Même si les sénégalais de l’extérieur jouissent dans une certaine mesure de leur citoyenneté en exerçant leur droit de vote et en bénéficiant jusqu’à maintenant d’une représentation à l’Assemblée Nationale grâce à un député nommé par le Président de la République, leur exclusion du dialogue national pose la question de l’effectivité du lien entre le Sénégal et sa diaspora.
Au plan politico-juridique, si le Sénégal a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples le 27 juin 1981 à Nairobi lors de la 18 conférence de l’Organisation de l’Unité Africaine dont l’article 13 alinéa 1er du texte dispose: “Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par loi”, alors cet ostracisme envers la diaspora ne peut se justifier.
Une telle attitude est d’autant plus paradoxale qu’elle ne reflète pas d’une part, l’idée proposée par le Sénégal de faire de la Diaspora la sixième région de l’Union africaine et d’autre part, ne corrobore pas la déclaration de son Président de Commission qui, au cours d’une conférence de presse à Paris le 27 octobre 2005, disait que “ Pour nous, la place de la diaspora est fondamentale. L’Afrique ne peut pas avoir de devenir sans la diaspora qui est aujourd’hui une partie intégrante du continent et qui va au-delà de l’Afrique physique”.
Cette conception novatrice de la Diaspora et cette charte africaine des droits de l’homme et des peuples établissent incontestablement la légitimité politique de la diaspora et dont le gouvernement sénégalais devrait s’inspirer pour décider de sa participation au dialogue national.
Il est tout aussi illusoire d’ignorer son principal bailleur, sa diaspora, lorsque la contribution de celle-ci est plus significative que l’aide publique au développement au moment où le Sénégal est confronté à un déficit de ressources au plan économique.
Ensuite, dans la perspective d’une pleine participation de sa diaspora aux affaires publiques, l’effectivité de ce lien ne doit pas se limiter au quota parlementaire. Elle doit être perçue dans un sens plus large. Par exemple, du point de vue intellectuel, cette masse critique de la diaspora, avec la valeur ajoutée de son capital humain, est une expertise avérée pouvant contribuer à l’approfondissement du débat public.
Cette discrimination à l’égard des sénégalais de l’extérieur est d’autant plus injuste qu’elle freine cet élan patriotique, ce sentiment d’appartenance et cette aspiration au droit à l’existence politique de la diaspora. C’est la raison pour laquelle, la participation des sénégalais de l’extérieur au dialogue politique doit être considérée comme une exigence démocratique. De plus, son implication en tant que ressource peut aider à juguler les contraintes techniques et financières nées de l’application des concepts politiques de budget participatif, de décentralisation et de gouvernance locale qui se fondent sur les principes d’inclusion et de participation de tous les citoyens.
Enfin, pour toutes ces raisons, l’Afrique d’une manière générale et le Sénégal en particulier ne doivent pas tenir la Diaspora à l’écart des processus de prise de décisions politiques comme c’est le cas avec ce début de dialogue national. Et d’ailleurs, on peut se permettre de demander à cet auditoire s’il est normal de dormir à Dakar et de vouloir décider du vécu de ses frères et sœurs qui se réveillent de par le monde.
Mouhamed Mboup
Indianapolis, USA