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La Terre Et L’argent En Milieu Lébou : Leçons De L’expérience De L’apecsy

La Terre Et L’argent En Milieu Lébou : Leçons De L’expérience De L’apecsy

Un des sujets favoris des médiats de nos jours, est la question foncière dans la région de Dakar. Il est ainsi fréquent de voir sur les plateaux de télévisions des protagonistes de tout bord, y compris des soi-disant autorités coutumières lébous, s’affronter sur le bien-fondé de revendications pour la restitution de Terres de l’enceinte de l’Aéroport. C’est le cas dans l’une des émissions de la TFM « Jakaarlo Bi », où il était question d’un conflit entre des populations du village de Ouakam et un Promoteur Immobilier, à propos de titres fonciers.

Je voudrais saisir cette occasion pour entamer une réflexion sur les questions délicates de la Terre, et de l’argent en milieu lébou, notamment leur impact sur la dégradation profonde des vertus et valeurs morales dans ce milieu. Un effort sera fait pour tirer quelques leçons de l’expérience de l’APECSY dans la manière avec laquelle elle a su manœuvrer pour sécuriser un patrimoine consistant pour Yoff et les Yoffois et, générer des ressources financières substantielles pour assister les populations en détresse, malgré les attaques incessantes dont elle a fait et continue de faire l’objet.

Je mets ici la question foncière en contexte, en s’appuyant sur des publications en la matière avant de mettre en relief l’expérience de l’APECSY.

Il est clairement établit que « depuis l’arrivée des colonisateurs sur la Presqu’île du Cap-Vert, les Lébous se sont attachés aux terres de leurs ancêtres « comme à la prunelle de leurs yeux » (Le Soleil, 20 novembre 2001) et se sont donc opposés au droit moderne. Ceci s’inscrit dans une forte volonté de préserver leur propre culture et de rester différents des  étrangers. Ils  se  sentent, encore aujourd’hui, les véritables propriétaires fonciers de la presqu’île« .

Qu’est-ce qui a favorisé certains lébous à devenir des spéculateurs fonciers ?

 Il semble qu’une « loi de 1987 autorise la vente des terrains du domaine privé de l’Etat réservés à l’habitation dans les zones urbaines » celle-ci a permis l’émergence d’un marché foncier formel qui aurait contribué à la marchandisation de la terre. Cette loi aurait entraîné une concurrence plus forte pour les rares terrains disponibles dans l’agglomération. Désormais soumis aux forces du marché, ils sont encore moins à la portée des économiquement faibles, qui sont obligés de chercher un terrain abordable issu de la filière néo-coutumière. Il existe maintenant sur une échelle relativement étendue, ce que l’auteur de l’étude citée plus haut appelle « une filière néo-coutumière » dans les villages traditionnels comme Yoff qui « intègre tous les acteurs et toutes les pratiques qui se revendiquent directement ou indirectement de la coutume foncière originelle. ».

A Yoff cette filière néo-coutumière a commencé à se mettre en place à la fin des années 1970, avec le premier lotissement de Tonghor, et s’est poursuivie en s’intensifiant durant les démolitions des constructions de Grand Yoff. C’était l’époque de la fameuse agence immobilière appelée les « Merveilles Maritimes ». Le phénomène s’est accentué  avec l’avènement du régime de Me Abdoulaye Wade. La plupart des ventes de terrain opérées à travers ladite filière concernent des terrains non immatriculés, mais dans une moindre mesure aussi, le domaine de l’Etat ainsi que des titres fonciers privés.

La transformation des spéculateurs fonciers en « borom ndombu Tanka » à Yoff

Le point de départ de l’explosion de cette filière néo coutumière à Yoff peut être reliée indirectement à l’Intronisation de Mbaye Nguirane Mbengue comme 37ème  Diaraaf du village de Yoff le mercredi 6 juillet 2005  « sous le nom de Malibère III », La cérémonie officielle de cette intronisation fut ostensiblement parrainée par le pouvoir en place à l’époque, le PDS.

