Je n’ai jamais pu imaginer que les publicistes et autres chargés de communication des grandes sociétés et entreprises de notre pays, étaient si nuls en wolof, aussi bien dans la parole que dans la transcription de cette langue sur les panneaux publicitaires dans la capitale du Sénégal !
L’autre jour, je me suis amusé à sillonner les rues de Dakar pour recenser les panneaux publicitaires et décrypter les messages qu’ils véhiculent. Je peux vous assurer qu’à chaque fois que je lisais un slogan, j’ai failli tomber en syncope, tellement la plupart des messages sont truffés de fautes de transcription et de contresens.
Ces gens-là n’ont pas conscience que cette langue commerciale qu’est le wolof et qu’ils utilisent avec autant d’enthousiasme pour vendre leurs produits, renferme de fines subtilités qui font qu’un mot mal dit ou mal écrit, peut se traduire souvent par le contraire du sens recherché. Par exemple : « saxaar gi » c’est le train. « Saxaar si » c’est la fumée ! Le thé en wolof s’écrit comme suit : « attaaya » et non « ataya » !
Je vais partager avec vous le wolof genre “français tirailleurs » et les nombreuses fautes d’orthographes relevés sur les panneaux publicitaires de Dakar! Je suis convaincu que s’il s’agissait de la langue française, ces fautes seraient corrigées à la quatrième vitesse ! Mais quand il s’agit des langues nationales, on s’en fout !
Je commencerai par Gloria qui a presque perdu sa gloire en écrivant ceci : « Yokal le mééw ci béne ndieug bi ». Ce message incompréhensible, créolisé et plein de fautes devrait s’écrire comme suit : « Yokkal la meew ci genn njëg gi ». J’aurais proposé le message suivant à la glorieuse Gloria: « Meew mu gënë bari, te njëgam du yokku ! ».
La firme Gloria ne s’est pas arrêtée là. Elle nous a lancé son slogan fétiche avec pleins de fautes d’orthographes « Amoul morom bene lafi ». J’aurais souhaité sauver la gloire de Gloria en lui offrant le correctif suivant : « Amul moroom benn la fi !»
La Société Savon Saf a préféré mélanger le wolof et le Toubaab en écrivant ceci : « Xëb – Set – Parfumé » comme si le wolof ne connaissait pas le mot « parfumé ». J’aurais proposé ceci : « Xëb – Set – Xeeñ lu neex ».
Pressea du Groupe Kirène massacre sans hésiter l’orthographe du wolof codifié en y mettant du français : « Koru jamm ak groupe Kiréne». Je leur aurais proposé ceci : « Kooru jamm ak waa Kirène ».
Orange fait partie des plus grands fauteurs en publicité avec son fameux « Kheweul » en lieu et place de « Xéewal » ou « xéewël ». Ce sont également nos amis d’Orange qui nous ont lancé le message suivant: « Sama Kalpé founé » au lieu de « Sama nafa fu-ne (ou) fu nekk)». Orange a également voulu s’arabiser en proposant le message arabe suivant: « Ramadan mubarak », au lieu de « Ramadaan mubaarak ». Je dois quand même terminer en félicitant Orange, pour son message sans faute: « Def lu baax, am lu baax ! »
J’ai continué ma tournée d’inspection des panneaux et suis tombé sur le message suivant de Western Union : « Lii mooy sukëru koor wiss ci ndewenël » ou lieu de : « Lii mooy suukaru koor wis ci ndéwénal ». J’aurais surtout proposé à Western la formule suivante moins fautive et plus compréhensible: « Lii mooy suukaru koor ak ndéwénal».
La palme d’or des messages fautifs a été remportée par Delmonté à travers son bizarre message suivant : « Thiafka rék la fééssé ». Le publiciste aurait du écrire : « Cafka rekk la fees ! ». De mon côté j’aurais suggéré la formule suivante : « Cafka la am ba mu doy ! ». En effet, « fees ak cafka », c’est tout simplement nul et insensé !
La belle Sofia est entrée dans la danse avec le message fautif suivant : « Yakkalma ci koor gui ak Sofia ». Toi aussi Sofia ! malgré ta beauté tu devrais écrire : « Koor gi » et non « Koor gui ».
Val’or aussi a récolté une belle médaille d’or chez les champions fautifs à travers son message : « Kooru jaam ak valor » traduisant ainsi « le ramadan des esclaves». J’aurais écrit « Kooru jamm ak Val’or ». En effet « Jaam » signifie « esclave » alors que « Jamm » signifie la « paix ».
Nos amis de Tigo ont osé nous assommer avec le message suivant : « Jotaayu Kheweul ». Ce message me parait insensé, car le mot « jotaay » n’existe pas en wolof. Le wolof authentique dit : « Jataay » qui signifie assemblée. Ce mot a été malheureusement dénaturé et divulgué par un célèbre animateur radio/télévision très têtu et qui s’obstine à maintenir la faute malgré les correctifs qui lui ont été adressés. Ainsi, beaucoup de Sénégalais ont été entrainés dans cette faute absurde ! A mes amis de Tigo, j’aurais donc proposé la version suivante : « Jataayu xéewal ».
Mes partenaires de Senico ont eux aussi trempé dans la mare aux fautes en écrivant « Korou jamm » au lieu de « Kooru jamm ».
Le fabriquant de biscuits Bisko n’a pas échappé à la règle des fauteurs en disant « mbiskit bu neex bi » au lieu de parler le vrai wolof qui dirait : « Mbiskit mu neex mi ».
Pour clôturer la liste des fauteurs, je vous l’exemple du Ministère des Finances qui sur le panneau de sensibilisation pour le recensement général des entreprises a lancé le slogan « Ci la bokk » (il en fait partie) au lieu de dire « Ci laa bokk » (J’en fais partie).
Il m’est arrivé d’appeler quelques une de ces entreprises pour leur faire des remarques très amicalement, mais leurs responsables de la communication n’ont pas hésité à me répondre que s’ils respectaient la transcription du wolof codifié, le public ne pourrait pas lire les messages ! La riposte que je leur envoyais consistait à leur demander si le Français, l’Anglais, l’Espagnol, l’Arabe ou le Russe se soucierait de changer l’orthographe codifié de sa langue, dans le but de permettre au wolof de lire et de comprendre ces langues ? Je trouve qu’en agissant de cette manière, les publicistes font preuve de manque de respect au wolof. Ils semblent manquer de patriotisme en violant la loi et en portant atteinte à notre patrimoine linguistique, véhicule de notre culture.
En faisant preuve d’une telle irresponsabilité, les publicistes fauteurs et les entreprises qui les emploient, violent la loi n° 77-55 du 10 avril 1977 relative à l’application de la réglementation en matière de transcription des langues nationales, ainsi que le décret n° 2005-992 du 21 octobre 2005, relatif à l’orthographe et la séparation des mots en wolof.
Dans tous les cas, si les publicistes ne s’organisaient pas pour respecter les lois et règlements de notre pays en matière d’orthographe et de séparation des mots en langues nationales, je suggère au Secrétaire d’Etat chargé des l’alphabétisation et des langues nationales de porter plainte contre eux et de demander de fortes sommes en guise de dommages et intérêts, pour réparer le préjudice immense causé au patrimoine culturel de notre pays, par certains d’entre eux ! CAAXAAN FAAXE !
Colonel Moumar Guèye
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