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Dialogue Politique : Idrissa Seck Montre Le Chemin Et Mimi Touré Le Suit

Dialogue Politique : Idrissa Seck Montre Le Chemin Et Mimi Touré Le Suit

Que l’on soit avec ou contre lui, on ne peut nier une chose à Idrissa Seck sa capacité de fixer l’agenda politique, de lui imprimer le rythme qu’il veut, en entrainant dans son sillage une vague de réactions à ses sorties ou à ses propositions. L’autre aspect qui semble être collé à l’ancien premier ministre, c’est aussi sa capacité de proposition. Dans un champ politique sénégalais où règne le mimétisme, avec les mêmes idées et formules rabâchées par ci et par là, sans aucune profondeur, Idrissa Seck amène souvent la formulation la plus aboutie et la plus construite de celles-ci. Dans le cadre du dialogue politique dont beaucoup parlent sans lui donner un contenu réel, ou y apporter des propositions, Idrissa Seck a là aussi pris les devants en proposant le CSR.

Loin d’en démonter la non pertinence, la sortie de l’ancien premier ministre Aminata Touré est en réalité la meilleure preuve de l’efficacité de sa démarche. En effet, en se prononçant sur la proposition de Idrissa Seck, même si elle critique maladroitement le contenu, Mme Touré initie en réalité ce qu’est le dialogue politique. C’est-à-dire un échange d’idées sur des questions structurantes et vitales pour le pays.

Il est vrai qu’en termes de besoins institutionnels, le Sénégal n’est nullement comparable avec certains pays africains qui sont encore en matière de démocratisation dans l’étape qu’on appelle la libéralisation, ou dans celle de la transition. D’autre part, la nature “pacifiée” de notre espace politique et de notre société ne s’accommode guère d’institutions de transition. Cependant, faire cette critique au texte de Idrissa Seck équivaut à lui intenter un procès en sorcellerie ou à lui faire dire ce qu’il ne dit pas.

Les propositions de Idrissa Seck relèvent beaucoup plus de la consolidation que de la transition en ce sens qu’elles ne remettent pas en cause la légitimité des institutions existantes, mais veut leur assigner un caractère plus inclusif, plus dépersonnalisé donc plus efficace. Or, si l’on accepte que la démocratie sénégalaise est dans l’étape de la consolidation, on reconnait, par là même, qu’elle fait face aux deux principaux défis de la démocratisation dans cette phase, à savoir la dépersonnalisation des institutions, et le caractère inclusif qui peut leur garantir l’efficacité.

Le présidentialisme sénégalais reste encore figé dans sa phase senghorienne, marquée par une forte centralisation, ou une hypertrophie, pour reprendre l’expression de Abdou Latif Coulibaly. Celle-ci répondait au besoin pour Senghor de reprendre l’initiative de l’action publique face à un Mamadou Dia qu’il percevait comme menace. Le Sénégal d’aujourd’hui en termes de menaces géopolitiques et de défis économiques n’est plus celui de Senghor. Ses besoins en termes de gouvernance ne s’accommodent plus d’un système qui fait du président le « cerveau central » d’où doivent partir les idées et les actions permettant de faire face à des menaces plus complexes et plus nombreuses. L’avantage du CSR, c’est de mettre la présidence au milieu d’un système où, en tant que centre décisionnel, elle bénéfice des influx d’expertises et de perspectives variées qui convergent vers elles, pour garantir son efficacité.

D’autre part, l’on ne peut nier que notre démocratie a d’importants efforts à faire, pour sa consolidation, sur le plan de la dépersonnalisation des institutions. Le jeu politique est vampirisé par l’appareil du pouvoir qui en fait une sorte de monopole, permettant faiblement l’expression de la divergence et de la pluralité. Le choix des couleurs lors du dernier référendum en est un exemple, de prime abord anecdotique, mais en réalité symptomatique. Le jeu institutionnel est orienté vers les besoins contingents du pouvoir. Il est soumis aux circonstances changeantes de la volonté du président d’isoler ou de contenir tel ou tel candidat, de déstabiliser tel ou tel groupe politique, dans une logique de conservation de son pouvoir. Dans un tel contexte, réfléchir sur la manière d’institutionnaliser le dialogue politique me parait plus que pertinent. Il s’agit d’eviter qu’il ne soit mis au service d’un agenda politicien, ou qu’il ne soit dévoyé, en en faisant un simple exercice d’ouverture des vannes pour aspirer certains opposants affamés ou désargentés.

Encore une fois, Idrissa Seck semble avoir montré le chemin.

 

Badara SAMB

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