Entre les conséquences des forfaitures américaines de Guantanamo, et l’énorme clameur mondiale suscitée par les «Panama Papers», on se demande quelle sera la prochaine grande actualité mondiale qui mobilisera les opinions publiques et les médias. Une impression bizarre suggère qu’il y aurait une «main invisible» pour nous entraîner chaque jour dans une aventure nouvelle dont nous ne déterminons ni le déclenchement ni l’issue, encore moins les péripéties d’entre ces deux extrêmes.
La dénonciation de délinquants économiques et financiers par des journalistes d’investigation (ou de révélation) sera toujours une bonne nouvelle car cela participe du combat pour la transparence au niveau planétaire. Mais après ? La volonté politique de mettre fin aux évasions fiscales frauduleuses existe-t-elle dans notre pays ? Ailleurs, le pouvoir de la finance n’est-il pas devenu beaucoup trop fort pour des politiciens dont la religion est le « court-termisme » ? Les juges ont-ils toujours la latitude d’enquêter librement pour arriver à coincer ceux et celles qui passent entre les mailles du filet de la lutte contre la fraude financière ?
Dans tous les cas, «Panama Papers» interpelle violemment les pays africains et en développement, eux qui ont le plus à perdre dans les transactions financières frauduleuses que leurs homologues du Nord. Malheureusement, les institutions politiques, administratives et judiciaires étant ce qu’elles sont – faibles et souvent corrompues – il ne s’y passe rien ou presque face à des dérives criminelles pourtant évidentes.
Ce que nous vivons au Sénégal – et ailleurs en Afrique – est encore plus dramatique que l’exposition des turpitudes dont certaines élites se rendent coupables avec les paradis fiscaux. Depuis plusieurs décennies, chez nous, des politiciens de toutes obédiences s’enrichissent au vu et au su de tout le monde, brassent des dizaines de millions de francs Cfa dans leurs folies publiques, détournent des milliards de francs Cfa en toute opacité, utilisant comme écrans de fumée leurs familles, frères, sœurs, cousins, cousines, oncles, tantes, neveux, nièces, et peut-être des chauffeurs et des jardiniers…
Qu’est-ce qu’il leur arrive ? A peu près, rien ! En dépit des efforts déployés par des organisations de la société civile, les choses bougent à un rythme faible qui ne permet pas une consolidation efficiente des avancées. Il est donc nécessaire que les citoyens deviennent beaucoup plus actifs sur ce terrain là car les politiques ne feront rien sans contrainte forte.
Les politiques ? Il leur arrive de manquer de sang-froid sur les dossiers qu’ils rendent publics eux-mêmes. Hier, par exemple, personne n’a compris pourquoi le ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, a choisi d’être nerveux et un brin agressif dans sa mise au point relative à l’accueil au Sénégal de deux ex-prisonniers de Guantanamo. On peut comprendre qu’il soit exaspéré par les supputations diverses, mais il est en partie payé pour cela ! Au contraire, il devait être à l’aise pour expliquer à l’opinion que le Sénégal fait oeuvre utile en accueillant deux personnes victimes tragiques des dérives et de la paranoïa de politiciens américains porteurs d’agendas obscurs. Dommage.
Cette agitation qui suinte d’entre les lignes d’un texte qui semble avoir été écrit sur un coup de tête autour d’un café froid, nous renvoie l’image d’un responsable de haut niveau qui aurait des choses à se reprocher, tant sur les conditions d’accueil des deux Libyens que sur l’absence de contrepartie financière dans l’opération.
Elles sont ainsi, les sociétés ouvertes : quand les gouvernants font mauvais ménage avec la transparence, les citoyens se posent toujours des questions… Mais heureusement, Bibo Bourgi était disponible hier soir pour la gendarmerie, même si c’est pour la bonne cause. On peut déplacer l’actualité sur lui…