Le baccalauréat est le premier diplôme universitaire, très prisé par les scolaires, il reste et demeure un indicateur de qualification, de maîtrise des connaissances et des compétences ; c’est un rêve de tous les potaches de réussir avec brio les épreuves liées à cet examen. Il fut un moment où le Bac était une affaire du quartier, du village, de la famille et aussi une question d’honneur pour les candidats et pour leurs parents. Les candidats n’étaient pas si nombreux, connus de tous et épiés par tout le monde. C’est la belle époque où le Bac était la clef du succès, de la réussite sociale, l’emploi était quasi garanti avec l’obtention de ce parchemin.
Aujourd’hui, plusieurs facteurs combinés font que le Bac perd sa substance et son lustre d’antan, il devient ordinaire aux yeux des populations, déprécié par un certain public nostalgique, qui en appelle à la qualité et à la crédibilité du diplôme, tant les produits sont nombreux à être médiocres. De nos jours, force est de constater que de plus en plus, la réussite devient l’exception et l’échec la règle générale. Ce qui est très grave. En fait, loin d’être un concours, le baccalauréat est un simple examen. Ce qui veut dire que des réussites de l’ordre de 100 % ne devraient point surprendre. Le triangle pédagogique constitué des trois pôles que sont les parents d’élève, l’Etat et les enseignants, nous amène à porter notre réflexion successivement sur ces trois acteurs majeurs qui mobilisent leurs énergies et les centralisent au profit du devenir des enfants, futurs responsables du développement de notre pays.
Les parents
Ils sont les premiers responsables, en tant que géniteurs et protecteurs primordiaux de l’intérêt de leurs enfants, devenus des enfants de la Nation, et parce qu’ils sont enfants et vulnérables, ils ont la charge de veiller scrupuleusement sur l’éducation de ceux-ci. Ils sont trop nombreux, les parents, à n’avoir aucune conscience liée à cette nécessité de prise en charge, de suivi scolaire et de contrôle des activités pédagogiques de leurs enfants, aussi bien à domicile qu’à l’école. Il faut qu’ils soient sensibilisés davantage, afin qu’ils puissent optimiser leurs interventions et leur participation en faveur du développement du système. Ils participent certes de la mobilisation financière à travers les cotisations, les inscriptions des élèves et les constructions scolaires engagées quelques fois sur fonds propres, surtout dans le monde rural, mais ils feraient mieux s’ils ne se désengageaient pas, s’ils ne fuyaient pas certaines responsabilités.
En effet, ils peuvent rester tout un cycle sans passer à l’école, ils ne connaissent pas les noms des professeurs de leurs enfants, encore moins des administrateurs scolaires qui encadrent leurs enfants. Les conditions d’études et les environnements scolaires, marqués par la précarité des abris provisoires très hostiles ne sont pas souvent inquiétants et alarmants pour eux. Ils se soucient peu des programmes de télévisions déviants, des pollutions nocturnes sonores qui entravent le niveau d’attention et de concentration des élèves, en banlieue surtout et de la «cantinisation» tous azimuts des espaces scolaires, devenus des terrains d’entraînement de jeunes lutteurs en quête de popularité ou d’équipe de navétanes qui ne songent jamais à organiser dans lesdits lieux des cours de renforcement durant les vacances scolaires.
Ils sont aussi insensibles par rapport à la promotion des contre-valeurs éducatives. En effet, l’Ecole n’est plus pour beaucoup de parents un levier pour une réussite sociale, ce n’est plus un ascenseur social garanti. A côté, le système Lmd (lutte, match et danse) fait foison, de même que la Bbb (birbi, barada bi ak balbi) (le manger, le thé et le ballon), l’argent devient un indicateur de réussite sociale, les méthodes et moyens de son acquisition importent peu. Une société en déliquescence dans laquelle le savoir n’est plus valorisé comme cela devrait l’être.
L’Etat
IL est aussi un responsable de premier plan, ayant en charge l’administration et la gestion des écoles publiques. Il forme, recrute les enseignants, les affecte et crée les conditions de réussite scolaire des élèves au nom du principe selon lequel tous les enfants ont droit à une éducation de qualité.
