Je ne cesserai jamais de dire que le fond du problème dans nos pays est le système absurde dans lequel nous nous sommes enfermés et refusons de sortir. Un système que nous n’avons ni choisi , ni conçu ou songé à améliorer. S’il est vrai qu’il ne faut pas changer une équipe qui gagne, serait il nécessaire de préciser qu’une équipe qui perd tout le temps devrait être changée? Autrement dit, après plus de 60 ans d’indépendance, avec le système actuel, nos États peinent toujours à répondre aux attentes les plus basiques des populations et rien n’a été fait pour changer de système.
La pauvreté, la misère sociale, les inégalités, l’analphabétisme, la famine, le chômage, n’ont fait que s’accentuer. Pendant ce temps, nos politiciens professionnels au pouvoir n’ont cessé de devenir, de plus en plus, riches avec un train de vie digne d’un milliardaire saoudien. Le paradoxe est que malgré un tel échec du système, nous refusons de nous poser les bonnes questions afin d’apporter les bonnes mesures correctives.
Aux petits maux, les bons remèdes dit-on. Je trouve absurde que des millions de citoyens acceptent de confier leur destin en tant que nation à une seule personne. Dans nos pays,le Président de la République a trop de pouvoirs. Il se fait tailler la part du lion dans la constitution. En effet, toutes nos constitutions successives ont été intégralement rédigées par et pour étendre sans cesse les pouvoirs de ce dernier. La preuve en est qu’ à chaque Président, élu, sa propre constitution taillée sur mesure avec la complicité de juristes corrompus.
D’ailleurs, cette attitude égoïste saute aux yeux à l’article 37 de notre constitution qui précise qu’il lui est interdit de cumuler la fonction de Président de la République avec celle d’un mandat électif (député, conseiller municipal par exemple) ou d’employé dans le secteur public ou privé mais, paradoxalement, l’article précise que « Toutefois, il a la faculté d’exercer des fonctions dans un parti politique… ».
Justement, le nœud du problème se trouve dans le fait qu’il est incompatible de défendre les intérêts du peuple tout en étant chef d’un parti, d’un clan qui fait passer ses intérêts avant ceux du peuple. Nous pouvons constater qu’au lieu de travailler afin de respecter leurs promesses électorales, nos différents chefs d’État qui se sont succédé sont plutôt obstinés par l’obtention d’un second mandat ou la conservation du pouvoir quel qu’en soit le prix.
Ce qui, non seulement, installe le pays dans une campagne électorale permanente mais l’oblige à récompenser les membres de son parti dans un souci de les fidéliser par des nominations partisanes légitimées par la constitution. Ainsi, la séparation des pouvoirs est bafouée. Le Président arrête la liste des députés qui, au lieu d’être des représentants du peuple, se comportent comme des robots de la majorité présidentielle.
Toute la nation se retrouve, ainsi, otage d’un clan qui, sous couvert d’un parti, pille les ressources en créant de nouveaux riches sortis de nulle part. Une autre raison qui justifie la suppression de la fonction de Président de la République est que celle ci nous coûte excessivement chère. Officiellement, le budget de la Présidence est de près de 73 milliards d’après la loi finance 2016, ce qui est déjà trop.
A celui ci, on peut ajouter plus de 600 milliards en fonds politiques gérés dans une totale opacité. Il devient absurde pour un pays pauvre très endetté de maintenir un tel train de vie du Président de la République avec ses centaines de ministres conseillers et conseillers spéciaux. Nul, à part lui et son entourage, ne connaît vraiment leur nombre exact.
Au nom de quoi, une personne devrait elle gouverner seule pendant plusieurs années en ayant le pouvoir de nommer à tous les emplois civils et militaires, d’être le Chef suprême des armées, Président du conseil supérieur de la magistrature, de déterminer la politique de la nation, d’être le responsable de la défense nationale et le Conseil national de sécurité , d’avoir le droit d’accorder la grâce simple ou la grâce amnistiante… ? De tels pouvoirs ont pour conséquences les dérives que nous observons depuis 1960 dues à l’ivresse d’un pouvoir exécutif qui échappe à tout contrôle par le peuple qui l’a élu ou par ses représentants.
Nos réalités sont différentes de celle de la France, à qui nous avons hérité le même système politique. En France, il y a un minimum d’indépendance de la justice. Elle peut, par exemple, mettre en examen, en toute indépendance, un ancien président de la République, ce qui semble être impossible dans nos pays. Je propose donc la suppression de la fonction de Président de la République.
Il faut rendre le pouvoir au peuple souverain grâce à un régime parlementaire avec un Premier Ministre qui ne peut être élu que pour un mandat de 7 ans non renouvelable. Son action est évaluée à mi-mandat à travers une consultation systématique du peuple par voie référendaire qui lui renouvelle ou non sa confiance.
Bien-sûr, pour éviter une instabilité politique, il faudra définir une large majorité en cas de révocation (par exemple 60% des voix au minimum). Tous les postes de l’administration devront faire l’objet d’un concours ou d’un appel à candidatures et seul les critères de probité morale, de loyauté, de patriotisme et de compétences devront faire la différence entre les candidats. Les députés devront se présenter dans leurs localités sous aucune bannière politique.
N’importe quel citoyen qui jouit de ses droits civiques pourra être candidat. Ainsi, les listes conçues par les partis politiques sont supprimées. Un député ne percevra plus un salaire (traitement) fixe mais plutôt une indemnité en fonction de son taux d’assiduité. Il peut être révoqué à travers un référendum local en cas de défaillance notoire. Le Premier Ministre ne pourra interférer dans aucun dossier judiciaire. Il sera privé d’un pouvoir de grâce.
Cependant, un organe composé de personnes dont leur sagesse est reconnue et les expériences remarquables pourra se réunir une ou deux fois par an avec des professionnels de la justice et d’experts, traditionnellement consultés dans les cours et tribunaux, pour étudier les possibilités de grâce ou d’amnistie. Je propose également la suppression des fonds politiques qui pourront faire l’objet d’une gestion transparente par un organe à définir.
Ces fonds constituent un excellent moyen pour financer la transhumance et récompenser une clientèle politique. La fonction de Président de la République nécessite un pouvoir judiciaire indépendant et suffisamment outillé pour veiller au respect des lois et de la constitution. Elle nécessite également un pouvoir législatif, réellement indépendant, qui contrôle l’action de l’exécutif.
Le système actuel est pire qu’une monarchie. Il plonge nos hommes politiques dans une forme de course, à la quête et à la conservation du pouvoir, qui ne peut en aucune façon être dans l’intérêt du peuple, censé être souverain. Ce dernier continue de tout faire pour survivre dans un monde qui s’apparente, de plus en plus, à une jungle où les plus forts s’unissent et écrasent les plus faibles qui sont divisés à force de manipulations.
Serigne Mbacké FALL