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Les Ape Ou La Recolonisation De L’afrique

Depuis l’année 2002, l’Union Européenne est en négociation avec ses 79 partenaires des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) à l’effet de conclure des accords de Partenariat Economique (APE). Une réponse proposée par nos « amis » européens suite à l’inefficacité constatée des régimes d’accès préférentiel dont bénéficiaient les pays ACP depuis 1975, date de l’érection des accords de Lomé. Cette grande « trouvaille » devant constituer la nouvelle base des relations commerciales entre l’Union Européenne (UE) et les pays ACP, tout en ayant en plus comme finalité, de supplanter les accords de Lomé et de Cotonou (2000).

Les objectifs visés par ce nouveau partenariat s’énoncent sous le triptyque suivant :

  • faciliter l’accès des produits ACP aux marchés européens et vice versa ;
  • développer le commerce sud-sud ;
  • soutenir le processus d’intégration régionale.

Pour leur mise en œuvre, diverses études ont été menées par l’Union Européenne ainsi que des organisations internationales et non gouvernementales pour, disent-elles, mesurer l’impact futur de ces accords sur les pays africains.

Ces derniers ont ensuite été invités à les signer au prétexte qu’ils allaient dans le sens d’un renforcement du commerce, principal levier de la relance de la croissance et par conséquent principal moyen de lutte contre la pauvreté.

Poussant leur analyse, les européens soutiennent sans ambages, que les APE constituaient un puissant levier pour la relance de la dynamique de développement de nos pays, avec leur forte capacité d’instaurer un environnement des affaires favorable au secteur privé.

Pour arriver à cette Afrique idyllique ultra performante, les européens nous proposent une libéralisation graduée en 3 étapes : d’abord, au sein des groupes régionaux déterminés par eux-mêmes ; ensuite, entre les différents marchés régionaux ; enfin, entre les pays du Sud et du Nord.

La naissance des marchés régionaux ayant, de leur point de vue, cette vertu cardinale de réaliser le désenclavement des pays isolés, de permettre au secteur privé local de disposer d’une masse plus élevée de consommateurs et d’accroître considérablement ses performances.

Cependant, pour gagner sa place dans ce « paradis euro-africain », l’ensemble des pays africains avaient comme obligation de procéder à un désarmement douanier et de libérer totalement toutes les entraves à la libre circulation des biens.

Sur le même versant de cette ouverture des marchés africains aux produits européens, ils nous jurent, la main sur le cœur, que nos gouvernants ne sont pas désarmés, puisque l’Europe leur propose une approche « flexible » et « pragmatique » qui permet à chaque région de négocier des « mesures de sauvegarde » pour les secteurs « vulnérables ».

Cerise sur le gâteau, il nous ont prévu la création d’un nouveau fonds européen de développement qui apportera un soutien financier au processus d’intégration régionale, ainsi qu’à la mise en place des accords. C’est cette vision qui a été exprimée par Tony Blair dans the indépendant, l’ancien premier ministre milite pour une appréciation de l’aide, mais avec en retour, l’application du corset des nouvelles règles de l’OMC, doublée d’une ouverture des marchés des pays bénéficiaires. De même, l’ancien président Abdou DIOUF et Don MCKINNON, respectivement secrétaire général de la francophonie et du Commonwealth, ont largement soutenu ce point de vue. Ils avaient ainsi lancé un appel aux dirigeants du G8 dans le sens d’accroître le montant de l’aide au développement. Dans le même temps, ils demandaient également la poursuite des négociations de l’OMC visant à supprimer les aides agricoles, principal frein à une plus grande ouverture des économies des pays en voie de développement aux grandes entreprises des pays du nord.

Cette vision assez simpliste des accords, véhiculée par l’UE, peut être assimilée à un piège, dans la mesure où elle est loin de refléter la réalité et peut raisonnablement être perçue comme traduisant une lecture paresseuse, voire à rebours de l’état de nos économies africaines.