L’Etat a en outre des obligations vis-à-vis des travailleurs, souvent organisés en syndicats pour défendre leurs intérêts matériels et moraux. Les syndicats d’enseignants sont les premiers partenaires de l’école et sous ce rapport, devraient travailler sans cesse dans le sens de la promotion de l’école et de ses produits. Leurs relations sont souvent heurtées. Une étude a montré qu’on perd une année académique entière pour un cycle complet de formation, c’est dire que depuis 1988, huit ans après les Egef (Etat généraux de l’éducation et de la formation), l’école sénégalaise est dans une situation de conflit permanent. Or, s’il y a une vérité, c’est de dire que la paix en milieu scolaire est l’intrant de qualité et de performance scolaire par excellence. Tous ces enfants qui perdent chaque année deux à trois mois de cours, compte non tenu des fêtes multiples et de vacances scolaires anticipées ou prolongées. Le quantum horaire est fortement affecté chaque année. Excepté les classes d’examens, les programmes ne sont presque jamais bouclés dans aucune des disciplines des classes intermédiaires. En situation d’examen, les élèves traînent des lacunes, des carences et manquements accumulés, difficiles d’y remédier.
La stabilité du système est un impératif de qualité, comme du reste, la question de la formation continuée des enseignants, la question de l’élimination des abris provisoires, de dotation en quantité suffisante de matériels pédagogiques et de manuels adaptés et appropriés, selon le profil de sortie en vue.
Les enseignants
Craies en mains, ils sont les acteurs clefs de la réussite des élèves. Les performances et incuries de ces derniers sont aussi les leurs. Ils sont les premiers à répondre des contre-performances des élèves. Il faut convenir qu’on ne naît pas enseignant, mais on le devient. Cela suppose la volonté préalable de l’intéressé et la vocation que l’on se forge pour s’acquitter honorablement de cette mission très noble. L’autoformation, la formation par les pairs à travers les mutualisations dans le cadre des cellules pédagogiques, est insuffisante. La formation qualifiante pour les nombreux enseignants recrutés dans le cadre des quotas sécuritaires comme volontaires et vacataires, est fort heureusement, dans une phase de généralisation. Il faut toutefois noter que la plupart des enseignants intervenant dans le secondaire sont titulaires de diplômes professionnels requis pour enseigner dans les collèges ou en sont totalement dépourvus, sans compter les trois cents (300) professeurs de philosophie qui attendent une qualification.
Ils sont aussi au début et à la fin des évaluations et du processus de notation des apprenants. Des sujets, des épreuves mal choisis peuvent être quelques fois à l’origine des hécatombes enregistrés ça et là. Les épreuves doivent être en corrélation et en parfaite adéquation avec les objectifs des activités d’enseignement et d’apprentissages. Voilà autant de raisons qui pourraient justifier la faiblesse des taux, qui gravitent autour de 30% depuis belle lurette. 38% en 2012, 31% en 2015 et cette année les tendances les plus sérieuses tournent autour de 28% pour le premier tour.
Pour le Bfem, les tendances du département de Podor donnent un pourcentage du premier tour de l’ordre de 21%, chose pas du tout conforme au regard des efforts considérables de l’Ief en termes d’encadrement, de stimulation et de motivation, avec les évaluations standardisées communes, le Bfem blanc souvent organisé pour mieux préparer les candidats du département. Le mobile des contre-performances pourrait se situer pour Podor et pour les régions périphériques de façon générale, par la jeunesse et l’inexpérience du personnel enseignant. Ce sont des endroits d’incubation, qui réceptionnent les jeunes enseignants en mal d’expertise. Au bout de quelques années, ils sont tous candidats au départ. Un bon système de motivation devrait être trouvé pour les fixer le plus longtemps possible dans certaines zones déshéritées.
La qualité est à portée de main, le génie sénégalais en matière d’éducation a généré suffisamment de personnes-ressources pour venir à bout de cette calamité qui impacte très négativement l’émergence du pays.
Thierno Abasse DIALLO
Sg Coalition nationale Ept Pdt Udes (Union pour le développement de l’école sénégalaise)
Principal du CEM de Touldé Gallé Ief de Podor