Au cours des décennies précédentes, diverses entreprises de services informatiques sont nées aux Etats-Unis, et la plupart en Californie, dans la Silicon Valley. Je peux citer Cisco, Microsoft, Apple, Google, et plus récemment Facebook ou Whatsapp. En un court laps de temps, ces entreprises sont parvenues à s’étendre dans le monde – Whatsapp compte aujourd’hui plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde[i], Facebook 1,6 milliard [ii]. Se développer aussi vite requiert des capitaux importants que la plupart des banques, frileuses face au risque, ne fournissent pas. Si ces entreprises y sont parvenues, c’est à travers un autre type de financement que je qualifierai d’hétérodoxe.
La frilosité des banques est encore plus marquée au Sénégal ; les banques n’acceptant les demandes de crédit que d’une manière parcimonieuse. Si je demandais aux entrepreneurs ou dirigeants de Pme, quel est le principal obstacle auquel vous faites face pour développer votre entreprise, sûrement ils citeraient la difficulté à trouver des financements. Si la Silicon Valley parvient à toujours créer des entreprises aussi novatrices, c’est grâce à sa communauté florissante de financiers alternatifs qui accepte de financer des projets aussi risqués, mais avec une rentabilité potentielle très élevée. Et le problème du Sénégal est la faiblesse de ce type de financement, voire leur inexistence.
Apports d’entreprises déjà établies
Au cours des premières années de son existence, Facebook a été accompagnée par diverses entreprises informatiques, dont Microsoft. Celle-ci avait acquis 1,6 % des actions Facebook pour 240 millions de dollars [iii]. C’est par ce type de financement que Facebook a pu se développer, jusqu’à son introduction en Bourse qui lui rapporta 16 milliards de dollars. Plus tard, Facebook participa à la croissance de Whatsapp en l’acquérant pour 19 milliards de dollars. Jusqu’en février 2016, les appels sur Whatsapp n’étaient gratuits que la première année, ensuite l’utilisateur devait s’acquitter de 0,99 dollars chaque année pour profiter des appels. Cela n’a plus cours, Whatsapp ayant changé de modèle économique : les appels y sont gratuits à vie dorénavant. Aujourd’hui, Whatsapp compte plus d’un milliard d’utilisateurs, soit le double depuis son acquisition par Facebook (voir la note de page numéro 1.)
Business-Angel et capital-risque
A côté de ces financements B2B par rachat ou prise de participation, les entreprises de la Silicon Valley ont été accompagnées par les business-angels ou des investisseurs du capital-risque. Un business-angel est une personnalité ayant déjà réussi dans les affaires, il se propose d’accompagner de nouveaux entrepreneurs prometteurs en leur fournissant conseils et financements. Au Sénégal, je peux citer pêle-mêle Youssou Ndour, Cheikh Amar, Yérim Sow … qui peuvent jouer ce rôle. Imaginons un jeune entrepreneur avec une idée novatrice qu’il expose à l’une de ses personnalités. Si cette dernière se propose de l’accompagner, le projet deviendra plus crédible et ainsi accroîtra les chances qu’il trouve un financement. Quant au capital-risque, il fournit des capitaux à des entreprises à fort potentiel, mais avec un risque élevé. Google ou Skype ont été financées par capital-risque.
Les personnalités sénégalaises ayant réussi dans les affaires doivent jouer le rôle de mentor pour les nouveaux entrepreneurs sénégalais. Elles leur feront profiter de leur expérience, et par leur réseau étendu, les aideront à trouver les ressources-clefs dont ils ont besoin pour mettre en œuvre leurs idées.
Souvent, la difficulté qui se pose aux nouveaux entrepreneurs est l’accompagnement. Entreprendre peut vite virer au découragement si l’entrepreneur n’est pas soutenu et accompagné. Si ces personnalités acceptent de jouer ce rôle, ce problème d’abandon en cours de route se posera moins.
Introduction en Bourse
Mon mémoire portait sur les avantages d’une introduction en Bourse. J’avais choisi la société Total Sénégal, car son introduction en Bourse est récente – 20/mars/2015. En faisant des recherches pour écrire mon mémoire, j’ai découvert que seules trois entreprises sénégalaises sont cotées à la Brvm, un total faible, comparées aux trente sociétés ivoiriennes cotées dans cette même Bourse. Plus haut, j’avais cité l’introduction en Bourse de Facebook au Nasdaq qui lui avait permis de lever 16 milliards de dollars.
S’introduire en Bourse permet de financer sa croissance, et cela sans endettement. Imaginons que Facebook avait émis des obligations in-fine pour lever ces 16 milliards de dollars à un taux de 1% pendant cinq ans. Elle se retrouverait à payer chaque année 1,6 milliard de dollars en charges d’intérêts, ce qui aurait plombé du même montant son compte de résultat.
Les entreprises sénégalaises doivent tirer profit des avantages d’une introduction en Bourse, d’autant plus que la Brvm veut créer un troisième compartiment destiné aux Pme. Elles doivent s’y préparer dès maintenant, notamment en faisant certifier leurs états financiers et en professionnalisant leur gestion.
Dans son livre Finance Internationale, Henri Bourguinat annonce que nous vivons – particulièrement les entreprises – dans l’ère des trois D : désintermédiation, décloisonnement, dérégulation. Une entreprise qui souhaite lever des fonds n’a plus besoin de passer par une banque. Elle dispose de moyens de financement hétérodoxes. C’est ce que doivent comprendre les Pme sénégalaises. Elles doivent agir à leur niveau pour profiter de ces sources de financement en passant de l’informel au formel.
Financement participatif
Ma mère m’avait expliqué un jour qu’auparavant, une famille ou un village entier se cotisaient pour envoyer un des leurs à l’étranger. Si ce dernier réussit, sa réussite appartient à tout le village, à toute la famille. La finance participative fonctionne sur le même principe, avec un groupe de personnes qui financent un entrepreneur. Récemment, pour financer un projet, j’avais fait appel à mes proches et leur avais promis de les rembourser sur les bénéfices. C’est ainsi que j’avais pu obtenir le montant nécessaire pour financer mon projet. Si je m’étais tourné vers une banque, sûrement j’aurais essuyé un refus, car je ne disposais pas des garanties nécessaires.
Aujourd’hui, les banques ne sont plus les seules à pouvoir financer le développement d’un projet ou la croissance d’une entreprise. Pour les entreprises établies, s’introduire en Bourse est une solution, ainsi qu’émettre des obligations. Pour les particuliers, utiliser le financement participatif ou convaincre un business-angel peut permettre de trouver les fonds nécessaires pour démarrer son projet. Ce sont ces financements alternatifs qui ont permis l’essor des sociétés puissantes de la Silicon Valley, plutôt que les prêts des banques. Et au Sénégal, entrepreneurs et Pme doivent le comprendre. Plutôt que de se plaindre des difficultés de financement, il vaudrait mieux se demander s’il n’y a pas d’autres moyens pour financer sa croissance ou son projet, et il en existe avec toutes ses sources de financement hétérodoxes disponibles.
Moussa SYLLA
moussasylla@live.fr
[i]http://www.theverge.com/2016/2/1/10889534/whats-app-1-billion-users-facebook-mark-zuckerberg
[ii]http://techcrunch.com/2016/01/27/facebook-earnings-q4-2015/
[iii]http://www.nbcnews.com/id/21458486/ns/business-us_business/t/microsoft-invests-million-facebook/