Il ne s’agit plus de penser que les flux migratoires vers l’Europe sont arrivés «sans crier gare» ! Il fallait s’y attendre. Mouammar Kadhafi a souvent brandi la menace d’ouvrir les vannes de la Méditerranée pour inonder l’Europe de migrants. Il savait comment faire peur à l’Europe. La bombe s’y est déjà installée et continuera de s’y installer tant que l’on préférera s’occuper des symptômes et non des causes. Devant une maladie, sida ou ebola par exemple, l’attitude scientifique européenne, dite rationaliste, consiste à s’attaquer à la source, à l’étiologie même des syndromes, après appréciation objective du diagnostic sans se contenter des épiphénomènes.
Or, s’agissant de la migration, que d’aucuns considèrent comme le «Mal» du siècle, pour l’Europe en tous cas, avec les conséquences néfastes de repli identitaire, avec toute cette régénérescence du racisme que l’on constate et qui va s’amplifier, l’Europe voire le monde continue encore de traiter, avec des milliards de dollars, des symptômes au lieu de s’attaquer aux causes profondes du «Mal». Ce n’est certes pas raisonnable. L’Europe a peur d’être envahie par des «étrangers», par des «crève-la-faim» qui viennent voler le travail de ses fils, leur ôter le pain de la bouche, violer leurs femmes et même y commettre des attentats. C’est quoi même le Brexit ? C’est «migration, tu n’entreras pas». Et ce n’est pas fini !
Pourtant, l’Europe est la première cause du «Mal», «la souche» même du virus qui, aujourd’hui, envahit tout son organisme : social, économique, politique, culturel, religieux. Elle est la véritable cause et origine du Mal avec les guerres de positionnement stratégiques qu’elle à générées partout dans le monde pour ses seuls et uniques intérêts, avec la paupérisation de plus en plus grande qu’elle a créée en sous-développant sans état d’âme les États et en les spoliant, en contribuant à installer au pouvoir des chefs d’État fantoches, en positionnant des lobbies qui gangrènent les économies nationales des pays sous tutelle, en créant des institutions financières qui imposent leurs diktats au nom des «droits de l’Homme, de la démocratie et de la bonne gouvernance», alors qu’elle s’active elle, à les fouler au pied au quotidien, par exemple en vendant des armes de destruction massive à tous ceux qui ont les moyens, même aux terroristes qu’elle a enfantés et nourris, en privilégiant leurs intérêts au détriment des principes éthiques et juridiques qu’elle proclame haut et fort…
Il est temps de s’attaquer aux vraies causes, en changeant de paradigmes, en préservant non seulement les intérêts de l’Union européenne, mais aussi la dignité du monde libre, d’un «Monde-Uni» où tous les humains des autres continents, des autres races et croyances ont une égale dignité et les mêmes droits à jouir des ressources du monde, mais surtout pleinement de leurs propres ressources. Être obligé de quitter sa terre natale en empruntant des voies de mort, pour des mirages d’un Eldorado qui n’existe pas, c’est y être contraint par la misère, par les guerres, par la désespérance… Nul ne souhaite le faire s’il en a les moyens, de subsistance et d’espoir, de rester chez lui pour y vivre.
Les flux humains «toujours recommencés», comme la mer de Paul Valéry, qui traversent la méditerranée ne seront pas stoppés par les petites mesures conservatoires de fermeture des frontières, par les murailles et blindages de fer, par les citadelles de silence de nos chefs d’État. A la longue, ne dépense-t-on pas, peut-être même plus de milliards à vouloir juguler des symptômes que de s attaquer frontalement aux vraies causes ? Il faut prendre le mal à sa racine : s’engager sans faille, en commun, dans le combat contre la faim, la mal gouvernance, les guerres, le pouvoirisme, les iniquités sociales, l’injustice et les exactions de toute nature où que ce soit, partout dans le monde…
L’Europe a une grande responsabilité dans les causes du mal actuel. Elle doit en être consciente et le «Monde-Uni», pas seulement les Nations-Unies, «ce machin» à la solde des grandes puissances européennes, a le devoir, au-delà de la pieuse indignation, d’agir à ce que le respect de la dignité humaine commence d’abord à être une réalité chez-soi.
J’ai dit : Alerte à la bombe ! Il faudra commencer non à compter des morts comme on s’y complaît, mais à désamorcer la bombe migratoire, en amont et en aval, par des moyens drastiques qui exigent du monde la mise en œuvre de nouveaux paradigmes.
Pr Ibrahima SOW
Directeur du Laboratoire de l’imaginaire
Consultant à l’Ips