Décidément on ne s’ennuie jamais au pays de tous les permis et de tous les forfaits ! Quand ce ne sont pas les robes noires qui menacent de boycotter les audiences parce que l’Etat leur doit de l’argent, ce sont les blouses blanches qui paralysent les hôpitaux pour exiger de l’Etat le respect d’accords financiers. Ajoutez au tableau les enseignants encore plus radicaux que les deux précédents et vous avez une petite idée de la difficulté à gouverner un pays dont la cupidité de l’élite n’a d’égal que son égoïsme.
Remarquez qu’en matière de capacité de nuisance des syndicats, nous avons de qui tenir. Voyez nos ancêtres les Gaulois, tous les moyens sont bons chez eux pour empêcher le libéralisme d’avancer, au point que plus aucun investisseur ne souhaite s’installer dans l’hexagone. Vous me direz, les Français auraient bien des raisons de revendiquer, car ils n’ont pas voté pour la politique libérale qu’on essaie de leur imposer. Alors que nous autres, c’est en connaissance de cause que nous nous sommes engagés à faire les quelques sacrifices nécessaires à une redistribution des richesses et un rééquilibrage des comptes de l’État. Nous avons un régime socio-libéral qui fait comme il peut puisque nous restons un pays pauvre aux finances maigres !
Au sujet de finances publiques d’ailleurs, je ne suis pas la seule à m’être étonnée de l’indemnisation record de 12 milliards de francs Cfa, consentie dans l’affaire dite Bictogo, du nom du patron de la société Snedai.
Vous avez observé au passage que lorsque l’on parle dans la presse de notre monnaie nationale, on la dévalue systématiquement en parlant de 12 milliards de nos pauvres francs. Symptomatique non ? Allez savoir si le mal sénégalais ne commence pas ici, dans le non respect et l’auto dévaluation de soi ! Mais ça c’est un autre débat !
12 milliards de nos francs Cfa donc, ça fait quand même la rondelette somme de 18 millions d’euros. En fait, selon le porte-parole du gouvernement, Monsieur Seydou Guèye, il s’agirait même de 13 milliards de nos francs qui sont tombés dans l’escarcelle de l’entreprise Snedai.
Devant l’émotion suscitée par cette affaire, le gouvernement a été amené à s’expliquer à travers un communiqué censé procurer la bonne information à l’opinion.
Je ne sais pas si vous l’avez lu, mais moi oui. Et franchement devant ces dernières explications claires, qui viennent après celles fumeuses du Ministre de l’Economie et des Finances qui annonce un chiffre différent et surtout a fini de jeter de l’huile sur le feu, nous sommes tous perdus ! Sans blague, pourquoi tout est toujours aussi compliqué de la part du gouvernement quand il est question de nous rassurer ? Lorsque l’on casse un contrat à ses torts, on paie point final et cela nous pouvons l’accepter ! Il s’agit juste de nous démontrer la pertinence du montant !
D’accord, le manque d’informations est à la base de toutes les insinuations et calomnies dans cette affaire, mais assurément et tans pis si je me répète, communiquer est un métier. Alors qu’il suffirait que notre Président daigne s’adresser à nous plus souvent au cours de conférences de presse où il excelle par ailleurs, on nous sert des communiqués verbeux qui mélangent l’insécurité sous-régionale, les djihadistes dans la bande du Sahel, la modernisation de l’administration territoriale, le développement touristique, l’affectation de quote-part des ressources financières, finalement on n’y comprend plus rien !
En fait, qui y a t’il d’anormal à faire évoluer ses choix stratégiques et changer son fusil d’épaule pour mieux viser et atteindre ses objectifs ? Le visa c’était une mauvaise idée dès le début et on l’a dit ici à juste titre !
D’accord, l’État s’est désengagé d’une concession qui aurait pu au final coûter beaucoup plus cher au pays, en s’acquittant d’une facture bien salée, mais rappelons qu’au passage, le pays s’est adapté aux normes de sécurité de son époque et qu’en quelques années les données en matière de sûreté ont bien changé.
Alors pourquoi veut-on chez nous que tout soit scandale et corruption ?
À cause d’une certaine presse à sensation, qui rêve de briser un couple, casser une carrière, défaire une réputation ?
À cause au contraire de nos représentants qui vivent tant dans la crainte de révélations qu’ils en sont anesthésiés ?
À cause des déclarations comme la version des faits de l’ancien Premier ministre qui indique que cette histoire de visas lui a été imposée ?
Mais M. Abdoul Mbaye, avec tout le respect que l’on vous doit, il est normal je crois, quand on a votre fonction, d’exécuter les décisions du chef de l’État ! Vous auriez du démissionner sur cette question là et tous les sénégalais auraient applaudi ! L’on aurait peut-être évité tout ce tralala et une note de 13 milliards de fcfa !
Pour ma part, je ne sais pas si cette affaire Bictogo qui a suscité tant de commentaires est une affaire Bigmagot, mais au moins, en s’acquittant de cette dette contractuelle, l’État aura fait face à ses responsabilités. L’Etat doit désormais être moins impulsif dans ses décisions parce que tout ceci est trop facile. Se faire avancer des centaines de voitures, se faire construire des postes consulaires, se faire équiper et entretenir comme une Geisha par une entreprise privée et se réveiller un jour et tourner casaque ! Cela aurait pu nous couter un divorce à la hollywoodienne !
Qui se souvient de l’affaire Bara Tall ? Combien l’Etat a t’il du débourser pour réparer le préjudice qu’il lui aurait fait subir ? Sans rentrer dans les détails de nos reins éreintés sur cette route Fatick- Kaolack deux fois payée du coup, je pense que l’on ne peut faire deux poids deux mesures !
Monsieur Bictogo, sans le connaitre et ni ne l’avoir jamais vu, demeure un africain, un investisseur, qui a pris un risque, devant le boulevard de nos responsabilités désertées par notre secteur privé national qui ne fait que de la promotion immobilière en général, qui ne génère ni valeur ajoutée, ni richesse, encore moins d’emplois…
Ce Monsieur Bictogo, ne nous en déplaise, s’est engouffré dans cette niche technique, qui demande organisation et méthode et y fait son beurre à travers l’Afrique !
Alors, que 12 ou 13 milliards de nos jolis francs nous émeuvent au point de créer un tollé presque général, je comprends, mais d’autres chiffres me troublent et me révoltent. Le conflit casamançais a causé le déplacement de 24 000 personnes, 14 000 réfugiés, provoquant ainsi la disparition de 77 villages.
1 million de sénégalais ont recours à une eau sale pour se désaltérer. Je pleure aussi les milliers d’hectares de bois de vène pillés dans notre pays depuis la Gambie…
Continuons donc de débiter chacun sa part de vérité dans l’affaire Bictogo et crions tous au scandale, en attendant que dans notre pays, le désert s’installe tranquillement.
Oumou Wane
Présidente africa7
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