« Pour le moment, on n’a pas les moyens d’arrêter la saignée. Elle est d’essence économique », a dit Saër Seck, président de la Ligue sénégalaise de football professionnel (LSFP). Les difficultés du secteur sont identifiées, mais depuis sa création en 2009, la LSFP qui emploie entre 1000 et 1500 personnes y travaille sans grand succès. Elle attend de l’État des subventions conséquentes, elle cherche un appui considérable de sponsors et demande la création d’infrastructures modernes. En clair, la ligue n’a pas encore réussi le passage du championnat du statut d’amateur à professionnel.
Malgré toutes les difficultés qui assaillent le football sénégalais, c’est de la rentabilité économique du « produit football » que dépend l’essor d’une industrie footballistique sénégalaise. « Un football d’élite vierge de toute préoccupation financière est une idée tout simplement naïve et non réaliste », affirme Bastien Drut, économiste du football. Le simple fait que des téléspectateurs souhaitent visionner des matchs implique la vente de droits télé considérables, poursuit-il. Pendant qu’au Sénégal, les joueurs les mieux payés ont un salaire qui tourne autour de 300 000 francs Cfa, au Maroc, en Tunisie et en Algérie, leur niveau de rémunération dépasse 1 million de F CFA.
La fédération sénégalaise de football avait pourtant défini des critères d’ordre financier pour le lancement d’un championnat professionnel. Pour la ligue 1 et la ligue 2, le footballeur y évoluant devait ainsi toucher un salaire minimum de 50.000 francs CFA. Par ailleurs, les clubs qui voulaient s’engager dans ce processus de professionnalisation devaient s’organiser en société commerciale (SA ou SARL) et disposer d’un budget de 50 millions de francs CFA pour la ligue 1 et de 40 millions pour la ligue 2. L’ASEC d’Abidjan, l’Espérance de Tunis ou le Raja de Casablanca ont des budgets d’un milliard six cent millions à quatre milliards.
Réagissant à l’élimination des clubs sénégalais dès les préliminaires en compétition africaine, Mbaye Thiandoum, journaliste sportif, constate que « chez nous, nos clubs peinent à obtenir les 50 millions requis pour leur budget annuel. Poursuivant sur sa lancée, il constate que dans les clubs, surtout ceux dit traditionnels, tout tourne autour d’un super-président qui est au début et à la fin de tout. C’est lui qui met la main à la poche pour les ¾ des dépenses. » En comparaison, les clubs ivoiriens sont subventionnés à hauteur de 50 millions de francs Cfa, alors que l’État sénégalais refuse encore de contribuer dans le budget de fonctionnement des équipes.
Dans ces conditions, le soutien de la SONATEL est une véritable » bouffée d’oxygène » pour la LSFP. Selon Djamil Faye, président de Guédiawaye Fc, la Ligue professionnelle a une seule source extérieure de financement, c’est Orange. « Ce n’est pas un secret, c’est 330 millions de francs CFA. » Cependant, les sponsors ne sont pas des philanthropes, ce sont des investisseurs. Pour qu’ils s’engagent, il faut un environnement porteur et de bonnes conditions de spectacle. À ce titre, des infrastructures modernes sont nécessaires afin de les intéresser au football national. Les stades doivent devenir des endroits de convivialité avec un minimum d’hygiène et de confort où des entreprises-partenaires peuvent inviter clients et gens d’affaires.
De l’avis de Mbaye Thiandoum, il faut avoir des caisses pleines pour se doter d’infrastructures et de matériels didactiques adéquats destinés à la préparation des équipes. Faute de moyens, les clubs ont du mal à retenir leurs joueurs. Chaque année, ils assistent, impuissants, au départ d’une bonne partie des athlètes vers d’autres équipes pour des raisons principalement financières. Cela explique la recherche effrénée des indemnités de transfert. Feu Oumar Seck, ancien président de la Jeanne d’Arc, voyait venir cette situation désespérante. « Dans un pays où les matches de championnat se jouent devant des gradins désespérément vides, malgré des billets d’entrée à la portée des bourses, et où la culture du sponsoring n’est pas encore entrée dans les habitudes, les indemnités de transfert constituent le seul moyen véritable de financement des clubs ».
Au Sénégal, le transfert de joueurs vers des clubs professionnels d’Europe semble servir de mode de financement. Le président de Kaolack Fc, Abda Athie, parle dans les colonnes, du journal Le soleil, d’un éternel recommencement. Le Kaolack Fc a d’importantes charges à couvrir, y compris une masse salariale qui s’élève à 1.600.000 francs CFA. M. Athie reconnait que son équipe n’avait dû son salut, en 2015, qu’aux indemnités obtenues sur le transfert de Papy Djilabodji, d’un montant de 33 millions de francs CFA.
Birame Waltako Ndiaye
waltacko@gmail.com
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