« Panem et Circenses » pour dire : « Du pain et des jeux », telle était la devise des empereurs romains de la dynastie Flavienne afin de divertir et de corrompre un peuple qui peinait à assurer le gîte et le couvercle. C’est pourquoi Vespasien, premier empereur de la dynastie, fit construire en 72 ap. J.-C. l’amphithéâtre flavien ou Colisée (Colosseo) qui pouvait accueillir jusqu’à 50 000 spectateurs. Ce sont les hommes politiques ou les grandes familles romaines qui finançaient les jeux. Ainsi ils espéraient gagner le soutien du peuple qui ce jour-là, non seulement se divertissait, mais en plus ne travaillait pas. Les jeux étaient donc utilisés comme propagande.
Aujourd’hui, à une semaine du référendum du 20 mars 2016, au stade Demba Diop, avec l’organisation d’un grand combat de lutte offert par le Président Macky Sall, semble-t-il au prix de dix millions de francs, le Colisée nous revient de plus belle. Nos gladiateurs modernes des écuries de Pikine, de Guédiawaye et autres ont menés d’âpres combats de lutte et le spectacle fut grandiose. Une foule déchaînée, des cris exaltés qui approuvent et désapprouvent, des torses nus et noirs en sueurs, des muscles qui bandent et s’agitent, du sang qui suinte en plein jour devant les yeux innocents de quelques badauds. OUI ! Tout un peuple de la lutte en transe qui se délecte à assouvir sa nature passion. OUI ! Tout ce qui divertie et qui peut nuire à la lucidité en ce qu’il détourne de l’essentiel de l’heure.
Un combat de lutte offert par Monsieur le Président Macky SALL qui pouvait être bien banal à priori, me semble cependant, au regard du contexte électoral, n’être qu’un acte bien choisi de politiciens rusés. Une opération destinée à séduire et divertir une masse populaire éprise de ce spectacle grandeur nature. A cela va s’ajouter un tout autre spectacle fort alléchant aussi, un « concert du Oui » avec le Roi du Mbalax prévu à l’avant-veille du référendum.
Ainsi le Colisée se confirme naturellement au Stade Demba DIOP. Outre les « Jeux », du « Pain » orne le riche banquet de la propagande avec l’achat de conscience que le peuple avisé d’alors avait voulu notamment taire à jamais en faisant le deuil des régimes politiques passés. Il a été dénoncé le ballet de chargements de vivres dans des camionnettes remplies de riz et de sucre distribués à une population qui a fini par céder à la dure tentation du cri du ventre creux.
Néfastes pratiques d’autres temps qui n’honorent guère la conscience libre d’un digne peuple et qui portent atteinte à l’espoir de voir ses droits pleinement garantis dans leur exercice. D’où la pertinence actualisée de la crainte d’alors de Cicéron, qui, s’adressant au Siciliens contre les exactions du gouverneur Verrès, disait ceci : « on peut tout enlever au peuple, pourvu qu’on lui laisse l’espoir du respect de ses droits ». Piètres pratiques constitutives d’une ruse politicienne bien diffuse qui use le devenir citoyen et qu’il nous faut refuser en toute lucidité.
NON! Monsieur le Président au plébiscite bien contraire à l’esprit du référendum qui est objectif et détachable de votre propre personne. Nous ne somme plus cette masse populaire peu réfléchie qui, comme mouton de panurge, valse au gré de la volonté du Prince. Bien au contraire, cette masse se veut bien lourde pour peser de plus belle sur la balance de l’intérêt général qui découle de la volonté libre et souveraine du peuple sénégalais.
Me Amadou Salmone FALL
Citoyen (amadousalmone@yahoo.fr)