Mesdames, Messieurs,
J’entends par enseignants, vous éducateurs en maternelle, vous maîtres d’école, vous professeurs de collège ou de lycée, vous élèves-maîtres en formation, vous pensionnaires de la FASTEF de l’UCAD, vous chargés de cours, maîtres de conférence ou professeurs à l’université.
Et par, Ecole, comprenez ce système que constituent les différents niveaux d’éducation, d’enseignement et de formation au sein desquels vous remplissez avec détermination et patriotisme votre métier, avec un sens élevé du service public.
De la maternelle à l’université, en passant par l’école, le collège, le lycée et autres centres et instituts de formation, les législateurs et décideurs vous ont assigné la lourde responsabilité de transmettre aux enfants, adolescents et jeunes adultes de notre pays les valeurs de la République, les savoirs fondamentaux et les métiers qui feront d’eux des hommes et femmes complets et prêts à servir, de diverses manières, notre Etat.
Pour revenir sur certains aspects de la haute place de votre métier, permettez d’évoquer Nelson Mandela qui fait de l’éducation l’arme la plus redoutable pour changer le monde.
Imaginez-vous la valeur des moyens que vous êtes susceptibles de mettre à la disposition du Sénégal pour changer positivement sa destinée, voire le cours de son histoire politique, cultuelle et économique ?
A la suite de Madiba, Malala Yousafzaï, prix Nobel de la paix 2014, proclame devant l’Assemblée des Nations unies que vous, un livre à la main, des élèves devant, stylos à la main, pouvez changer l’histoire de la planète.
Vous-mêmes, parfois, en dehors de toute fierté narcissique, affirmez la chance que vous avez à faire un métier grâce auquel vous participez à la construction morale, civique et personnelle des citoyens qui ont la chance de vous rencontrer en classe. Car tous les petits de notre pays n’ont malheureusement pas cette opportunité. Hélas !
C’est ainsi dire que, n’est pas enseignant qui le veut. Autant la tâche est à la fois hardie et exigeante – du point de vue de la patience, de la pédagogie, des prudences, du dépassement de soi qu’elle demande – autant, elle reste passionnante car, en accord avec une maxime d’Aristote, les fruits de ces efforts que vous efforcez à donner, sont heureusement doux.
Evidemment, en considérant la place de votre institution dans la marche de notre pays, il n’y aurait plus prioritaire que de vous assurer de conditions optimales de travail pour assurer le mieux possible votre gratifiante mission : revenus à la hauteur de votre travail, moyens de travail suffisants, formation de qualité et reconnaissance nationale…
Evidemment, le décideur public et le législateur ne semblent pas mesurer le danger qu’ils sont en train de faire courir le pays en n’étant pas suffisamment réceptifs à vos revendications. Evidemment, au lieu de mettre les moyens nécessaires pour donner à votre institution toute sa place et toutes ses fonctions, ils ont préféré multiplier des agences, services, directions et cabinets de conseillers de tout genre à coût de milliards, pour répondre à une certaine clientèle politique.
Il est ainsi facile de comprendre votre colère et de soutenir toutes vos revendications.
Toutefois, si vous voulez continuer à bénéficier de ce soutien des parents d’élèves et d’étudiants, gardez-vous, autant que possible de faire de ces innocents écoliers, élèves ou étudiants un moyen de lutte.
Au lieu de cela, ces jeunes dont vous assurez la formation doivent rester, en partie, et en toute circonstance, la raison de vos diverses revendications.
Inquiètes par un certain nombre d’agissements de certains syndicats et centrales, la Fédération nationale des associations des parents d’élèves du Sénégal (Fenapes) et l’Union nationale des associations de parents d’élèves et étudiants du Sénégal (Unapees), ont gravement rappelé, en AG de ce jeudi 14 avril 2015, votre responsabilité dans un éventuel blocage de votre propre institution.
Les risques d’année blanche à tous les niveaux, inquiètent en effet tous les acteurs de l’Ecole sénégalaise, à deux mois de la fin de l’année scolaire. Il vous sera ainsi difficile de ne pas assumer une telle situation.
Vous conviendrez avec moi aussi que la colère et la peur des parents sont légitimes. Ces derniers se soucient de l’avenir de leurs enfants, avenir pour lequel vous et l’institution scolaire jouez un rôle immense. Pour offrir cet avenir à leurs progénitures, ces mêmes parents ont consentit, pour certains, de grands efforts. Pensez, un instant, à ces milliers de familles paysannes, agricultrices ou éleveuses qui se sont privées du soutien de leurs enfants afin de compter sur ces derniers pour un avenir meilleur, pour eux et pour la communauté. Que dire de ces familles citadines démunies qui, en plus de la vie chère en ville, se privent de pas de choses pour répondre, autant que possible, aux exigences financières et matérielles du cursus scolaire et/ou universitaire de chacun de leurs enfants ?
Enfin, à travers cette lettre que je vous adresse afin de communier avec chacune et chacun de vous, je souhaite saluer le dévouement que vous mettez au service de ce pays.
Aux enfants du Sénégal, vous apprenez à lire et écrire, leur donnez les premières leçons d’éducation morale, civique et citoyenne, leur faites découvrir le monde, l’histoire de notre pays et de l’Afrique. Vous leur donnez, à l’université, dans les écoles de formation, les premières clés d’une réussite personnelle et professionnelle.
Pour autant, le malaise est lisible à toutes les échelles de votre institution. A mon avis, l’une des raisons de la durée de ce malaise est liée au fait que votre institution est un héritage de l’histoire, une création dont nous n’avons pas encore su devenir les véritables artisans.
Qui serait mieux placé que vous pour que notre école redevienne vraiment sénégalaise ? Une institution ancrée sur des pratiques socioculturelles sénégalaises et africaines et suffisamment ouverte au reste du monde dont elle pourra s’approprier les bonnes idées. Qui, mieux que vous pour en porter le combat.
Dès lors, votre bataille devrait suivre une logique de fond. Une dynamique transformationnelle de ce qui se fait depuis 56 ans. Des choix politiques, stratégiques, voire idéologiques qui, à terme, permettront d’assumer les bases d’un système éducatif et universitaire forgé des entrailles de chaque enseignant, de chaque parent, de chaque école, de chaque ville et village du Sénégal. Voilà les défis que je vous appelle à relever désormais.
Avec respectueuses considérations.
Mamadou DIOP
mammadou@gmail.com
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