Le référendum a vécu. Engagé sur des prémisses faussées par le retrait de la question de la diminution du mandat en cours, biaisé par l’engagement personnel du Chef de l’Etat sur des airs de campagne électorale présidentielle, la campagne pour le OUI a révélé les faiblesses de l’éducation à la démocratie des élites politiques de notre pays. Discours indigents, égos surdimensionnés, jactances et bravades hors sujets ont pollué l’atmosphère et ont contribué à nous faire rater ce qui devait-être un grand rendez-vous républicain: l’adoption, par un consensus le plus large possible, d’une révision de la Charte fondamentale de notre pays. De maladresses en calculs politiciens sous-jacents, d’ambitions démesurées en transhumances négociées, le référendum a raté sa vocation par la faute des politiciens sénégalais à la tête desquels, il faut le dire, le President Macky SALL. En effet, au lieu de donner un nouvel élan à notre commun vouloir de vie commune, le référendum a « divisé » notre pays en deux camps. Et cela est plus préoccupant que les querelles sur l’arithmétique d’un « triomphe sans gloire ».
Le OUI a » gagné ». Et après ? Mis à part le fait d’avoir noyé dans la clameur le dédit présidentiel, quelle urgence revêtait la tenue du référendum sans concertation préalable entre acteurs politiques ni information populaire sur ses tenants et aboutissants? A cet égard, on prend souvent prétexte des auditions citoyennes des Assises Nationales et de la CNRI pour se passer d’une responsabilité de l’Etat de faire savoir aux populations les détails d’une révision constitutionnelle qui engage la nation et les générations à venir. On a oublié, au passage, que des acteurs importants des Assises Nationales ont voté NON par fidélité à l’esprit des Assises. On feint aussi d’oublier qu’ une des recommandations phares de ces deux instances, en l’occurrence le fait que le President de la République élu doive démissionner de son poste de chef de parti pour devenir le Chef de l’Etat, a été superbement ignorée par le President Macky SALL dans son package soumis à référendum .
Mais on a compris pourquoi lors de son discours-défi lancé de la scène du Grand Théâtre, remplie pour la circonstance de militants de l’APR: sous la forme d’un chant gymnique des lutteurs sereres, il a promis à ceux qui voteraient NON de les » terrasser » voire de les humilier… Était-ce le but de l’exercice ? Au nom de quelle idée de la démocratie le President de la Republique, notre President à tous, s’engage t-il à terrasser un peu moins d’un million de sénégalais qui ont leurs raisons de dire NON? Sinon à quoi bon les consulter? Cet état d’esprit, d’ailleurs largement partagé par tous les leaders du OUI qui célèbrent une victoire du OUI dans leur bureau de vote(!) comme une » revanche » sur leur challenger à l’occasion de la compétition électorale précédente. Quelle relation? Tout se passe comme si chacun, de ceux-là, avait une rancoeur tue, une rage réservée qui s’est déversée à l’occasion de la victoire du « lutteur « OUI sur le « lutteur « NON. Cette ambiance d’arènes sénégalaises nous a même valu l’exhibition d’un célèbre lutteur, partagé entre le OUI et le NON car ignorant totalement les enjeux de cette consultation. Bref, tout cela est contraire à l’idéal démocratique et au principe de la consultation du Peuple par voie référendaire. Cela constitue également un mélange des genres qui creuse davantage le fossé! Il est de la Haute Responsabilité du President de la Republique de siffler la fin de la récréation. S’il en a le cœur…
Dresser la liste des incongruités charriées par ce référendum ne saurait tenir ici. Il reste juste à se convaincre que le temps de réinventer la politique et de lui conférer une nouvelle légitimité est arrivé. Le taux d’abstention, si élevé, signifie le dégoût largement partagé que suscitent les mœurs politiciennes sénégalaises faites de reniements, de compromissions, et d’absence de Vision à moyen et long terme. C’est , quand au fond, ce sens véritable du NON qui a gagné bien des cœurs .
Il faut donc travailler à la formulation d’une Nouvelle Offre Politique qui réconcilie les citoyens avec la chose publique. Dresser un corpus de valeurs, décliner des programmes pertinents, cohérents, lisibles et largement partagés, tels doivent être les chantiers d’une opposition qui veut véritablement constituer une ALTERNATIVE et non, tout simplement, une alternance de plus. Le prix à payer sera la gestion des égos qui donnent à l’opposition actuelle les allures d’une Armée de Généraux. Trop de leaders qui ne pensent qu’à être » Vizir à la place du Vizir ». Ils ne parlent que d’élections et de partage de postes alors que tout est urgent! A cet égard, la crise interminable de notre système éducatif, à elle seule, devrait suffire à mobiliser toutes toutes nos énergies et tous nos moyens car, il y va de la survie de notre Nation.
Rien de grand ne se fait dans la division et le morcellement des forces vives. Il faut trouver, au plus vite, les plus petits dénominateurs communs fondateurs d’une nouvelle force politique qui puisse s’opposer résolument à l’arrogance de ceux qui devraient être les humbles serviteurs de la Nation au lieu de nous la jouer… Et certains ont même l’outrecuidance de nous dire: » Allez le référendum est terminé , retournons au travail! » Pour peu ils nous rendraient responsables d’avoir déserté si longtemps leurs bureaux pour raison de campagne électorale précoce!
Amadou Tidiane WONE
woneamadoutidiane@gmail.com
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