Nous partageons cette idée qu’en démocratie, le référendum est le seul acte par lequel le corps électoral et singulièrement le citoyen participe en se prononçant dans un sens déterminé à la prise d’une décision sur un ou des points limitativement énumérés d’ordre constitutionnel (par exemple), comme ce fut le cas le 20 mars 2016 dernier.
Ainsi, lors de ce dernier référendum, face à ce qui nous paraissait comme de l’intoxication, et devant le mauvais jeu de la société civile qui prit fait et cause contre le projet constitutionnel – alors qu’on attendait d’elle un engagement sur le terrain pour aider les populations à comprendre les 15 points – ; nous avions décidé d’aller au contact de nos concitoyens.
Car, au-delà de la problématique de compréhension des réformes proposées, il y avait aussi le besoin de parler de générations ; qu’une génération avant indépendance ne peut indéfiniment assujettir à ses normes les générations après indépendance et futures.
En d’autres termes, la constitution que nous avions jusque-là renseigne sur l’esprit d’une génération avant-indépendance. Et il est assez paradoxal de constater que son Excellence Macky Sall, est reconnu comme étant né après indépendance ; alors qu’on se lança dans une campagne de dénigrement en présumant des réformes qui renonceraient toute forme de corrélation avec la modernité. Enfin de compte, on se demande quelle est la dose de vision pour l’avenir du Sénégal si l’on prend les risques d’enfermer le peuple dans de fausses considérations.
Quand ce postulat est posé, il est facile de démontrer en quoi le projet de révision constitutionnelle est pour l’intérêt général. En tous les cas, ceux qui ont voté OUI, ont au moins accordé le bénéfice du doute au Président Macky Sall avec cette conviction que cette consultation va dans le sens de consolider la bonne marche de la démocratie sénégalaise.
Mais malgré la victoire du OUI, il s’est installé un débat confus sur le sens de cette victoire avec cet autre amalgame voulu entre votants et abstentionnistes. On assiste alors à une sorte de prolongation de la campagne.
Sans chercher à cautionner tout cela, nous voulons juste clarifier rapidement le champ lexical du référendum. Et au bout de cette clarification, nous aviserons en quoi la tentative de récupération des abstentionnistes par les NON-istes est nocive pour la démocratie sénégalaise.
A propos de la politisation des résultats
Comme l’a si bien relevé, l’ancien Ministre d’Etat Robert Sagna lors de sa conférence de presse avec le Ministre Benoit Sambou au lendemain de la victoire du OUI en Territoire de Casamance ; avec le fichier électoral actuel, il est difficile de sortir les vrais chiffres du taux de participation.
Cette inquiétude est d’autant plus plausible qu’elle nous amène à réfléchir sur le nombre de Sénégalais qui ne se sont pas (du tout) inscrits, eu égard aux chiffres avancés par la Commission nationale de recensement des votes.
Sur 5 709 090 inscrits, il y a eu 2 184 311 votants, et donc 3 524 779 abstentions. Parmi les votants, les suffrages valablement exprimés s’élèvent à 2 164 667 (taux de participation de 38,26%), dont 1 357 412 voix pour le OUI et 807 255 pour le NON.
Mais avant tout, évoquons un chiffre absent ici, celui d’environ 5 autres millions de Sénégalais en âge de voter sur une population entre 13 et 14 millions. Chiffre (de 5 millions de potentiels électeurs) que nous mettons en sursis, pour reparler du référendum en avançant cette idée que, le symptôme objectif de notre démocratie n’est pas l’abstention que certains assimileraient à une victoire du NON.
En définitive, avec de telles statistiques, il est tentant de revenir sur le pourquoi plus de 3 millions de Sénégalais ont déserté les urnes. Mais les conclusions qu’en tirent déjà les partisans du NON dans le seul but de s’arroger une victoire hors des bureaux de vote, sont démocratiquement malsaines ; en ce sens qu’elles nourrissent la confusion entre les notions telles que : suffrages exprimés, vote blanc ou nul, participation et abstention (voir plus loin).
Encore une fois, on verse dans une certaine propagande qui se soucie peu de délivrer le message nécessaire aux populations.
Il y a un dangereux glissement rhétorique de la part de l’opposition qui, au lieu de s’alarmer sur les 62% de Sénégalais inscrits qui ne se sont pas déplacés, considère opportunément l’abstention et la démocratie avec un inversement des préjugés.
