI.Pour cela, des « ruptures normatives » seront nécessaires, contrairement aux arguties de certains ministres- mauvais conseillers.
A défaut, les démocrates et patriotes de notre pays devront infliger une défaite politique mémorable aux tenants de l’immobilisme institutionnel, par un boycott massif du « référendum-alibi » du 20 mars prochain.
Nioxor TINE
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