La population du Sénégal, comme celle de beaucoup de pays africains, est caractérisée par sa jeunesse : les moins de 20 ans représentent 52,7% de celle-ci et l’âge médian y est de 18 ans.
En termes d’instruction, le niveau de la population est encore très faible : 82,6% des personnes âgées de plus de 3ans ou plu n’ont pas dépassé le niveau élémentaire, le taux d’analphabétisme est à 54,6% et seul 3% de cette population est diplômé du supérieur.
Il est évident que sortir le Sénégal de cet état d’ignorance fait parties des défis les plus difficiles à surmonter pour les gouvernants. Compte tenu des contraintes économiques, les ressources nécessaires pour la prise en charge de l’éducation et de la formation sont pour eux très limitées. Ils affirment, pour qui veut les entendre, que le niveau des recettes fiscales, la masse salariale de la fonction publique dominée par le personnel enseignant, ainsi que les critères de convergence économique régionale, laissent peu de marges pour une réduction substantielle de l’ignorance. Autrement dit, le pays est dans une impasse pédagogico-scientifique qui se manifeste par des crises récurrentes dans le secteur de l’éducation et de la formation et dans le discours officiel.
A cet effet, on se demande si l’aveu d’incapacité est soutenable face aux enjeux que représentent l’éducation et la formation. Les contraintes budgétaires constituent-ils des arguments acceptables face aux défis liés au niveau de connaissance des populations ? La logique de dépense devrait-elle l’emporter sur celle d’investissement en ce qui concerne la bonne distribution du savoir? N’existerait-il aucune solution pour éradiquer les abris provisoires, ne pas surcharger les classes et résorber le déficit en amphithéâtres ? Autant de questions qui taraudent l’esprit des observateurs, acteurs et autres parties prenantes.
A) Insuffisance des ressources
Rappelons que la Concertation Nationale sur l’Avenir de l’Enseignement Supérieur (CNAES) était conclue avec soixante-dix-huit recommandations. Plus que toute autre, les deux qui suivent avaient retenu l’attention des acteurs de l’École.
Recommandation 18 : « Augmenter la part des ressources publiques consacrées à l’enseignement supérieur (affectation de 1% supplémentaire de PIB au système éducatif).
Il est précisé que cette augmentation est progressive sur la période 2012 à 2017. Le scénario retenu propose une augmentation de l’ensemble des dépenses consacrées à l’éducation de 6% à 7% du PIB entre 2012 et 2017 »
Recommandation 33: « Augmenter le budget de l’État consacré à la recherche pour le faire passer progressivement à 1% du PIB et ainsi se conformer aux engagements communautaires »
Au sortir de la CNAES, cinquante-cinq(55) enseignants du Supérieur avaient signé une lettre contenant le passage suivant : « Monsieur le Président, c’est un leurre de faire croire qu’une part de la richesse nationale plafonnée à 7% peut sortir notre pays, qui est à 6,43%, du cycle de la crise. Comme il est cynique d’avancer, pour préconiser le remplacement du réel par le virtuel, qu’il est impossible de corréler la croissance infrastructurelle physique avec celle de la demande d’accès au supérieur.
Monsieur le Président, il faut plus de ressources que ne le préconise la CN(A)ES. En effet, sans assez de moyens pour résorber le gap infrastructurel, rééquilibrer les budgets de fonctionnement et répondre physiquement à la demande d’accès, la situation actuelle, au meilleur des cas, persistera. Aucun des résultats escomptés ne sera atteint. Pire, l’augmentation très rapide des bacheliers (14,04% par an), l’allongement des durées d’études (LMD oblige) et la faible efficacité pédagogique interne, exposeront notre pays à des soubresauts sociaux incontrôlables. »
Comble de malheur, on n’arrive même pas à réaliser ces recommandations qui étaient considérées comme loin d’être satisfaisantes. Les dépenses du secteur de l’éducation et de la formation, tournant autour de 6,44% du PIB, sont loin d’atteindre les 7% comme préconisé. Si on ajoute à cela la part qui devrait être allouée à la recherche (1% ) est complètement oubliée alors que la croissance économique a atteint 6,5%. Ce qui montre que l’ambition de nos autorités politiques pour booster le secteur scientifique n’est pas à la hauteur des défis à relever.