Quel était l’enjeu ? De la bouche de Babacar Mbaye Nguirane Mbengue lui-même : «…Nous œuvrons pour une mairie bleue à Yoff…. Le Président Abdou Diouf avait exproprié 50 ha pour les populations, nous attendons plus de Me Abdoulaye Wade qui est notre leader. Un leader au charisme mystique et dont la dimension dépasse de très loin ses adversaires».

Le ton était donné par ce nouveau Diaraf qui sollicitait implicitement de son leader politique de l’époque plus que les « 50 hectares que son prédécesseur avait octroyé a Yoff.

La destitution formelle du Diaraf Mbaye Nguirane Mbengue et la prolifération des « Borom Ndombu Tanka

L’agenda et le militantisme politique de Mbaye Nguirane clairement exprimés, l’avaient conduit à des prises de positions jurant d’avec la direction des interventions du Conseil des Notables pour la défense des intérêts de Yoff.  C’est ainsi qu’il se désolidarisa des actions entreprises par le Conseil des Notables pour i) s’opposer à une  mesure des pouvoirs publics pour faire reculer le mur de clôture de l’Aéroport sur Yoff et ii) l’exigence d’une restitution des terres de la Foire (le Centre International de Commerce d’Echanges du Sénégal : CICES) à leurs propriétaires d’origine, une fois la clause d’utilité publique levée. Il refusa de signer les lettres élaborées dans ce sens.

Ces comportements d’un Diaraf de Yoff nouvellement intronisé (6 mois), n’augurait pas un avenir radieux pour Yoff. La conséquence immédiate qu’en avait tiré le Conseil des Notables, fut une « destitution » du fautif sous la forme d’une résolution écrite, inédite, qui mit fin à la confiance que cette instance avait placée en Babacar Mbaye Nguirane.

Devant cette mesure sans appel du Conseil des Notables de Yoff, les partisans du Diaraf « déchus » s’organisèrent en une coalition d’intérêts composée de i) Jeunes spéculateurs fonciers actifs dans le lieu-dit la « Bande Verte » et ailleurs, organisés sous le label de « Gawargui » ;  ii) D’anciens notables, des Diamburs de la « Classe 1933-1940 » qui avaient essayé, pendant qu’ils étaient Frey Yoff, de retirer à l’APECSY la gestion de l’extension du village à leur profit ; iii) Un ancien Vice-Président de l’APECSY, fort mécontent de son exclusion du bureau de cette association, Elhadji Malick Ndoye dit Mame Maodo justement pour des raisons liées à la spéculation foncière.

Ce groupe multicolore, dans sa composition et essentiellement de spéculateurs fonciers de la filière néo-coutumière, s’est constitué en une structure, appelée le « Haut Conseil des Notables ». L’Etat, par le canal du Gouverneur de la Région de Dakar, leur délivra un récépissé de déclaration d’association n° 0036/GRD/AA/ASO en date du 14 mars 2007.

Aujourd’hui, quatre (4) sur les cinq (5) Diarafs de Yoff peuvent être classés dans la filière néo-coutumière des spéculateurs fonciers. Il est de même de deux (2) des quatre (4) Ndey Ji rew et trois (3) des quatre (4) saltigués.

Il faut noter que bien avant cette période de la filière néo coutumière, de grands intellectuels de la trempe de Me Abdoulaye THIAW avocat et ancien syndicaliste réputé, s’étaient saisis des problèmes fonciers et domaniaux de la Presqu’ile du Cap Vert sous la forme de Journées d’études comme celle des Jeunes de Yoff sur la question domaniale tenue les 29 et 30  septembre  1979 et de celle du 21 Juin 1981  par l’association des Propriétaires Possesseurs et Détenteurs d’Immeubles (APROPODI) présidée par Me Thiaw.

Serigne Mbaye DIENE

Docteur en Nutrition

Président de l’APECSY

Pdt Commission sociale des Frey Yoff (Clase 1947-1951)

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