Dans une contribution intitulée « PAR DELA LE 29 JUIN, LA REPUBLIQUE ! » et publiée le 12 juin 2014, j’évoquais, en perspective des élections départementales et municipales, l’urgence à procéder à la révision de la Loi organique n°96-11 du 22 mars 1996 relative à la limitation du cumul des mandats électifs et de certaines fonctions de même que l’adaptation de la Loi n°72-02 du 1er février 1972 relative à l’organisation de l’administration territoriale modifiée. Deux années plus tard, cette seconde exigence est en voie d’être satisfaite si l’on se réfère au communiqué du dernier Conseil des Ministres tenu le mercredi 20 avril 2016 annonçant, entre autres, le Conseil interministériel d’évaluation de l’acte III de la décentralisation: « … Il convient à cet effet, de renforcer le dialogue entre l’Etat et les Collectivités territoriales, afin d’asseoir la territorialisation des politiques publiques et de procéder à l’actualisation de la loi 72-02 du 1er février 1972 relative à l’organisation de l’administration territoriale et du code général des Collectivités territoriales, ainsi qu’à la finalisation du projet de loi relatif au Haut Conseil des Collectivités territoriales… ».
Cependant, la première exigence reste plus qu’actuelle au moment où le Ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire invoque la loi organique n°72-02 pour déchoir la Présidente du Conseil Départemental de Bambey. Effet ce texte de loi, qui ne vise pas expressément le Conseil départemental créé par la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales (CGCL), comporte encore des termes caduques comme « conseil Régional », « président du Conseil économique et social », « président de comité de communauté urbaine », « commune d’arrondissement ».
J’avoue ne pas avoir eu connaissance entretemps d’une quelconque modification encore moins d’une abrogation de la loi organique. De toute façon, elle a été citée comme motif pour procéder à la destitution de l’Honorable Député Aida Mbodj de son poste de présidente du Conseil départemental de Bambaey. Il y’a lieu de préciser que même si dans ses dispositions transitoires et finales le CGCL dispose en son article 331 que : « Sont abrogées toutes dispositions contraires au présent code, notamment la loi n° 96-06 du 22 mars 1996, modifiée, portant Code des Collectivités locales, la loi n° 96-07 du 22 mars 1996, modifiée, portant transfert de compétences aux régions, aux communes et aux communautés rurales et la loi n° 96-09 du 22 mars 1996 fixant l’organisation administrative et financière de la commune d’arrondissement et ses rapports avec la ville », il reste tout aussi évident qu’en vertu de la hiérarchie des normes juridiques, cette disposition ne saurait avoir la prétention d’abroger la Loi organique n°96-11 du 22 mars 1996 relative à limitation du cumul des mandats électifs et de certaines fonctions.
Bien des cas illustrent la propension des politiciens à enfreindre cette loi. Je me rappelle de Cheikh Tidjane SY et d’Aminata TALL qui, après avoir été promus Ministre, sont restés plusieurs mois avant de démissionner de leur poste de Président du Conseil départemental.
S’agissant de Madame Aida Mbodj, sa démission du Conseil municipal de Bambey devrait respecter les procédures prévue à l’article 160 CGCL en vertu desquelles : « Les démissions volontaires sont adressées par lettre recommandée au maire avec copie au représentant de l’Etat, elles sont définitives à partir de l’accusé de réception par le maire ou un mois après un nouvel envoi de la démission constatée par lettre recommandée ». Ainsi, après avoir constatée la démission d’un conseiller municipal, est-il normalement pourvu à son remplacement conformément à l’article L.225 du Code électoral : « En cas de vacance, il est fait appel en priorité au candidat du même sexe non élu placé en tête de la liste dans laquelle la vacance s’est produite ».
Dès lors que la Présidente Aida Mbodj n’a pas été nommée postérieurement à une fonction, il ne serait pas approprié d’invoquer l’article 56 du CGCL qui énonce : « Le président du conseil départemental nommé à une fonction incompatible avec son mandat est tenu de faire une déclaration d’option dans un délai de trente jours. Passé ce délai, il peut être invité par le Ministre chargé des Collectivités locales à abandonner l’une de ses fonctions. En cas de refus ou quinze jours après cette mise en demeure, le président est déclaré démissionnaire par décret. »
Ma conception de la limitation du cumul dépasse de loin ce qui est présentement prévu par la Loi n°72-02 du 1er février 1972 relative à l’organisation de l’administration territoriale modifiée ; elle est en vérité très proche de la vision déclinée par le Président Macky SALL à la page 28 de son programme présidentiel à savoir la « Suppression du cumul des mandats (entre toute fonction exécutive et toute fonction élective) ».
Voici l’extrait de la contribution annoncée à l’entame de mon propos et qui traitait, dans son 9e point, de la limitation du cumul de mandats :
… La limitation du cumul de mandats électifs et de certaines fonctions administratives paraît sensée en ce sens qu’elle favorise de manière plus efficiente l’utilisation des ressources humaines et promeut la diversité des compétences. Au-delà de la limitation du cumul des mandats électifs à deux, il faudra rendre incompatible la fonction de Président ou de membre de bureau d’une institution de la République avec le mandat de chef de l’exécutif d’une collectivité locale ; celle de Ministre avec le mandat de Maire et de Président de conseil départemental. A ce sujet, notre position rejoint celle déclinée dans le projet de constitution de la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI). En attendant, la révision de la loi organique n°96-11 du 22 mars 1996 relative à la limitation du cumul des mandats électifs et de certaines fonctions s’impose ne serait-ce que relativement à son adaptabilité au code général des collectivités locales eu égard à la suppression de la région et de la commune d’arrondissement. Au cas contraire, l’on ne saurait cumuler le mandat de conseillers municipal de la ville et celui de conseillers de commune en vertu de l’article L.234, alinéa premier du nouveau code électoral qui dispose : « Nul ne peut être membre de plusieurs conseils municipaux ». Dans la même dynamique, l’on attend encore l’adaptation de la loi n°72-02 du 1er février 1972 relative à l’organisation de l’administration territoriale modifiée…
Sénégal, le 25 avril 2016
Ndiaga SYLLA
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