A l’évidence, c’est sur la pression de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui a toujours soutenu que les accords de Lomé et de Cotonou violaient ses dogmes concurrentiels, mais aussi pour répondre à la crise interne au niveau de l’organisation, que l’UE a concocté ces accords qui n’ont pour toute finalité que d’ouvrir la voie au tout puissant « marché-roi », parti avec succès à la conquête du monde.

Il s’agit d’une mise en pratique pure et simple du programme de libre échange de l’OMC qui exige que la protection de l’économie soit levée et qu’une libre circulation des biens et des investissements soit instaurée. Cette affirmation étant notamment corroborée par le fait que les objectifs spécifiques d’éradication de la pauvreté et de développement durable, identifiés dans l’accord de Cotonou, n’ont plus droit de cité dans les nouveaux accords.

Le constat largement partagé est que de puis plusieurs années, tout pousse à la libéralisation des échanges. C’est ainsi que des secteurs entiers aussi bien économiques que géographiques basculent « pieds et poings liés» dans l’épicentre du marché. Par exemple, dans l’agriculture, les prix mondiaux fixés par les marchés ont fini de s’imposer au détriment des différents systèmes de protection, et la plupart des Etats en sont réduits à la politique des subventions. Le principe de la baisse des tarifs douaniers bénéficie partout d’une haie d’honneur et l’OMC traque les mauvais élèves qui rechignent à se mettre au pas. Menacée, l’Union Européenne s’est ainsi retrouvée dans l’obligation de tout tenter, pour ne pas être classée parmi les cancres de la classe et compte sur son « territoire » africain pour y échapper.

Pourtant, une lecture plus affinée des effets de la mondialisation fait notamment apparaître une aggravation de l’insécurité économique et des inégalités sociales. Au total, ce phénomène n’a de la « mondialisation » que le nom. En fait, il ne s’agit ni plus ni moins que de la mise en réseau d’une trentaine de places fortes (Paris, Londres, New York, Tokyo etc.), de quelques centaines d’opérateurs et de quelques dizaines de milliers de personnes, principaux bénéficiaires des revenus issus de la spéculation. Elle se caractérise par l’ouverture d’un large boulevard de contournement des choix des peuples, des institutions démocratiques et des États souverains en charge de l’intérêt général. A la logique de ces derniers, elle a la redoutable capacité de substituer des logiques strictement spéculatives, exprimant les seuls intérêts des entreprises internationales et des marchés financiers.

Pour preuve, le poids financier des entreprises et des investisseurs privés (fonds de pension, fonds de placement collectifs, etc.) est désormais supérieur à celui de très nombreux États. Leur concentration et leurs monopoles (les 200 plus grandes entreprises multinationales occidentales contrôlent 80 % de toute la production agricole et industrielle mondiale, ainsi que 70 % des services et des échanges) leur donnent le pouvoir d’imposer leurs exigences aux institutions politiques, aux organismes de contrôle et aux établissements bancaires.

Pour nous autres pays africains, des études ont démontré que cette dérégulation qui organise une libre circulation des biens, adossée à un désarmement tarifaire douanier, antienne du marché, va se traduire par une baisse drastique des recettes fiscales de l’ordre de 20 à 60 % et risque d’entrainer, à terme, des effets porteurs de risques élevés sur la stabilité intérieure. En effet, la structuration des budgets des pays africains est généralement tributaire des recettes douanières qui interviennent pour une large part dans la prise en charge des dépenses publiques relatives aux infrastructures (capacité d’endettement du pays) et aux dépenses sociales qui concernent les couches les plus défavorisées de la population.

Même si l’UE, pour mieux nous ferrer, nous propose des mécanismes de compensation, force est de constater que ces derniers, quels que soient la valeur des montants prévus, posent de sérieux problèmes quant à leur qualité qui généralement laisse à désirer et leur mise en œuvre qui reste à définir.(Il était question de mesures exceptionnelles mais temporaires qui devaient venir en déduction du Fonds d’Aide Européen). Une proposition de nos partenaires européens qui nous renvoie paradoxalement à la ligne directrice de l’OMC, qui bien que n’ayant jamais procédé à une évaluation exhaustive des accords de Marrakech, a imposé une libéralisation totale des échanges, en tolérant juste un système d’aides directes compensatrices avec des critères difficiles à remplir par les pays bénéficiaires, et qui, dans la réalité des faits, a entrainé des effets de distorsion à l’exportation.