Or, jusqu’à date (québécisme quand tu nous tiens !), le comportement abstentionniste a toujours été jugé sur un plan moral : l’incivisme.
Ainsi, à la faveur d’une posture constative, nous préférons avancer l’idée que l’abstention ne devrait pas être piégée par une sorte de politisation des résultats des urnes. Les politiques devraient donc être conséquents face à un comportement contre lequel ils devraient tous s’unir au nom de la survie de la démocratie.
Il ne faut donc pas trainer notre démocratie dans l’ornière de l’ingratitude politique. C’est là une sentence qui nous permet d’éviter le listing des causes de l’abstention qui en aucun cas ne saurait être liée à une offre partisane. C’est clair, il n’existe pas un parti du NON ou de l’abstention au Sénégal.
Par conséquent, l’abstentionniste n’est pas un partisan malgré les stratagèmes opportunistes ; comme l’indécision d’ailleurs ne saurait être le facteur explicatif du pourquoi 3 millions de personnes ne sont pas allés aux urnes le jour du référendum.
Abstention et indécision, une différenciation s’impose. Il nous parait plus logique de parler d’indécision pour celui qui s’est déplacé pour voter mais qui n’arrive pas à déterminer son choix et finit par un vote nul. A ce niveau de notre argument, nous invitons à apprécier les éléments qui particularisent l’abstention du vote blanc ou nul.
Petit lexique référendaire : participation (suffrages exprimés, vote blanc ou nul) et abstention
Le vote blanc, et nous insistons, est le meilleur exemple en parlant d’indécision. En ce sens que l’électeur s’est déplacé jusque dans l’isoloir, mais fait acte d’une absence de décision sur le choix attendu en ne glissant aucun bulletin dans l’enveloppe.
Il a certes voté, mais son vote est considéré comme blanc parce qu’il a fait le choix de déposer une enveloppe vide dans l’urne. Conséquemment, n’étant pas déterminé (il n’a pas décidé pour le OUI ou pour le NON, s’il s’agit d’un référendum), la règle voudrait qu’il n’alimente ni les chiffres de l’abstention, ni ceux du suffrage valablement exprimé ; son action civique donc ne compte pour rien.
Quant au vote dit nul, cette autre notion de la démocratie est liée à la question d’irrégularité. « Téranga » oblige ( ?), il arrive souvent que des électeurs glissent deux bulletins dans l’enveloppe – ailleurs des dissidents vont se confectionner des bulletins de leurs propres candidats qu’ils glissent dans l’enveloppe – un tel vote entaché d’irrégularité ne participe pas (comme le vote blanc) dans le calcul du suffrage valablement exprimé et est considéré comme nul.
Récapitulons : en disant que parmi les votants (tous ceux qui se déplacent pour aller voter, les inscrits moins les abstentionnistes), quand on enlève les bulletins irréguliers (nuls) et le vote blanc (qui est absence de décision selon nous), on obtient ce qu’on appelle le suffrage valablement exprimé. C’est donc ce nombre de votants (déduction faite du nombre de votes non comptabilisés dans le résultat, votes blancs et nuls) qui va déterminer le résultat du référendum (ou de l’élection) en démocratie.
En effet, on peut dire qu’en démocratie, l’acte citoyen est garanti par des principes très exigeants au point que : le suffrage valablement exprimé n’a de valeur que si le citoyen a régulièrement exprimé sa voix par un choix (OUI ou NON) valable. En conséquence, la démocratie ne se mesure pas exclusivement par rapport au nombre de votants ou du plébiscite (les référendums et autres élections à 99% on connait), mais selon la validité des suffrages et qui ne doit être entachée d’aucune irrégularité.
Ainsi, quand le taux de participation est faible comme ce fut le cas lors du référendum, ce n’est pas juste de vouloir mettre en cause la démocratie qui rejette pourtant le vote nul ou blanc (à plus forte raison l’abstention). Les opposants au OUI, aurait pu à la limite exploiter les votes blancs ; alors que revendiquer l’abstention comme expression du NON frise la ruse avec les valeurs démocratiques.
L’éloge à l’abstention est nocif pour notre démocratie
Il est vrai qu’ailleurs, le refus de participer aux votes est vu comme une manière de s’opposer, voire de rejeter la légitimité d’un système politique.
Mais, en ce qui concerne le dernier référendum, il est bien difficile comme nous le suggérions plus haut, de parler de refus de vote en parlant de l’abstention. La nuance s’impose en termes d’interprétation de cette abstention, dans un pays où la moitié des citoyens en âge de voter ne s’est pas inscrite.
