L’un des mythes fondateurs de l’abolition de l’esclavage repose sur une vérité et un mensonge. La vérité, c’est que même persécutés, vendus et déportés ou violés, les esclaves ont toujours montré de la résistance face à leurs «maîtres» et «contremaîtres». Le mensonge, c’est qu’après plusieurs siècles de crimes et de privations de liberté des esclaves, le code génétique des esclavagistes aurait été subitement modifié et qu’ils seraient devenus bons.
Aujourd’hui, en se situant dans la logique des événements et par rapport aux questionnements de notre époque, nous pouvons affirmer, sans risque de nous tromper, que l’abolition de cette tragédie odieuse, qui s’est jouée entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique, a toujours eu comme soubassement une rationalité purement économique.
Un examen plus approfondi du contexte d’alors et de ce qui s’est passé aux Etats-Unis dans les années 1830, montre bien que si l’esclavage a été aboli le 27 avril 1848, quelque part, des alternatives beaucoup moins coûteuses étaient à la portée des acteurs qui tiraient profit de la traite des esclaves. Dans un monde globalisé où tout est fait pour consommer et s’épanouir, il est clair que pour se maintenir en vie, un organisme doit tirer plus d’énergie pour sa nourriture qu’il n’en dépense pour la trouver. L’homme a réussi à contourner cette difficulté, par le développement de la machine et l’exploitation de l’énergie extra corporelle. Parmi ces dernières, les plus connues sont le charbon, le gaz naturel et le pétrole que la terre a formés à partir de la matière organique en décomposition, sous l’effet de la pression, de la chaleur et de processus intenses.
En 1830, le colonel Derek fora le premier puits de pétrole à Dallas aux Etats-Unis. Ceci constitua un moment décisif dans l’évolution du système comptable mondial. Une grande partie de ces énergies fossiles a été utilisée par les pays occidentaux ; et c’est sans doute ce qui a été à la base de leur développement et de leur puissance.
L’énergie fossile suscita, dès lors, la convoitise des grandes puissances, qui se détournèrent de leur intérêt envers la force motrice de l’homme noir, qui était jusqu’ici la pièce angulaire de l’économie occidentale. Et pour cause ! Selon Jean-Marc Jancovici, spécialiste des questions d’énergie et du climat, un être humain au travail, après une journée de grosses transpirations, restitue en moyenne 10 à 100 kWh d’énergie mécanique sur une année. Alors que dans un litre de pétrole que consomme une machine, nous avons la performance, en terme de transformation de l’environnement, de 10 à 100 personnes au travail de force sur une journée. Du coup, l’esclave devient peu productif à côté du nouveau et précieux liquide : le pétrole.
En plus de ses contre-performances, l’esclave est, avec la découverte des énergies fossiles, considéré comme un être encombrant, qu’il faut acheter, loger, nourrir et soigner pour le maintenir en force, et surveiller pour l’empêcher de s’enfuir : tant de peine et de charges pour le maître.
Dès lors, il apparaît comme un non-sens économique de continuer le commerce des esclaves quand, à côté, la machine qui travaille 24h/24 fournit le même résultat de transformation de l’environnement et revient entre 10 et 100 fois moins cher en coût marginal que l’esclave.
A partir de ce constat, nous voyons nettement comment l’énergie à profusion a permis non seulement de soulager l’homme, mais aussi d’abolir l’esclavage. Donc, derrière les véritables raisons qui ont poussé les pays occidentaux à abandonner la pratique de l’esclavage, se cache une rationalité économique, même si le journaliste Victor Schœlcher de par ses écrits et ses prises de position, a longtemps agi en faveur de l’abolition définitive de ce dernier en France. Une abolition qui fut finalement signée par le gouvernement provisoire de la 2ème République via le décret d’abolition du 27 avril 1848.
Définie comme l’unité de compte de la transformation du monde qui nous entoure, l’énergie intervient dans la modification d’une température, d’une vitesse, d’une forme ou d’une composition chimique. Actuellement, la quantité d’énergie mécanique fournie par les énergies fossiles est de l’ordre de 20 000 kwh/pers/ an dans le monde.
La majeure partie da la quantité des énergies fossiles qui reste dans le monde est enfouie dans des gîtes et autres réservoirs de matières premières appartenant à des pays sous-développés. Malheureusement, certains dirigeants de ces pays sous-développés continuent de subir le diktat de puissantes organisations, tapies derrière des multinationales occidentales qui deviennent de plus en plus riches grâce à l’argent de ces énergies fossiles. D’autres sont manipulés ou renversés à cause de ces énergies fossiles.
Dans ce contexte où les aspirations de progrès rejoignent les préoccupations d’exploitation de leurs propres ressources naturelles, les populations locales de ces pays sous-développés ne tirent pas partie des richesses de leur terre natale, dans la mesure où la nature ne le permet ni moralement ni matériellement. Contrairement aux thèses abolitionnistes qui nous étaient toujours servies à l’école primaire (les esclavagistes subitement devenus bons) et qui ont en partie laissé une encre indélébile dans notre mémoire de jeunes Africains, ce crime qui n’a jamais été justifié continue d’affecter encore, non seulement le cœur et l’essence même de notre identité africaine, mais aussi ceux de ces millions de descendants d’esclaves, dont le seul tort était d’être nés sous une même ère, résidant sous une autre aire, respirant le même air que les architectes de la ruine de notre continent, où partout la misère et le désespoir, ont les mêmes effets sur la population.
Au Sénégal, la découverte annoncée du pétrole et du gaz naturel au large de nos côtes suscite déjà des intérêts et aiguise des appétits. L’histoire retiendra que c’est sous le règne du président Macky Sall (s’il est réélu) que le Sénégal a vu sortir de terre ses premiers barils de pétrole (made in Sénégal).
Dès lors, ce sont les actes posés aujourd’hui qui détermineront l’image qu’il laissera à la postérité. Pour ne pas sombrer dans la violence, les rapts et les actes de sabotage comme ceux que se livrent sans merci compagnies pétrolières occidentales et peuple Ogoni dans le Delta du Niger, et compromettre ainsi l’aspiration de notre pays au développement, il faudrait que tous ensemble, nous ayons la mentalité de notre époque en transformant cette poche de soleil que dame nature a bien voulu mettre à notre disposition, en succès commerciaux pour notre pays ou, malheur ! nous subirons toutes les souffrances de notre époque.
Baye Salla MAR
Directeur de Publication du Magazine «Quoi de Vert ? quoidevert@gmail.com