Des compensations qui sont d’ailleurs contestées par certains européens à l’image du président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des Représentants, Henry J. Ils sont arrivé à la conclusion que ce n’est pas en donnant plus à l’Afrique que celle-ci va atteindre l’émergence. Avec ce paternalisme qui frise le ridicule des européens vis à vis de l’Afrique, ils soutiennent que les africains n’ont pas la capacité de gérer eux –même l’aide au développement et qu’il faudrait les encadrer par la duplication des principes de la conférence de Monterrey, repris par le Millenium Challenge Account : des conditions draconiennes et une ouverture des économies africaines.

Les spécialistes font en plus noter que les accords qui sont proposés aux africains vont au-delà des règles de l’OMC qui régissent les pays européens et qui autorisent des protections pouvant aller jusqu’à 80 % pour le secteur céréalier des pays les plus pauvres de l’organisation.

Par ailleurs, à contrecourant de l’UE, nous pensons que la faiblesse des échanges commerciaux intra-africains résulte moins de la présence de barrières douanières que de la faiblesse des infrastructures inter-états pour désenclaver des zones de production africaines. La déclaration conjointe G8-Afrique de mai 2011, comme pour confirmer la nécessité de ces infrastructures intra-africaines comme préalables, nous rappelle que ‘’l’intégration régionale de l’Afrique est par ailleurs essentielle pour assurer l’intégration effective du continent dans les marchés mondiaux’’

Que se passe-t-il en l’espèce ? Les européens d’une part, refusent de prendre en charge le financement des grandes infrastructures transcontinentales identifiées dans le cadre du NEPAD et destinées à désenclaver les différentes régions du continent africain, et de l’autre, nous imposent de démanteler nos barrières ou enclaves d’ordre douanier à l’égard de l’Europe.

Accéder à leur demande en éliminant tous les obstacles à la rentrée des produits européens en Afrique, rendrait nos économies africaines plus extraverties qu’elles ne le sont aujourd’hui, et irait inéluctablement dans le sens d’une promotion des échanges avec l’Europe au détriment de ceux intra-africains, ou des échanges de l’Afrique avec le reste du monde (hors Europe).

Au demeurant, ce libéralisme économique qui fait le lit du libre échange a déjà été expérimenté par un pays africain à ses dépends ; il s’agit du Ghana de Jerry Rawlings de 1983 à 2000.Le système mis en place avait fini de fragiliser les productions locales (agriculture – manufacture), et d’aggraver dangereusement la dépendance extérieure du pays, mis le Ghana en totale faillite et entraîné la chute du Président Ghanéen.

L’autre danger des APE provient du fait qu’ils ne comportent pas seulement des mesures visant la libéralisation des services, des investissements et des marchés publics mais également de nouvelles mesures sur la concurrence, les brevets, inventions et autres.

Sur ce volet, il est important de noter que les marchés financiers en Asie, en Europe ou ailleurs ont une démarche identique. Ils jugent les Etats comme les marchés boursiers, à partir d’une grille de lecture à plusieurs paramètres, parmi lesquels on peut citer principalement le niveau d’endettement, l’évolution des déficits publics, le niveau d’inflation, la croissance, le chômage ou la stabilité politique. Les deux derniers étant fondamentalement pour apprécier le « risque pays », c’est-à-dire comme baromètre d’une instabilité sociale probable.

De même, l’épargne est devenue sans nationalité, et reste insuffisante à l’échelle mondiale des besoins de financements. De ce fait, il lui est loisible de choisir en toute liberté les endroits où s’investir sans se préoccuper de la volonté des autorités de gouvernance du pays d’accueil, qu’il soit africains, européens ou américains, de gauche ou de droite. A la faveur des technologies, les flux financiers vont à une vitesse beaucoup plus rapide (quatre fois plus) que celle des biens et services qu’ils sont censés acquérir et migrent au gré des rentabilités différentielles et des régimes fiscaux de faveur (le scandale des Panama Papers est là pour nous le rappeler).

