Il y a quelques jours Idrissa Seck, fidèle à son rôle d’homme politique et de citoyen lançait une contribution personnelle au débat politique en proposant La mise sur pied d’un conseil suprême de la république (CSR) au Sénégal. Cette proposition aura eu le mérite de soulever le débat en suscitant des réactions diverses même si celles-ci ne furent pas toujours à la hauteur de l’enjeu que l’on devrait en attendre.
En résumé, il s’agit de créer d’une institution nationale permanente, inclusive et pluridisciplinaire regroupant toutes les forces vives de la nation, chargée d’aider le président de la République dans la formulation de la politique nationale notamment en identifiant les priorités nationales et en hiérarchisant les intérêts nationaux suivant une classification qu’elle aura établie au préalable. M. Seck complète sa proposition en fixant les missions de ce Conseil et en en donnant la composition.
Sa proposition loin d’être exhaustive, jette les bases d’une réflexion qui, nous le croyons, mérite évidemment d’être débattue, sondée, retournée, réappropriée et enfin complétée pour l’intérêt suprême du Sénégal.
La mise sur pied d’un Conseil Suprême de la République recèle de nombreux avantages. Tout d’abord, l’auteur l’explique lui-même, cet organe aura pour mission de rendre plus lisible pour l’exécutif des enjeux et situations nationaux et internationaux rendus de plus en plus complexes par le contexte de mondialisation actuel en utilisant la diversité des talents et des expériences que compte ce pays et non plus seulement les acteurs de l’appareil d’État : pouvoir, opposition, syndicats, secteur privé, milieux académiques, société civile dont les organisations de droits de l’homme, presse.
De même, nous le pensons, le CSR aidera, par son caractère inclusif et pérenne à la consolidation de la démocratie sénégalaise en dépersonnalisant les institutions, en baissant la pression autour du chef de l’État et en dépassionnant le débat sur la question essentielle des intérêts nationaux puisque ceux-ci seront clairement identifiés et hiérarchisés dans une liste que tous auront contribué à établir. De même, un tel organe aura pour fonction de mettre fin à la centralisation étatique héritée à la fois du senghorisme et du jacobinisme français qui aboutit au Sénégal à une forme de monarchie républicaine sénégalaise où le Président réfléchit souvent seul et se trompe, hélas, seul la plupart du temps. Ces conseillers servant malheureusement de decorum. Dans les grandes démocraties, où l’on sait regarder au-delà des résultats électoraux et du poids arithmétique des uns et des autres, toutes les voix comptent. Plus les enjeux sont importants, plus la notion de consensus et d’horizontalité du processus de formulation de la politique nationale qu’apportera le C.S.R, est importante.
Le Conseil Suprême de la République n’est pas une obsession personnelle de M » Seck envers les États-Unis, ni une institution de transition pour pays entrant en démocratie, ni un organe de plus, qui soi-disant, serait coûteux, conflictuel et dicterait des ordres au Président de la République et encore moins une institution pour État à modèle fédéral. Il s’inscrit dans un caractère collégial de l’exercice du pouvoir propre au pouvoir dans les anciens royaumes du Sénégal, des origines au XVIIIe siècle. Ce système qui dénote un caractère collégial de l’exercice de la souveraineté et de la maîtrise de l’appareil d’État a prédominé. Les tâches qui incombaient aux autorités se rapportaient principalement à l’administration de l’État et aux services de gestion(…). L’administration de l’État était très décentralisée. Au demeurant, l’avènement d’un régime monarchique centralisateur, autoritaire et répressif opéra négativement sur la garantie des droits dans cette société politique africaine. Du pouvoir dans les anciens royaumes wolof du Sénégal, des origines au XVIIIe siècle, Intervention de Mamadou BADJI au colloque IRG/ARGA de Bamako (Mali), janvier 2007
Le Conseil Suprême de la République, loin d’être un organe étranger à notre histoire, apporterait de l’efficacité et de la solidité à nos institutions et permettrait de mettre en place d’ambitieux plans économiques à long terme consensuels et indépendants du sort des présidents.
“Le plus difficile dans l’art du dialogue, ce n’est pas de parler, c’est d’apprendre à écouter” (Jean-Marie Petitclerc)
À l’heure où le camp présidentiel appelle à un dialogue, il devrait commencer par écouter la voix du sage Pythagore car “qui parle sème mais qui écoute récolte”.
El Hadji Malick BADJI
Secrétaire général du RDR (Sénégal)