Pour avoir accepté en 2002 d’ouvrir une ligne de crédit de 11 milliards FCFA à la SONES, Abdoul Mbaye, a sauvé le secteur de l’eau, alors que M. Labadens de la SGBS, avait opposé un non catégorique au Sénégal et que la Banque Mondiale exigeait une contrepartie d’autant, pour libérer 100 milliards du programme d’eau à long terme. En rappelant cette posture patriotique de l’ex-DG de la CBAO, devant le Ministre de l’hydraulique et de l’assainissement, lors de revue annuelle conjointe du PEPAM, M. Babacar Dieng ex- DG de la SONES, vient de souligner un haut fait d’armes, que beaucoup des détracteurs de l’actuel Président de l’ACT, ne pourrait revendiquer à leur actif.
Il ne fait aucun doute que le secteur de l’hydraulique urbaine au Sénégal, réalise des performances qui donneraient bien des envies à d’autres. Avec des taux d’accès frisant la couverture universelle à Dakar et dans les régions, il reste, même sans régulation formelle, un des secteurs les mieux organisés de notre pays. Le spectre des pénuries massives d’eau ne plane plus sur la tête des Dakarois, Thiessois, à Saint-Louis comme une épée de Damoclès. Dans des villes importantes, comme Mbour, Tivaouane, Thiès, le service est redevenu certes régulier, grâce à une intervention énergique de la SONES et de la SDE. Mais, les pressions sont souvent faibles ou presque nulles, durant des heures entières de la journée. Idem à Ziguinchor et dans les villes du sud est et ouest, Kédougou, Kolda, Tamba, Sédhiou où des améliorations sont très attendues. L’approvisionnement par puits y est prégnant et la quête de l’eau du robinet de qualité adéquate en quantité suffisante, fort difficile.
Qui plus est, la qualité de l’eau reste un défi entier, malgré des améliorations en constance (Thiadiaye et la zone du bassin arachidier). Bref, en dépit de persistantes difficultés, y a bien des raisons de se réjouir de ces performances payées au prix fort, car les tarifs ont les plus élevés dans la sous-région. Bien entendu, si l’eau est un bien social, elle reste un bien économique avec un coût et un rapport qualité prix exigeant.
Les performances sont donc évidentes et les attentes nombreuses dans un secteur en émergence avant la lettre. Le gouvernement socialiste trouve là un des rares motifs de satisfaction. C’est à lui que revient principalement le mérite d’avoir placé les leviers essentiels de la réussite. La réforme d’avril 1996 est à la base de cette réussite. Alors que d’énormes retards d’investissements étaient accumulés, la Banque mondiale imposa une introduction du secteur privé, la SDE, dans le nouveau dispositif, pour l’exploitation technique, la distribution et la gestion commerciale. La nouvelle SONES s’occupant exclusivement du financement, du contrôle de l’exploitation et de la sensibilisation. Ainsi la Banque Mondiale et un consortium de banques ont pu dégainer un pactole de 100 milliards pour le programme d’urgence. Et le Président Diouf fit entièrement confiance aux cadres de l’ancienne SONEES, pour ficeler cette réforme qui a donné les résultats que l’on connaît. L’apport de M. Diop, ministre des Finances fut déterminant pour cette réussite.
Le PSE mis en œuvre avec succès, n’a pas pour autant permis de rendre le secteur totalement marchand et financièrement autonome, malgré les augmentations contractuelles de 3 % infligées aux consommateurs. Le déficit de 100 000 m3 est largement résorbé, mais des poches de faible pression existaient encore dans les quartiers hauts de Dakar. Le ministre de l’hydraulique et de l’énergie, Abdoulaye Bathily mobilise les équipes de la SONES et de la SDE pour négocier à Washington, un complément de 100 milliards, pour le projet Eau à long terme (PLT). Un grand doute apparaît même dans les rangs de la SDE sur la capacité de la SONES à parvenir à rembourser cette somme, qui s’ajoute aux reliquats de créance du PSE, un lourd service de la dette que la SONES, à l’équilibre fragile, doit acquitter. La Banque mondiale reste plus dubitative encore et exige des garanties sûres. Et clairement, une contrepartie de près 15 milliards au plus et au moins 11 milliards. Sans grand levier la délégation sénégalaise résiste et le ministre Bathily, après quelques échanges téléphoniques avec son homologue du ministère des Finances , accepte la conditionnalité, quitte à se démener comme un diable pour trouver le sésame.
La Banque Mondiale concède et mais reste ferme : sans complément de onze milliards point de financement. La délégation sénégalaise revient de Washington avec un sentiment partagé et surtout une grosse angoisse. Où trouver cet argent, indispensable pour poursuivre le programme d’approvisionnement en eau sans lequel, Dakar prolongerait à nouveau dans la pénurie. Avec l’aide du ministre M. Diop, les banques sont mobilisées, la Société Générale, principale institution, en premier. Mais, désillusion son DG, le redoutable Labadens, reste intraitable : si l’état sénégalais ne lui rembourse pas toutes ses créances (on parlait de 50 milliards au moins), pas le moindre centime de lâché. La SONES fait feu de tout bois et tente de rassembler ses maigres ressources, mais le compte n’y est pas. Pas même d’actifs conséquents pour une garantie, l’usine KMS n’étant pas construite. Mais comment prendre, le risque d’hypothéquer des ouvrages d’alimentation en eau dans une période de pénurie ? un montage fait de bric et de broc est à partir de quelques ouvrages mineurs, servant de garantie pour sauver la mise.
La CBAO et la Citibank sont sollicitées à la suite du refus catégorique de la SGBS. Le pari paraît impossible à réaliser dans un milieu bancaire exigeant où la culture du profit et le refus du risque incertain fondent un raisonnement et un réalisme séculaires. Le Directeur Général de la CBAO, reçoit les dirigeants de la SONES et de la SDE, analyse le dossier et en détecte toutes les aspérités. Devant les maigres ressources du secteur et l’absence presque totale de garantie fiable, il oublie sa logique imparable de banquier et laisse vibrer la fibre patriotique. Avec la Citibank, il dépose onze milliards sur la table après une lettre de conformité qui engage tout de même le gouvernement sénégalais. La SONES dispose désormais d’une couverture de onze milliards pour compenser la contrepartie sénégalaise. La Banque Mondiale est rassurée. Le secteur de l’hydraulique et l’assainissement peut souffler. L’engagement du jeune DG de la CBAO vaut son pesant d’or, car sans lui, la Banque mondiale aurait pu tout simplement passer l’éponge sur 100 milliards nécessaires pour mettre en œuvre le PLT qui coutera en fin de compte 85 milliards.
Forte de cette bouffée d’air, la SONES tire profit d’un taux de change favorable du dollar, des DTS et des économies faites sur les travaux, pour économiser… huit milliards. Ainsi, elle ne retirera que deux milliards et rend grâce à Abdoul Mbaye et la Citibank, d’avoir eu le nez assez creux pour croire en elle. Le PLt en réalisé et d’autres programmes comme le PEPAM (39 milliards) suivront. Les Sénégalais devront une fière chandelle à Abdoul Mbaye, sans l’engagement de qui, une telle prouesse aurait été hypothétique. Quant à Labadens de la SGBS, il sera relégué aux oubliettes avec sa sordide logique de banquier froid et impassible.
Au moment où le Président de l’ACT, fait l’objet d’attaques sordides un rappel de ces faits suffirait-il à calmer ces francs-tireurs. Mais qui d’entre-eux, peut justifier d’un acte de patriotisme ?
Momar Seyni Ndiaye
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