C’est cette liberté des investisseurs qui fait que c’est le reste du monde qui finance le déficit extérieur américain (le Japon en tête) et que les fonds de pension anglo-saxon règnent sur les marchés boursiers européens.

En partant de cette analyse, nous arrivons irrémédiablement à la conclusion que les APE vont sacraliser une concurrence illégale et injuste entre les multinationales des pays économiquement puissants du Nord et les industries naissantes africaines, et vont, nolens volens, grever inexorablement les progrès réalisés sur les conditions de vie et sur l’emploi, en somme sur les services collectifs de base du Continent. En effet, comme le reconnaît Alain MINK dans la ‘’mondialisation heureuse’’, « le grand marché entraîne la dérégulation des services collectifs et leur fait connaître les affres de la compétition ».

C’est pourquoi, n’en déplaise à ses partisans, l’APE avec l’Afrique de l’Ouest véhicule un fondement purement contractuel entre Etats, faussé par une dissymétrie des forces entre les parties contractantes ; ce qui remet en cause le principe d’équité. Il est donc impératif de lui associer une batterie de règles tenant compte de la spécificité de cette région en rapport avec ses moyens et ses objectifs ; tant il est vrai qu’ « entre le fort le faible, c’est la liberté qui oppresse et c’est la loi qui libère ».

D’un point de vue purement politique, cet accord dans sa formulation actuelle, va aboutir à la mainmise des entreprises transcontinentales européennes, à capacité d’investissement élevé, sur les économies africaines, avec l’opportunité pour les premières d’externaliser le chômage qui sévit chez eux notamment dans la grande masse des ouvriers non qualifiés. Elles feront la pluie et le beau temps et les dirigeants africains se verront dessaisis de leur capacité à définir des politiques économiques nationales propres. Ce qui nous conduit directement vers un abandon de souveraineté au bénéfice des multinationales européennes.

Au demeurant, au moment où les européens nous mettent la pression pour signer les APE, ils refusent de signer TTIP proposé par les EU, en raison de risques analogues à ceux identifiés par les africains et résumés par Manlio Dinucci dans un article intitulé « TTIP, l’Otan économique » et destiné à mettre en garde les citoyens européens : ‘’ Des citoyens, des bureaux locaux, des parlements, des gouvernements, des Etas entiers sont privés d’autorité sur leurs choix économiques, mis dans les mains d’organismes contrôlés par des multinationales et groupes financiers qui violent les droit des travailleurs, les exigences de l’environnement et la sécurité alimentaire, en démolissant les services publics et les biens communs : c’est pourquoi il faut rejeter le « Partenariat transatlantique sur le commerce et les investissements » (TTIP), négocié en secret par les Etats-Unis et l’Union européenne’’.

Une description qui fait froid dans le dos quand on connaît la capacité de résistance des européens, sans commune mesure avec celle des africains face à la nuisance des multinationales ; c’est le risque que pointait du doigt le Président WADE en prédisant une recolonisation graduée de l’Afrique et c’est ce qui a justement fait de lui un adversaire irréductible des APE.

Une dangerosité manifeste de ces accords qui mérite d’être appréciée à sa juste valeur dés lors qu’il a été démontré que l’épicentre de l’économie mondiale est actuellement entrain de glisser vers l’Asie, comme le constate d’ailleurs le Conseil National du Renseignement US qui prévoit qu’« à la suite du déclin de l’Occident et de l’ascension de l’Asie, d’ici 2030 les États en voie de développement auront dépassé les États développés ». Et c’est pour cette raison que les EU court derrière un accord de partenariat avec les européens qu’Hillary Clinton définit &comme « un objectif stratégique majeur de notre alliance transatlantique », en projetant une « Otan économique » qui intègre l’Otan politique et militaire.

