« Les débats politiques se résument trop souvent à des *dialogues de sourds pour pensées muettes *». Frédéric Deville
Le président Macky Sall veut dialoguer avec toutes les forces vives de la nation, y compris l’opposition qui naguère devait subir sa politique. Le temps des affrontements entre chapelles politiques doit céder la place à un dialogue constructif afin de se concentrer sur l’essentiel : le bien être commun. Tel est le vœu de son excellence le président de la République du Sénégal.
Pourquoi lancer maintenant, quatre ans après la deuxième alternance démocratique, un dialogue sur des questions d’intérêt général alors que le pouvoir a ignoré royalement les autres composantes de la société pour asseoir une domination tyrannique ?
Pourquoi convier maintenant les forces vives de la nation à un dialogue alors que le pouvoir n’a pas jugé utile d’associer ces dernières au PSE et au projet de référendum?
Cet appel au dialogue semble traduire le désarroi du camp présidentiel face au refus d’une bonne partie de la population d’adhérer aux politiques mises en œuvre par le gouvernement.
Le président Macky Sall était sûr de son forfait en convoquant le corps électoral pour prendre au dépourvu l’opposition afin d’obtenir un plébiscite. Les résultats du référendum ont refroidi l’ardeur des tenants du pouvoir et ont surtout montré la résistance d’une bonne partie de l’électorat de refuser toutes compromissions sur les vraies réformes consolidantes de l’Etat de droit et de la démocratie.
Le président Macky Sall tente de manipuler l’opinion publique sénégalaise en essayant de tendre un piège aux acteurs politiques.
En république, le dialogue se fait de manière naturelle entre ceux qui gouvernent et ceux qui s’opposent aux politiques du pouvoir en place. Il a lieu le plus souvent lors de débats ou de sessions au sein des institutions. Chaque partie tente de faire prévaloir sa politique et c’est le vote qui départage les protagonistes. Le vote au sein de l’Assemblée nationale ne doit pas être un vote mécanique et partisan. Il doit traduire la volonté populaire des masses défavorisées et l’intérêt général du peuple. C’est ce dialogue là qu’il faut promouvoir et encourager afin que les différents acteurs politiques prennent position en évitant les invectives sur les questions d’actualité et proposent des orientations socio-économiques au peuple sénégalais.
Le dialogue politique n’a pas cessé d’exister. Il peut toutefois prendre différentes modalités. Nous vous demandons de pacifier l’espace politique afin que tous les acteurs puissent faire prévaloir leurs prérogatives constitutionnelles sans chantages et menaces des gouvernants. Pacifier l’espace politique ne veut point signifier que la justice cesse de poursuivre les délinquants à col blanc. Pacifier l’espace politique permet aux citoyens de se prononcer sur les politiques publiques sans aucune crainte de leur part. Faire du Sénégal une démocratie majeure est possible. Elle se traduit par des actes et non par des discours mystifiants.
Le dialogue politique a lieu tous les jours sur les forums du Web et dans les contributions ou prises de position des citoyens parues dans les organes de presse. Ces dernières interpellent directement les autorités ou leurs affidés qui squattent les sites d’information pour abreuver d’insultes les auteurs d’articles.
Le changement brusque de sémantique sur les contours du dialogue illustre une volonté manifeste du chef de l’Etat de tromper le peuple sur ses véritables motivations. Il veut que ce dialogue soit inclusif. On ne parle plus de dialogue politique, mais de dialogue national. Tous les segments « représentatifs » de la nation sont conviés : les syndicats, les politiciens, les acteurs économiques, la société civile et les religieux. Et le peuple dans tout ça ? Chacune de ces parties viendra au banquet présidentiel avec son récital de litanies sectaires. Pour l’essentiel, ils essaient vaille que vaille de défendre leurs intérêts et privilèges indus. Quid des revendications syndicales et des engagements non respectés du gouvernement ?
A titre d’exemple, les autorités religieuses et coutumières ne représentent que les intérêts de leurs communautés. Que vont-elles pouvoir dire au président de la République ? « Votre appel au dialogue est une initiative à saluer. Vous avez beaucoup fait pour le rayonnement des cités religieuses. Nous allons continuer à prier pour vous afin que vous puissiez terminer votre mission. Vous êtes un homme de bien et respectueux patati patatras ». C’est un refrain qui ne cesse de bourdonner dans nos oreilles. Pourquoi, elles ne prennent pas position pour défendre les pauvres citoyens et ne dénoncent pas les exactions dont ils sont victimes ? Pourquoi , elles n’interpellent pas le pouvoir en tant que régulateurs sociaux de cesser de voler nos maigres ressources et de gaspiller l’argent public dans des projets de prestige personnels du chef de l’Etat ? Beaucoup vont sortir de cette foire ravis d’entendre les promesses et de recevoir des pièces sonnantes et trébuchantes de Macky Sall. Les convives de Macky Sall sont entrain de jubiler et s’apprêtent à dérouler un programme allant dans le sens d’un grand rassemblement patriotique pour relever les défis d’une émergence économique.
