Sur le plateau de Papa Ngagne NDIAYE de la TFM, Madame Aminata TOURE, Ancien Premier Ministre a, entre autres questions évoquées, abordé celle de l’envoi au Senegal de deux détenus Libyens élargis de la prison de Guantanamo. Elle a essentiellement plaidé en faveur de ces hôtes, plutôt encombrants, en faisant appel à la compassion des sénégalais et à leur sens légendaire de l’hospitalité, la Teranga. Cela fait un peu trop juste face à la délicatesse de la question.
Le Secrétaire d’Etat américain John KERRY, cité par DAKARACTU nous en dit, quant à lui, un plus :
« Les États-Unis sont très reconnaissants à leur partenaire, la République du Sénégal, d’avoir offert la réinstallation humanitaire à deux anciens détenus du Département de la Défense qui étaient incarcérés au centre de détention de Guantanamo Bay, à Cuba »
Aux termes de cette déclaration c’est le Senegal qui aurait » offert la réinstallation humanitaire » à ces deux anciens détenus. La nuance est d’importance! La première question de bon sens qui vient à l’esprit est:
Pourquoi et à quelles conditions?
Puis l’on se demande: pourquoi des Libyens libres seraient-ils obligés de venir vivre au Senegal ? Ont-ils eu le choix? Si non, quelle est cette forme de liberté ? S’ils ne sont pas libres, de quoi seraient-ils coupables? Et, dans ce cas, quel sera leur statut au Senegal?
Madame Aminata TOURE certifie au cours du même entretien que les deux, très anciens détenus ( pendant une quinzaine d’années quand même ! ) seraient innocents voire inoffensifs… Soit! Mais alors qui va les indemniser pour le préjudice incommensurable qu’ils ont subi? Injustement incarcérées, libérées sans avoir été jugées, ces individus innocents n’auraient droit à aucune réparation autre que celle d’être envoyés vers un pays qui n’est pas le leur et dont il n’ont jamais foulé le sol? Cette autre forme de torture morale est-elle admissible? Au demeurant, ces personnes ont certainement de la famille, des amis, une vie avant Guantanamo. La moindre des choses ne serait-elle pas de leur permettre de retrouver le cours normal de leurs vies? Si tant est que cela soit encore possible…
Cela étant, parlons quand même d’intendance, même si cela peut paraître dérisoire face à la survie de deux êtres humains:
Qui va prendre en charge le séjour et la subsistance des deux libyens au Senegal?
Les États-Unis vont-ils y contribuer? Dans quel cadre? À quelles conditions?
Des études d’impact sur les conséquences éventuelles de représailles de leurs familles restées en Libye ont-elles été faites? Car, on peut envisager qu’après qu’on aie libéré des personnes, détenues à tort pendant quinze ans, elles cherchent des recours. Ceux-ci peuvent être judiciaire ou belliciste. A t-on les moyens de gérer l’une ou l’autre des options? Et puis, nom de quoi devrions nous assumer les fautes des États-Unis, plus riches que nous, plus puissants que nous et responsables à 100% de cette situation abracadabrante?
Au demeurant, le Secrétaire d’Etat John KERRY nous donne une autre leçon de bonne gouvernance en poursuivant:
» Le transfert de ces deux individus, en l’occurrence Salem Abdu Salam Ghereby (Numéro de série d’internement (ISN) 189) et Omar Khalif Mohammed Abu Baker Mahjour Umar (ISN 695), a été approuvé à l’unanimité par six ministères et organismes du gouvernement des États-Unis, soit à travers le Groupe de Travail inter-institutions créé par le décret présidentiel de 2009-2010 ou le récent processus de la Commission d’examen périodique « .
Approbation à l’unanimité par six ministres et organismes du gouvernement des États-unis avant la prise de décision d’envoyer ces deux individus chez nous! Au Senegal, quelles institutions ont été consultées sur l’opportunité et la faisabilité d’une telle opération? Nous attendons un communiqué officiel du Ministère de la Justice, au nom de notre droit constitutionnel à l’information. La démocratie ce sont des actes concrets et non des incantations oratoires!
En conséquence de toutes ces zones d’ombre, que Madame Aminata TOURE ne pense pas nous attendrir en flattant notre sentiment religieux et notre ego de pays d’accueil, sanctuaire mondial de la démocratie et des Droits de l’Homme(!)comme elle a tenté de le faire hier soir au cours de l’émission. La vérité c’est que ces Libyens risquent de se retrouver dans une prison à ciel ouvert au Senegal! Ils ne pourront ni voyager, ni travailler. Ils ne pourront pas non plus se balader librement tant tous leurs mouvement seront épiés, jusque par leurs éventuels futurs voisins conditionnés par les médias, comme nous tous, à l’imminence d’une violence terroriste. Les agents de renseignement seront à leurs trousses pour parer à toute éventualité et ils seraient, au finish, plus malheureux qu’à Guantanamo !
En vérité , cette question est suffisamment sérieuse pour être évacuée à la légère tant les dégâts collatéraux sont imprévisibles. Les autorités doivent prendre le temps de la réflexion . Les citoyens sénégalais méritent d’être largement informés et préparés à ce type d’initiatives inédites. Même si je sais que nous avons accueilli, plusieurs fois par le passé, des personnes peut-être plus dangereuses. Mais c’était sans tambours ni trompettes! A moins que cette opération ne constitue une énième tentative de diversion post référendaire pour nous faire oublier le dédit et la « victoire » au goût si amer que personne n’a eu le cœur à la fête …. Ceci expliquant cela! Jaru ko nakk! Wax deug Yalla.
Amadou Tidiane WONE
woneamadoutidiane@gmail.com
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