Par ailleurs, il faut noter que notre pays n’est pas le seul à traverser les difficultés scolaires et universitaires. Pour faire face à une situation similaire, le Président Kenyan sortant, Mwai Kibaki, a décidé d’ouvrir quinze (15) universités, celui de la Zambie sept (7) d’un coup. Le Brésil, pays qui nous inspire tant, a d’adhéré à la requête des partenaires sociaux pour investir 10% de son PIB dans le secteur éducatif, le Ghana l’imite en y mettant 8,5% là où le pays champion Cuba, réserve 13% de sa richesse pour l’Éducation. Dans l’OCDE, la norme est de 5% du PIB pour l’enseignement supérieur et la recherche là où nous sommes à 1,44%. Il est vrai que dans ces derniers pays le secteur privé participe bien au financement du système éducatif. Mais celui-ci n’est pas plus patriote que le nôtre qui, nous sommes sûrs, est prêt à appuyer l’Etat pour la mise en place d’un système d’innovation profitable à tous. Tout près de nous, au Maroc, 0,25% du chiffre d’affaires des opérateurs de réseaux publics de télécommunications est accordé à la recherche. C’est cela aussi le patriotisme économique !
B) Solution préconisée
Le groupe de recherche Baajoorɗo, en collaboration avec le Syndicat Autonome de l’Enseignement Supérieur (SAES), a organisé le mercredi 4 mai, à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, une table ronde sur Le financement du secteur de l’éducation et de la formation.
Celle-ci avait pour but de réfléchir et d’échanger sur la crise réelle de l’École sénégalaise et d’aller au-delà de ses manifestations que constituent les grèves.
A l’issue de cette rencontre, le groupe de recherche a bien analysé les difficultés relatives à la jeunesse de la population du Sénégal, à la faiblesse du niveau d’instruction de sa population, à la croissance très rapide de la demande d’accès à l’éducation et à la formation, au déficit élevé en salles de classe, en amphithéâtres et enseignants, aux contraintes budgétaires et économiques sans cesse évoquées par les autorités politiques en ce qui concerne le financement du système d’éducation et de formation. Mais compte tenu de l’impérieuse nécessité de généraliser l’accès à l’éducation, de hisser le niveau d’instruction de la majorité de la population au baccalauréat et de bien augmenter la proportion des diplômés du supérieur, le groupe Baajoorɗo, a proposé un programme d’urgence pour éradiquer les abris provisoire, lutter contre le vagabondage des enfants, résorber le gap infrastructurel au niveau supérieur, réduire le déficit en enseignants, afin de mettre tous les jeunes du Sénégal dans les meilleures conditions d’apprentissage et de formation d’ici octobre 2020.
Pour financer ce programme, on peut bel et bien solliciter des travailleurs et des entreprises une Contribution pour l’Amélioration des Conditions d’Apprentissage et de Formation (CACAF). Le fonds d’appui créé à cette fin sera, entre autres, alimenté par 1,00% de chaque salaire plus 0,25% du chiffre d’affaires de chaque entreprise. Le gouvernement, en plus des ressources budgétaires, œuvrera ainsi pour mobiliser l’équivalent de 10% du PIB nécessaire pour aligner l’offre à la demande de l’éducation et de la formation.
En effet, sans ressource suffisante, l’École sénégalaise ne sortira jamais du cycle de crises qui la paralysent depuis deux décennies et ne pourra fournir au pays les ressources humaines nécessaires pour sa compétitivité et son développement harmonieux.
Enfin, le groupe Baajoorɗo estime que l’effort de toute la Nation est indispensable pour que l’École sénégalaise retrouve son lustre d’antan et que la Lumière soit la voie de tous !
Mamadou Youry SALL
Coordonnateur du groupe de recherche Baajoordo
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