Dans le sens de rééquilibrer les accords, les états africains doivent mettre le curseur sur la libre circulation des technologies, des connaissances et des personnes en lieu et place de celle des biens et services. Une préoccupation qu’on retrouve également dans les négociations entre le Canada et l’EU sur le CETA (Comprehensive and Trade Agreement). La Bulgarie et la Roumanie pourraient refuser de signer l’accord du seul fait que leurs ressortissants sont les seuls à être soumis à une obligation de visa d’entrée au Canada.

En effet, pour asseoir sa domination sur l’Afrique, l’occident a troqué la rente coloniale qui a donné satisfaction jusqu’aux indépendances contre la rente technologique. A titre d’exemple, en une décennie, l’IRAN avec SENBUS et la Chine avec CCBM ont fait plus que tous les pays européens en matière de transfert de technologie concernant les chaînes de montage de véhicules.

Des avancées significatives et novatrices combattues par le lobby européen qui a réussi, on ne sait trop comment, à faire suspendre les licences de taxis au Sénégal, poussant ces entreprises pourtant viables et spécialisées dans le secteur, vers la faillite.

Seuls détenteur des technologies de pointe, les Etat de la vieille Europe ont distillé avec parcimonie le Know Flow vers les Etats du Sud, handicapés il est vrai par l’absence de capitaux, mais aussi et surtout, par le manque de vision et d’ambition de leurs dirigeants pour aboutir à une maîtrise des processus de production. L’absence de la recherche –développement dans les grands projets et le peu de crédit accordé à nos chercheurs et inventeurs sont assez édifiants.

Et bien que les européens soient peu diserts sur cette question, il reste évident que la première bataille des pays africains reste celle de l’éducation, de la formation et de la recherche développement, seul gage d’aboutir à une disponibilité plus accrue des compétences techniques et scientifiques.

A l’échelle microscopique de la ville de Fatick, la mise en œuvre des chantiers de Fatick 2005 (nos remerciements renouvelés au Président WADE), nous a permis de vérifier cette réalité dommageable à nos dépens.

En effet, la grande majorité des jeunes fatickois ne pouvaient prétendre qu’à des emplois subalternes, n’étant pas formés aux différents métiers nécessaires pour l’exécution des travaux. D’où l’urgence, à l’époque et encore aujourd’hui, de créer une véritable école des métiers à Fatick, en lieu et place de l’Université du Sine Saloum (merci au Président Macky SALL) qui connaîtra néanmoins, dans le contexte actuel, les mêmes effets pervers que les autres universités du pays.

L’accès à l’éducation, à la formation surtout de haut niveau, aux secrets de fabrication, aux process brevetés et au savoir faire doit être facilité aux pays du Sud ; ce qui implique nécessairement la libre circulation des personnes. L’égal accès aux technologies et aux connaissances pourra ainsi prendre le pas sur la libre circulation des capitaux et des biens.

Comment pouvons-nous accepter qu’au moment où nos étudiants, artistes, commerçants et autres font des mains et des pieds pour un visa d’entrée en Europe, cette dernière accueille un million de réfugiés syriens (blancs) suite à une guerre qu’ils ont eux-mêmes déclenché ?

Peter Sutherland, représentant spécial du secrétaire général de l’Onu chargé des migrations internationales ne déclarait-il pas que lors d’une audition par la Commission des Affaires intérieures de la Chambre des lords le 21 Juin 2012, que ‘’tout individu doit avoir la possibilité d’étudier et de travailler dans le pays de son choix, ce qui est incompatible avec toutes les politiques de restriction des migrations ; et que les migrations créent une dynamique cruciale pour le développement économique quoi qu’en disent les citoyens des pays d’accueil. Par conséquent, concluait-il, l’Union européenne doit saper l’homogénéité de ses nations ‘’.

