Les seuls domaines dans lesquels excelle le régime de Macky Sall sont ceux de l’incohérence, du mépris des populations, de la dictature rampante, des promesses non tenues, des contradictions et des slogans creux. La «Gouvernance sobre et vertueuse » a cédé la place à la « Gouvernance décadente et opaque » tandis que le « Yoonu Yokkuté » a laissé la place au « Yoonu Yaxuté » avec des scandales financiers en à plus finir. La « traque des biens mal acquis » est entrain de se métamorphoser, sous nos yeux, en une « traque des enseignants » qui sont menacés de radiation après des ponctions financières pouvant atteindre plus de 150 000 FCFA sur un salaire de près de 200 000 FCFA correspondant, soi-disant , à 9 jours de grève sur un bulletin de salaire que j’ai pu consulter.
Que reproche t-on aux enseignants ? L’exercice de leur droit de grève, non pas pour faire de nouvelles revendications mais pour demander à l’État de respecter ses engagements pris en 2012, 2013 et 2014 à travers les accords signés avec les syndicats représentatifs des enseignants. L’État du Sénégal se croit t-il être un hors la loi ? Son comportant est celui d’un patron voyou vis à vis du corps des enseignants. Il signe des contrats et des accords mais ne les respecte pas. Voudrait t’il réduire les enseignants à l’esclavage ?
Comment un pays qui aspire à l’émergence peut il faire l’économie d’un enseignement de qualité en acceptant de céder aux pressions de la Banque Mondiale et du FMI ? Ces institutions exigent de nos États de réduire drastiquement leurs dépenses, y compris dans le domaine de la Santé et de l’Éducation, ce qui n’a aucun sens pour des pays aussi pauvres que les nôtres où tout reste à faire. Suivre ces politiques d’austérité revient à refuser toute possibilité de sortir nos pays de leur statut de PTT (pays pauvre très endetté). N’est ce pas Nelson Mandela qui affirmait que « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » . Pas d’éducation de qualité, point de développement.
Prenons l’exemple des vacataires, ayant signé avec l’État du Sénégal, d’exercer durant deux ans pour moitié salaire sans aucune formation au préalable. Au lieu de percevoir , par exemple, 200 000 FCFA par mois, un vacataire accepte de travailler pour 115 000 FCFA durant 9 mois sachant qu’il n’est pas payé pendant les trois mois de vacances scolaires. Il exerce, le plus souvent, dans les coins les plus reculés du pays où il manque de tout, dans des abris provisoires dignes d’un autre âge. En contrepartie, l’État s’engage à le former au bout de deux ans avec, à la clé, un diplôme professionnel lui permettant d’être payé convenablement donc 200 000 FCFA par mois avant d’être intégré dans la fonction publique au bout d’un an d’ exercice en tant que contractuel.
Telle est la nature du contrat qui lie l’État du Sénégal à des milliers de vacataires qui, pour certains, après 5 ans voire plus, demeurent toujours des vacataires et se font, ainsi, voler par l’État du Sénégal puisque ce dernier leur prive de revenus leur revenant de droit. Quelque soient leurs statuts: fonctionnaire, contractuel ou vacataire, les enseignants se voient refuser en toute illégalité l’avancement qui permet à leurs homologues des autres corps de voir leurs salaires évoluer d’année en année donc de percevoir plus de rémunération.
Ainsi, d’après des témoignages, certains se voient priver jusqu’à 60 000 FCFA par mois qui leur reviennent de droit. Sur les 5 milliards que l’État s’était engagé dans les accords de 2014 à verser en janvier 2016 en guise de rappels des années de volontariat, de vacation et de contractualisation, seul 22,04 millions ont été effectivement versés soit 338 dossiers traités sur un total de 21 379 enseignants concernés.
Le but de l’État étant de faire des économies sur le dos des enseignants alors qu’il octroie à l’ ivoirien, Adama Bictogo, 13 milliards sans arbitrage ni jugement dans des conditions extrêmement louches. Il prévoit de dépenser 32 milliards dans la construction d’une arène nationale, le budget de la Présidence est de près de 73 milliards en 2016 sans compter les milliards d’exonérations fiscales à l’endroit des multinationales occidentales.
Enfin, il accepte de renoncer à des taxes et des droits de douane en signant les APE. La régression des recettes fiscales, du fait de l’application des accords de partenariat économique (APE) avec l’Union Européenne, pourrait atteindre un montant cumulé de 2.470 milliards de FCFA à l’horizon de 2030. Où est le sens des priorités et la rationalité dans le choix de la politique budgétaire?