Ce marché de dupes se fait sur le dos du contribuable. Pendant ce temps des retrouvailles, la majorité des sénégalais n’arrive pas à joindre les deux bouts. Ils ne mangent pas à leurs faims et ont toutes les peines du monde pour offrir à leurs familles une vie digne. Les hôpitaux n’arrivent plus à assumer leur mission de soigner et d’accompagner les malades. Ils franchissent même parfois le rubicon jusqu’à kidnapper un nourrisson pour défaut de paiement d’honoraires. Nos autorités n’ont rien à faire des souffrances du peuple. Elles vont continuer à asseoir leur domination sur une masse affamée et à se partager nos ressources publiques.
Le dialogue national n’a de sens que si et seulement si les politiques acceptent de bâtir la nation sénégalaise sur des vraies valeurs de partage, d’équité , de respect scrupuleux du bien public, de patriotisme économique , d’altruisme, de justice distributive profitable aux plus pauvres, d’égalité des citoyens devant la loi et une justice indépendante. Le peuple n’a rien à gagner sur d’éventuelles retrouvailles de la famille libérale ou sur une large coalition de partis pour gouverner le pays. Les priorités de la multitude sont ailleurs. Nous voulons des conditions de vie acceptables, se nourrir en ayant accès aux denrées de première nécessité , pouvoir se soigner et offrir à nos enfants un enseignement de qualité. Nous ne vous demandons pas l’impossible. Nous souffrons que l’élite s’accapare de la quasi-totalité de nos ressources et pendant ce temps, nous vivons le martyr.
Pour que ce dialogue national ait un sens pour nous autres, les affamés, les malades, les exploités du système capitaliste et du système aristocratique des marabouts, nous vous demandons de renoncer à vos privilèges , de remettre à la nation ses milliers d’hectares spoliés au vu et au su des autorités gouvernementales et de mettre un terme sur les fonds politiques, un véritable instrument de corruption et de détournement de deniers publics. Nous vous demandons d’établir une justice libre et indépendante, qui n’honore pas seulement les riches et humilie quotidiennement les pauvres. Tous les sénégalais ont droit à un traitement équitable devant dame justice. Nous avons assez de vos combines et des détournements de deniers publics. Les affairistes qui gravitent comme des abeilles autour du pouvoir nous dépouillent impunément de nos ressources et trouvent parfois refuge dans certains cercles maraboutiques . Pendant ce temps là, le pouvoir judiciaire est muet et a peur de sévir pour ne pas fâcher le pouvoir exécutif. Combien de délinquants à col blanc ou en turbans bénéficient d’une liberté offerte gracieuse par les autorités alors qu’ils sont pires et demeurent un grave danger public que beaucoup de détenus des prisons sénégalaises.
Ce dialogue national sera une occasion pour beaucoup de nos acteurs politiques de fumer le calumet de la paix, de rentrer dans les grâces présidentielles, de continuer à bénéficier du système prédateur et de se faire entretenir comme des dames de compagnie. Nous avons pas besoin de ce semblant de dialogue. Nous vous demandons seulement de veiller aux intérêts supérieurs de la nation et de subvenir aux besoins fondamentaux des populations précarisées.
Les acteurs politiques qui refuseront de participer à ce simulacre de concertation nationale doivent être encouragés de continuer le combat pour la mise en œuvre de vraies réformes consolidantes de l’Etat de droit et de la démocratie. Nous devons être vigilants afin de dénoncer les tractations politico- maraboutiques et affairistes qui maintiennent le Sénégal dans la corruption, l’impunité, les malversations et détournements de deniers publics, la pauvreté et le dénuement total des masses urbaines et rurales. Tous ces initiateurs de dialogue sont de véritables sangsues qui affament peuple et roulent sur de l’or indûment acquis alors qu’ils n’apportent aucune valeur ajoutée à la richesse socio-économique du Sénégal.
Massamba Ndiaye
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