Contre la suppression d’Espace Livre
Le livre est un moyen sûr d’acquérir des informations et du savoir, de cheminer et de dialoguer avec un auteur, d’enrichir son vocabulaire et même, dans un certain sens, de lutter contre la violence. L’on remarquera du reste à ce propos que les êtres les plus riches en mots sont presque toujours les plus enclins à la conciliation. Une autre vertu de la lecture, c’est qu’elle nous rend plus patients et déterminés à aller jusqu’au bout. Tout le monde sait également que les plus grands orateurs sont aussi les plus grands lecteurs, leur verbe s’étant abreuvé à toutes les sources de la connaissance humaine.
C’est tout cela que Raphaël Ndiaye nous offrait à travers Espace livre, émission dominicale de RSI, 92.5 FM, qui vient d’être supprimée des ondes de Radio Sénégal Internationale pour » manque de fonds » !!!
Est-ce à dire que la Direction Générale de la RTS payait à l’animateur un cachet exorbitant ? Ou faut-il comprendre que son émission n’était pas rentable ? Si sa brutale suppression est réellement due à un problème de fonds, pourquoi n’en avoir pas discuté avec lui, pour essayer de trouver des solutions ?
Ancien directeur des Archives culturelles du Sénégal et de la Lecture publique au ministère de la Culture, conservateur des bibliothèques, ethnolinguiste, poète et musicien, Raphaël Ndiaye a été producteur et animateur extérieur de l’émission La Tradition orale, d’hier à demain à la Chaîne internationale de Radio Sénégal, de décembre 1976 à décembre 1980.
Il a lancé l’émission Espace Livre en en définissant le concept, après avoir consulté les acteurs de la chaîne du livre. Il a ensuite fait appel à Racine Senghor qui a animé l’émission avec lui d’octobre 1987 à novembre 1997 avant de se retirer car ayant été nommé Directeur des collèges et lycées du Sénégal. Malgré ce départ, Raphaël Ndiaye en a poursuivi avec régularité la production et la diffusion jusqu’en mars dernier, avant de s’entendre signifier- par un simple appel téléphonique – que l’émission venait d’être supprimée.
Une émission présentant chaque semaine un nouveau livre au public ne peut être qu’utile, enrichissante et nécessaire à l’animation de notre vie intellectuelle et culturelle.
Lectrice passionnée, je suis opposée à la suppression d’Espace Livre. Elle relève d’un manque de considération pour les auditeurs de la part d’une direction qui n’en mesure pas l’importance pour les auteurs, éditeurs, libraires et bibliothécaires, pour ne citer que ceux-là.
Il est loisible à la RTS de mettre fin à un compagnonnage culturel de 40 ans tout comme elle est libre d’engager un autre animateur qui pourrait en repenser le concept en prenant en compte le contexte actuel du livre électronique et de l’Internet mais il est injuste de supprimer purement et simplement une telle émission.
Il s’agit ici moins d’un procès que d’un plaidoyer pour une meilleure considération du livre et de la lecture par ce média public ou, si on veut, d’un appel pressant à reconsidérer une décision particulièrement inopportune. Que l’on se souvienne donc du côté de la RTS des mots de Nelson Mandela : « Une nation qui lit est une nation qui gagne. » Comment dès lors une nation qui ne lit pas peut-elle seulement oser rêver d’émergence ?
Ndèye Codou FALL