Comment peut on concevoir que des fonctionnaires de mêmes grades sortant de la même université, par exemple avec une maîtrise, ne perçoivent pas la même rémunération ? Un magistrat avec Bac+4, qui après une formation à l’ENA se voit octroyer une indemnité de logement de 900 000 FCFA par mois tandis qu’ un enseignant fonctionnaire du même grade avec un Bac+4 perçoit 60 000 FCFA en guise d’indemnité de logement. Où est l’égalité devant une telle différence de traitement ? Qu’est ce qui pourrait justifier une telle différence entre des individus de même niveau de formation et du même grade si ce n’est la volonté d’avoir une justice totalement soumise au pouvoir exécutif?
Dans cette folle course à faire des économies au détriment d’une école de qualité, l’État du Sénégal, afin d’éviter de verser des indemnités de mission (25 000 francs par jour pour un enseignant de hiérarchie A donc niveau Bac+4) revenant de droit aux enseignants ayant fait un déplacement de 75 km à l’occasion des examens (baccalauréat par exemple), affecte ces derniers dans des établissements se trouvant parfois dans la même ville où exercent ces derniers. Ainsi, le risque de tomber sur des élèves qu’on connaît augmente considérablement.
Il arrive, ainsi, que les commissions en éducation physique et sportive siègent dans les établissements d’exercice de ses membres. L’État du Sénégal emploie des professeurs de philosophie titulaire d’un diplôme de sociologie et non de philosophie sans aucune formation, certains exerçant depuis 15 ans sans formation au préalable. L’État ne respecte pas son engagement à former les enseignants titulaires de Bac B et G employés en tant que professeurs de Maths/SVT et ceux, titulaires de Bac L, exerçant en tant que professeurs d’économie familiale.
Pour faire des économies, le régime de Macky Sall aurait du renoncer à ses agences budgétivores, à ses centaines de secrétaires d’État et de ministres conseillers, à ses ambassadeurs itinérants, aux indemnités accordées aux épouses d’ambassadeurs d’un montant de 500 000 FCFA par mois, à la construction de l’arène nationale d’une valeur de 32 milliards, à la réfection du building administratif qui va nous coûter plus de 17 milliards de FCFA, au Conseil Économique et Social (plus de 9 milliards de budget en 2016) qui n’a aucune utilité reconnue, au Haut Conseil des Collectivités (sénat bis).
Il aurait du réduire le budget de la Présidence de la République qui s’élève à près de 73 milliards en 2016 et renoncer aux fonds politiques totalement secrets, le budget de l’Assemblée Nationale qui est de plus de 14 milliards en 2016 et celui du Conseil Constitutionnel à plus d’un milliard… Pour respecter ses engagements vis à vis des enseignants, l’État aurait besoin de moins de 40 milliards. Faudrait il rappeler que les enseignants réclament leurs dus.
Le candidat Macky Sall dans son programme « Yoonu Yokkuté » promettait de réformer les « contenus des programmes scolaires et universitaires » ainsi que de « professionnaliser » les « parcours scolaires à partir du collège ». Il promettait également « l’institutionnalisation de l’enseignement coranique avec un appui institutionnel, la formation des maîtres coraniques, la modernisation des contenus, l’introduction de la formation professionnelle, scientifique et technique et la mise en place d’un système d’équivalence avec le cursus classique ». Enfin, la création de « lycées sport/études accueillant les jeunes talents de toutes les régions du Sénégal issus des principaux sports ». Toutes ces promesses n’ont pas été respectées d’autant plus qu’elles s’opposent à la politique d’austérité observée depuis quatre ans.
A mes concitoyens, je rappellerai que l’école sénégalaise nous appartient. Nos enfants doivent pouvoir étudier dans une école publique saine et véritable ascenseur social. Ainsi, il est de notre devoir d’exiger du gouvernement l’application des accords signés. Nous devons œuvrer pour que les enseignants puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions et en toute dignité, gage d’un enseignement de qualité.
Ce « yoyo » au quel joue le gouvernement avec les enseignants doit définitivement cesser. Il n’est plus possible d’avoir des années scolaires marquées par des mouvements de grèves, de débrayages et de rétentions de notes. Le gouvernement préfère laisser pourrir la situation jusqu’à la fin de l’année avant de signer un accord grâce à l’intervention de médiateurs, qu’il ne respectera pas. Il est temps que nous soutenons les enseignants, aujourd’hui, menacés en toute illégalité de radiation par un ministre qui semble être dépassé par la situation, quatre ans qu’il peine à régler les maux dont souffre l’école de la République. Il est peut être temps qu’il en tire toutes les conséquences qui s’imposent en toute dignité en démissionnant.
Pour finir, je partage avec vous, chers lecteurs, ce commentaire d’un sénégalais sur le célèbre réseau social : « Enseignant, tu mérites tous les honneurs, tous les égards, toutes les louanges, toutes les distinctions, … Le travail que tu abats n’a pas de prix . Seul Le Tout-Puissant te paiera. A cet État qui pense détenir tout le pouvoir, toute la force, toutes les prérogatives, rétorque-lui: « Celui qui règne par l’épée, périra par l’épée » ».
Serigne Mbacké FALL
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