Nous l’avons dit plus haut, sur environ 14 millions de Sénégalais (dont 4 millions de jeunes de moins de 15 ans qui ne font que surchauffer la campagne, comme nous l’avons constaté à Ziguinchor où certains riches politiciens ont fait voyager des jeunes qui ne votent pas), nous n’avons que 5 millions de votants.
Alors, s’il faut soulever la problématique de la légitimité du vote, cela devrait commencer par une analyse lucide du faible taux des inscrits qui a forcément des conséquences sur le taux de participation.
Car, si l’on part du constat que la moitié des Sénégalais n’iront pas voter, on peut imaginer valablement les signes de l’abstention par contagion. C’est à l’image d’un foyer avec 14 personnes, dont 4 ne sont pas en âge de voter et 5 autres, bien qu’en âge de voter ne se sont pas inscrits. Il reste donc 5 personnes inscrites qui selon le contexte doivent se décider à aller voter le jour J – et trouver la motivation nécessaire pour ne pas faire comme les 9 autres personnes qui ne bougeront pas –. Ainsi, si l’on ne fait pas attention, seuls deux ou trois personnes iront finalement aux urnes.
A partir de cet exemple, on peut dire que vouloir malicieusement associer abstention et le NON dans le seul but de ternir la victoire du OUI, n’est pas une démarche de sagesse. Car, autant l’abstention n’est pas souhaitable au nom de la bonne santé de la démocratie sénégalaise, autant le discours politique qui chercherait à l’exploiter est nocif pour cette même démocratie.
Entendons-nous bien, que des leaders politiques puissent se réjouir du taux d’abstention en voulant l’assimiler au NON et à une impopularité de la nouvelle constitution révisée, est là un paradoxe bien sénégalais qui dévoile le subterfuge derrière lequel certains partisans du NON ont fait campagne.
C’est à croire que le NON dans ses nouveaux contours, est devenu un instrument de l’opposition, manié par ceux qui sont à la recherche du pouvoir ainsi que tous ceux qui ont intérêt (avec les législatives à l’horizon) à en reproduire et développer une perpétuelle campagne politique. Faut-il d’ailleurs s’étonner de la confusion volontairement établi entre référendum et élections ?
Pour aussi prématurée qu’elle soit dans ses mécanismes, l’idée du début de la campagne de 2017 est à prendre au sérieux. Tout comme cet autre symbole de la conquête du pouvoir, le wax waxeet est dans une posture de perte de vitesse.
Le wax waxeet est menacé parce qu’il a été utilisé abusivement contre le Président Macky Sall, et tente d’opérer un renouveau abusif qui tend à nous faire admettre que la vision politique du NON était salutaire vu le taux d’abstention. Et si l’on n’y prend garde, elle servirait donc mécaniquement aux prochaines campagnes.
C’est à croire que le NON parce que trop bruissant dans sa vacuité se soucie peu de la société concrète et réelle, des intérêts de nos populations et il a la peur panique face aux rapports de force qui se sont désormais opérés entre les partis et les coalitions politiques.
Dès lors, il est juste de dire que les pro-NON se sont trompés de malade, ce qui est inquiétant pour eux. Car à l’image du médecin expéditif, qui croit que tuer le malade mettrait fin à la maladie, ils préfèrent manipuler les généralités propres à l’occident (interprétation de l’abstention) et oublient que ce n’est pas en cherchant à ternir la victoire du OUI lors de ce référendum qu’on fera avancer la démocratie sénégalaise.
En outre, faire de l’abstention une évidence de la victoire du NON inhibe l’examen critique de notre fichier électoral. Il faudrait donc que les NON-istes arrêtent de s’halluciner sur leurs propres constructions avec ce risque de stérilisation induite de la vie politique sénégalaise, porte ouverte à l’entrisme possible dans l’entendement de nos populations d’éléments pas démocratiques du tout : l’abstention comme forme de vote.
Akandijack,
Dr. Pape Chérif Bertrand Bassène
P.S : Ceci étant dit, nous avons appelé à voter pour le OUI, au nom de l’intérêt général. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui au Sénégal, on ne peut pas croire que des hommes expérimentés et sages à l’image de Robert Sagna, Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng… peuvent eux tous se tromper à propos du Président Macky Sall.
Mais nous sommes aussi conscients que la victoire, ce ne sont que des lauriers… Nous attendons donc la suite des événements, après le combat pour la victoire du OUI !