Ces accords qui interviennent après la Convention de Lomé en 1975 et l’Accord de Cotonou passé en 2000 prévoient la suppression progressive des droits de douane sur les produits originaires de l’Union européenne à leur entrée dans les pays signataires.
Les Ape qui consacreront in fine l’ouverture réciproque des marchés aboutiront indéniablement à un simple agrandissement du marché européen. Ce qui se traduira, à terme, par des flux d’exportation de l’Europe vers l’Afrique et de l’Afrique vers l’Europe à travers des Européens d’Afrique qui auront fini de monopoliser les terres et les secteurs porteurs de croissance.
Ils mettront nos peuples dans la dépendance de produits européens face à une concurrence déloyale que nous ne pourrons éviter et qui ruinera inéluctablement nos producteurs. Une dépendance qui sera une arme de pression supplémentaire contre nos Etats.
Ils nous priveront de recettes douanières déterminantes pour les dépenses publiques et le maintien des acquis provenant des efforts de nos gouvernants. Les aides compensatoires de l’Union européenne prévues à l’article 60 des Ape sont dérisoires face aux pertes colossales de nos économies et ne constituent en définitive que de la poudre aux yeux. Certes, il peut y avoir une baisse des prix à travers la multiplication de l’offre et la suppression des droits de douane, mais il y aura un défaut de pouvoir d’achat qui rendra ces prix hors de portée. Des emplois seront perdus et plusieurs familles seront sous le poids de la pauvreté, faute de revenus.
La délocalisation des industries de production de l’Europe vers l’Afrique pouvait aider à combler un gap, mais elle n’est pas d’actualité pour les Européens qui gèrent des crises cycliques et préfèrent garder ce grenier d’emplois au service de leur propre population. Les préférences commerciales non réciproques accordées à nos pays ont montré une incapacité de nos producteurs à s’imposer sur le marché européen. Plusi—eurs obstacles s’y opposent, notamment les normes européennes qui constituent des barrages camouflés et qui continueront à se dresser avec les Ape. Ces Ape seront également une catastrophe pour le monde entier.
L’appauvrissement de l’Afrique en fera le lit de la rébellion, du terrorisme, de l’émigration clandestine et de toute autre activité pouvant permettre d’exprimer une frustration ou de développer un réflexe de survie.
L’Afrique qui se présente comme l’avenir d’un monde aux multiples chamboulements ne sera en définitive que le nid des bombes à retardement et des conflits qui justifieront une ingérence impérialiste, prétexte d’un pillage organisé. L’Europe doit changer de stratégie. Sa logique d’exploitation des peuples dits faibles n’est plus adaptée à un contexte mondial complexe. Les prémices d’un effet boomerang irréversible ne semblent pas arrêter un appétit insatiable. L’Afrique doit se réveiller. Certains de ses chefs d’Etat doivent arrêter d’être les agents commerciaux de l’Europe. Ils doivent créer les conditions d’un dialogue intra-africain et encourager la dynamique de création d’une zone de libre échange intercontinental.
L’Afrique doit d’abord compter sur ses propres potentialités pour pouvoir s’ouvrir au monde, la dignité en bandoulière. Le Peuple africain est interpellé face à l’insouciance de certains dirigeants obnubilés par des stratégies de maintien au pouvoir sans relation avec les intérêts de leur Peuple. Les enjeux sont énormes et méritent qu’on s’y attarde. Vive un monde d’équité et de partage des richesses au profit des populations dans leur diversité identitaire et culturelle ! Non aux Ape
Thierno BOCOUM
Député à l’assemblée nationale sénégalaise
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