On était au début du règne de Me Wade et Abdoulaye Mbaye Pekh venait, encore une fois de plus, de crever l’écran en gratifiant le peuple sénégalais d’une de ses gaffes dont lui seul a le secret. Abdou Latif Coulibaly avait, alors, sorti dans « Sud quotidien » une alerte au vitriol adressée directement au chef de l’Etat et intitulée : « Monsieur le Président, arrêtez Pekh ! ». Le temps, cynique pédagogue adepte des répétitions, a fini aujourd’hui de nous installer dans une situation tragi-comique où un grossier parvenu nommé Farba Ngom menace si gravement la République avec ses outrances que son « maître », le président Macky Sall, mériterait bien qu’on lui parle dans les mêmes termes que Latif parla à Wade…
On aurait pu – et ce serait une attitude ô combien logique – commencer par nous demander ce qu’un homme comme Farba Ngom, ayant le statut qu’il a, non pas un simple griot, mais pas un griot simple non plus ! – vient faire au cœur de la République. En effet, selon toute vraisemblance, pour la majorité des Sénégalais, la présence de ce monsieur dans le personnel de la 11e Législature est un problème. Non pas parce qu’il est inculte et foncièrement analphabète, non, mais plutôt parce qu’un flagorneur du « roi » aussi zélé ne peut, en toute occasion, tenir que des discours intempestifs, aveuglément favorables à son idole. Ce qui, de fait, ne peut, alors, que jurer d’avec les promesses de rigueur, de sobriété et surtout de discernement que les « bâtisseurs » de la nouvelle Assemblée nous avaient matinalement faites. Et de toute évidence, ceux qui, comme nous, se sentaient outrés par la tragique élection du « Fou de la Nation » (excusez d’avoir fait un si provocant usage des initiales de son nom !) ont à vrai dire toutes les raisons du monde de rire sous cape, puisque déjà chacune des interventions du monsieur depuis son siège de député a été une catastrophe, une arête dans la difficile respiration du Parlement.
Portrait de « l’idiot de la famille »
C’est le très sémillant Jean Paul Sartre qui, parlant de Flaubert (à qui il avait tellement de choses à reprocher !), s’était servi de cette formule aux allures vexatoires, il est vrai. Et si nous osons l’emprunter pour l’appliquer à Farba, c’est parce que nous avons l’intime conviction que cet homme n’existe et ne peut exister en dehors des idioties qu’il signe avec une outrageante régularité.
Physiquement, le fils d’Aganme a quelques traits du brillant constitutionnaliste Serigne Diop « Sadakhta ». Mais il n’en a ni l’intelligence, ni l’élégance ni l’éloquence. Encore moins cette pondération légendaire qui fait que l’ancien ministre de la Justice ne daigne parler que très opportunément et ne sort de sa bouche que des mots qui nous le font estimer davantage. Farba, lui, se confond à son verbe intempestif, plein d’aspérités et dégoulinant de dérives féodales. La langue de ce monsieur ne semble aujourd’hui être faite que pour donner des ordres. C’est un pistolet automatique qui ouvre le feu sur tout ce qui bouge.
Psychologiquement, notre Farba National est doté d’une « conscience de tracteur » (nous empruntons la formule à Sony Labou Tansi, qui en a fait le titre d’une de ses meilleures pièces de théâtre). Conscience de tracteur, pourquoi ? Parce que Farba – ce n’est pas nous qui l’affirmons, ce sont des gens qui le connaissent bien mieux que nous ! – a des réflexes de destructeur. En effet, comme tous les prestigieux valets, Farba use et abuse de sa proximité avec le « chef » pour orienter ses décisions régaliennes dans le sens de ses intérêts. Il a fini de croire que le fait de laisser une chance de survie à ceux qui ne sont pas d’accord avec ses méthodes plus que brutales est une énorme source de risque pour sa propre légitimité et son emprise sur le « Macky ».
Farba a l’oreille, toute l’oreille du Président, et cela n’est pas un mince privilège, loin s’en faut. Il faut bien alors qu’on se demande pourquoi Macky se voit presque obligé d’écouter (et d’entendre) un tel type, dont il n’ignore pas certainement l’ampleur des carences. Pour le savoir, il faut remonter le temps et aller jusqu’à l’orée de 2008, période pendant laquelle « l’idiot de la famille » s’était montré d’un volontarisme époustouflant, déblayant le chemin de son mentor dans le Fouta profond avec une efficacité d’anthologie. En effet, ceux qui connaissent bien les rouages du compagnonnage entre le griot et son maître reconnaissent très honnêtement que Farba fut somme toute d’un grand apport dans le raz de marée, autrement dit les victoires éclatantes qui couronnèrent les prétentions du « Macky » dans l’un des plus importants milieux Hal Pular du pays. Il avait joué de son influence dans beaucoup de catégories sociales pour faire pencher la balance en faveur de son « champion ».
