Le dernier épisode de l’éternelle et lassante confrontation qui a pour théâtre d’opération notre école pourrait s’intituler : Réquisition contre Rétention.
L’Etat menace de saisir les gouverneurs pour réquisitionner les enseignants qui refusent de communiquer les notes des élèves afin d’organiser les conseils de classes. Une nouvelle « guerre scolaire est déclarée au moment où un dialogue national est convoqué par le chef de l’Etat !
Tel un serpent de mer ou une ritournelle, la crise qui secoue notre système éducatif revient chaque année. Hélas, à notre grand regret. C’est à se demander si la grève ne fait pas désormais partie intégrante du programme scolaire et universitaire ? On frôle encore le pire avec des menaces réelles sur la « couleur » de l’année scolaire qui risque d’être « blanche » ou invalide. Disons-le tout net, cette stratégie du bord du précipice, entamée depuis plusieurs années, n’est pas viable. Elle est intenable ! Il est nécessaire de tirer des leçons de l’histoire des grèves pour restaurer la confiance et la stabilité, et chasser de l’espace scolaire cette chienlit.
Nous ne pouvons continuer à jouer dangereusement avec notre école sans y laisser une ardoise sociale, économique et politique qui sera difficile à éponger.
En réalité, le coût de ces grèves interminables constitue un sacré coup à la qualité du produit issu de cette fabrique sociale qu’est l’école. Des centaines de milliards sont dépensés annuellement sans qu’on puisse soutenir un réel retour sur investissement. Le quantum horaire n’est plus respecté depuis belle lurette. On bricole pour finir les programmes.
Il devient absolument impératif, par voie de conséquence, de recentrer nos efforts sur l’essentiel qu’est l’intérêt collectif. Chaque citoyen a le droit de revendiquer des avantages dus pour améliorer ses conditions de vie et de travail. Quoi de plus légitime ? Mais pas à tous les prix ! Les droits vont de pair avec les obligations. Les syndicalistes doivent revoir leur stratégie de lutte en faisant preuve de plus de créativité, d’inventivité et de générosité. Faire un bon diagnostic et appliquer une mauvaise thérapie ne guérit pas un mal. La grève, aussi efficace soit-elle, a ses limites en termes d’impact négatif sur la productivité et les retards difficilement rattrapables qu’elle occasionne.
En effet, l’Etat, dans son rôle de régulation et de redistribution des richesses nationales et collectives, doit faire preuve d’équité en réduisant au maximum les inégalités sociales et appliquer les accords.
Examen des consciences: réussir à relever les défis du savoir
Fondamentalement, et sans occulter le côté social qui constitue un intrant indispensable, le combat doit davantage porter sur les aspects pédagogiques et culturels, avec plus d’investissements dans les infrastructures de formation, en commençant par la suppression des abris provisoires, l’augmentation des outils de travail, la construction de laboratoires, le recrutement d’enseignants mieux formés, la création d’écoles et d’instituts spécialisés, d’universités professionnelles et des recherches pour mieux faire face à la demande sans cesse croissante et exigeante, notamment celle du marché du travail. Soulignons-le au passage, nous n’avons pas beaucoup d’élèves, d’étudiants et de professeurs relativement à notre population qui avoisine 14 millions d’habitants.
L’éducation et la formation sont des enjeux capitaux pour le devenir de tout pays. Elles impulsent les transformations souhaitées, parce qu’endogènes et ouvertes, pour propulser une nation vers des lendemains meilleurs. Elles nécessitent tous les sacrifices et moyens possibles. Organiser des concertations et assisses sur l’université et l’école est nécessaire mais pas suffisant.
Aujourd’hui, pour que l’éducation continue de jouer son véritable rôle d’éclaireur, il faut lui assurer des ressources conséquentes qui viendront du budget de l’Etat mais aussi du secteur privé, des Ong, des bailleurs de fonds et de toutes les bonnes volontés intéressées.
L’Etat du Sénégal doit consentir plus de ressources dans l’éducation et la formation des futures élites. Parallèlement, la société, représentée par les familles et autres organisations de la société civile, est appelée à davantage investir dans la formation de ses enfants, car le savoir n’a pas de prix, mais aussi les opérateurs économiques, en finançant ce maillon stratégique. De même, les partenaires au développement ont un important rôle à y jouer. Il n’y a pas meilleure dépense que dans la quête de connaissances.
De nos jours, le développement d’un pays se mesure essentiellement à l’aune de la qualité de la formation de ses populations avec ce qu’on appelle : l’économie du savoir. L’ignorer, c’est rater encore le train de l’histoire.
Par conséquent, nous avons besoin, aujourd’hui, de construire un consensus fort et fécond autour de notre modèle de formation en dépassant les clivages et les intérêts stériles qui inhibent toute action. Bon courage et plein succès. L’émergence et le développement sont à ce prix !
Ballé PREIRA
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