De même en 2015, la Déclaration du Conseil européen sur la migration Afrique-UE précisait ‘’Nous estimons que de nouveaux efforts doivent être déployés pour renforcer les possibilités de migration et de mobilité légales, y compris au niveau bilatéral, en favorisant une bonne gestion de la mobilité, aussi bien d’un continent à l’autre qu’au sein de chacun d’eux, ainsi qu’en promouvant des politiques propices à la mise en place de canaux réguliers de migration, notamment la migration professionnelle et la mobilité des entrepreneurs, des étudiants et des chercheurs, y compris au niveau régional’’.

Toutes ces ‘’bonnes intentions’’ n’empêchent pas la tragédie qui se joue actuellement en Méditerranée (29 000 morts ou disparus depuis 2000, plus de 2000 migrants portés disparus en mer depuis janvier 2015, et 1100 pour le seul mois d’avril). Le décompte macabre des drames de l’immigration vers l’Union européenne continuent de nous hanter, malgré la levée de boucliers et la vague d’indignation et de protestations dans le monde qui a touché jusqu’aux institutions européennes.

Elle n’est pourtant que le résultat d’une politique migratoire ourdie par les européens et axée sur une lutte contre l’immigration légale, adossée à la fermeture des frontières et à des restrictions de plus en plus draconiennes sur les voies d’immigration légale.

Une politique que l’ambassadeur de France qui vient de quitter nous a confirmée en justifiant les refus de visa par le fallacieux prétexte de faux documents.

Donc malgré ces constats et tous ses engagements et conclusions en faveur de cette ouverture, l’Europe la refuse obstinément à l’Afrique (elle est entrain de l’accepter pour la Turquie qui va vers la suppression des visas), en dépit de liens séculaires avec celle-ci, alors que les E.U. l’ont accepté depuis longtemps pour les pays asiatiques. C’est pourquoi, il n’est pas surprenant que la moitié des doctorats décernés aux E. U. aille à des asiatiques, dont la plupart, leur précieux diplôme en mains, retournent dans leur pays d’origine pour y exercer. Une posture européenne condamnable et peu cavalière à l’égard de l’Afrique qui s’est encore vérifiée sur le chapitre des négociations.

En effet, devant la résistance des pays ACP à signer les accords, une stratégie mûrement réfléchie a été convoquée. Il s’agissait de les diviser en six (06) grandes régions, autorisées à négocier individuellement et de les encourager à élaborer leur propre union douanière pour presser le pas vers l’intégration. Par cette « balkanisation », l’Europe perpétue ainsi le vieil adage selon lequel « il faut diviser pour mieux régner », exprimé sous la forme d’accords sous-régionaux qui ne répondent nullement aux ambitions exprimées par les gouvernants africains, et qui, en revanche, sapent leur logique de regroupement largement partagé.

Le refus de ratifier, somme toute justifié des pays ACP, avec la position courageuse du Président WADE soutenue par son homologue Sud Africain Thabo MBECKI n’avait cependant pas pu décourager l’UE, qui avait gardé sous la manche une autre carte. Elle aura consisté une fois de plus à réveiller les démons de la division en signant des accords dits « intérimaires » avec seize pays du groupe, y compris le Ghana, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Ces accords individuels autorisaient l’accès libre des produits des pays concernés (sauf le sucre et le riz) au marché européen au 1er janvier 2008, en contrepartie d’une ouverture progressive jusqu’à 80 % de leur marché aux produits européens. Une pratique discriminatoire entre pays d’un même groupe qui a mené droit à la remise en cause de la dynamique unitaire.

Voilà pourquoi la signature des APE par le Sénégal ne doit pas se faire en catimini ou d’une manière précipitée. Comme le fait savoir à juste titre la libérale suédoise Cécile Malmström à propos du TAFTA (Trans Atlantic Free Trade Agreement ou TTIP) ‘’le contenu est plus important que la rapidité’’.

Les principes de prudence et de précaution doivent prévaloir et des discussions sérieuses se mener à tous les niveaux, de manière à évaluer les éventuels coûts actuels et futurs, qu’il faut comparer aux avantages du contrat proposé.Les participants au dialogue national sont interpellés.

 

Boucar DIOUF

Coordonnateur National de la CIAR (Convergence d’Idées Autour de la République)

Buuks@yahoo.fr

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