Les excès d’une contrepartie
Vu tant de persévérance dans l’effort, est-il logique que Farba soit promu, récompensé, auréolé de privilèges ? Sans doute que oui. Le problème est que Farba, pour être récompensé, n’avait pas besoin de pouvoir. En fait, de pouvoir, si, mais pas de pouvoir qui interfère dans le fonctionnement normal de nos Institutions. Farba est maire de sa localité, Agname. Ce n’est pas sa place, et c’est le moins qu’on puisse dire. Farba est député à l’Assemblée Nationale. Là aussi, il n’a rien à y faire, sachant qu’il est absolument incapable de faire avancer d’un iota le Débat. Il peut toujours, à ce sujet, dire qu’il n’est pas le seul à ne pas, alors, avoir sa place sur les travées du Parlement. Et il aurait raison. Et voilà justement qui remet sur la table l’exigence d’une réforme en profondeur de cette écurie d’Augias ; car, de toutes les façons, la bonne Assemblée Nationale de demain, chez nous, sera délestée de ses analphabètes ou ne sera pas. Farba bivouaque au Palais, c’est un secret de Polichinelle. S’il y avait établi ses quartiers pour simplement arroser le maître de céans de flagorneries, on n’aurait pas à redire. Mais l’homme y est avant tout pour « raconter » le Sénégal politique qu’il se plaît à peindre aux couleurs de ses propres aspirations qui, comme nous le savons, transpirent de démagogie.
L’accès au meilleur de nos Institutions n’est pas le seul privilège indu dont se gargarise le fourbu Farba. En effet, il se trouve que le « Macky » a crée les conditions pour que cet homme devienne « immensément riche ». En effet, il est aujourd’hui de notoriété publique que le griot du Président est, en un clin d’œil devenu riche comme Crésus. Il est vrai que le pouvoir en place enrichit toujours d’une manière ou d’une autre ceux qui le portent sur leurs épaules. Là n’est pas donc le problème. Le problème c’est comment et à quelles fins s’en servent-ils. Farba, pour sa part, en fait un usage à la limite outrageant, et pas seulement aux yeux des adeptes de l’assainissement de nos maigres Finances. L’homme, en effet, dépense sans compter, et souvent pour des motifs qui ne se justifient guère. Pire, il utilise sa fortune financière pour acheter des consciences frileuses (qui seront du coup à sa solde et à sa disposition absolue !) mais aussi pour aplatir tous les militants rebelles qui ont le culot de trouver quoi que ce soit à redire sur ses légendaires « farberies ».
La vérité sur son « fief »
On ne saura jamais dire par quelle triste magie cela a pu arriver, mais la mairie de Thilogne est aujourd’hui remorquée par celle d’Agname. Cela veut dire que toutes les dotations normales et logiques devant tomber dans l’escarcelle du maire de Thilogne transitent par Farba (qui est le maire d’Agname). Résultat : le maire de Thilogne se voit obligé, dans bien des cas, de s’adresser à Farba pour recevoir ce qui lui revient de droit. Aujourd’hui, Aganme, qui est somme toute une toute petite localité, possède près de 6 forages, un stade assez bien fait et bien d’autres infrastructures qui sont loin de cadrer avec l’insignifiance de son poids démographique et économique. Là où, très paradoxalement, Thilogne, qui est à quelques pâtés et qui bien plus important en tout, ne possède qu’un seul forage et d’autres infrastructures dérisoires.
Pourtant, malgré tant d’efforts pour se faire adopter par tous ses concitoyens d’Agname, Farba présente une image qui ne passe pas chez certains, surtout du côté de la population jeunes de sa bourgade. A Thilogne, l’homme a fini de monter la vieille garde contre sa personne du fait de la brutalité de ses agissements. En effet, Farba ne serait même pas capable de s’acquitter correctement d’un acte de générosité. Et c’est ce qui fait que, naguère, pendant le Ramadan, une bonne poignée de marabouts de la localité lui a retourné avec force mépris les quelques kilos de riz et la modique enveloppe de 100 000 frs qu’il a eu le culot de leur faire parvenir sous forme d’acte de générosité de la part du Président Sall. Ce que la Présidence s’est finalement résolue à démentir très diplomatiquement, histoire de sauver les meubles.
Les conséquences des « farberies » du fourbe Farba en haut lieu…
La présence très inopportune de Farba « à la droite »du chef de l’Etat, c’est-à-dire donc dans l’endroit le plus intime du couple présidentiel, crée des dégâts insoupçonnés qui pourraient, dans un temps pas long, engendrer des frustrations atomiques. En effet, la proximité de Farba avec le « Macky » est bien trop intrigante, en ce sens qu’il joue à semer la zizanie entre le chef de l’Etat et tous ceux qui, par leurs compétences avérées ou leur militantisme légendaire, sont censés minoriser sont pouvoir d’influence sur le couple présidentiel. Farba joue régulièrement à semer la terreur dans le camp des premiers souteneurs du « Macky » et utilise des méthodes peu catholiques pour faire le vide autour de lui. Pour avoir compris que le chef de l’Etat lui laisse les coudées franches, cet homme inélégant en tout passe le plus clair de son temps à placer, à déplacer, à faire entrer, à faire nommer, à faire renvoyer, à faire promouvoir, en faveur des ses propres « pions », bien sûr, et toujours ou presque en défaveur de ses potentiels adversaires ou possibles ennemis dans le giron présidentiel.
Un tel homme est un cas pathologique qui mérite bien qu’on prévienne son maître en ces termes : « Monsieur le Président, arrêtez votre griot Farba avant qu’il ne soit trop tard… »
Mamadou Ndiaye
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