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Retrait Des Enfants De La Rue Et Interdiction De La Mendicité : Monsieur Le Président, N’allez Pas à Canossa Devant Les Rentiers De La Foi

Retrait Des Enfants De La Rue Et Interdiction De La Mendicité : Monsieur Le Président, N’allez Pas à Canossa Devant Les Rentiers De La Foi

La rafle des handicapés mendiants a été certes un excès mais elle ne devrait pas servir de prétexte à une reculade du gouvernement sur la question de la traite «des enfants de la rue» et de la lutte contre le business de la mendicité. «Un homme d’Etat, c’est du caractère et des circonstances», disait Napoléon. Par caractère, on entend surtout le courage politique de faire ce qui est juste ou ce qui est bien pour le pays, sans se soucier de sa cote de popularité. C’est le courage politique qui vous fait entrer dans l’histoire. De Gaulle a eu le courage politique de dire non à la défaite en juin 40. De même que Churchill, qui a eu le courage politique de dire non à la capitulation devant les hordes et l’armada nazi. Espérons que Macky Sall aura le courage politique de ne pas reculer sur le retrait des enfants de la rue.

Espérons qu’il n’ira pas à Canossa devant les rentiers de la foi qui exploitent honteusement les enfants. Cet esclavage est une ignominie pour notre pays. On ne devrait même pas attendre les injonctions de bailleurs pour y mettre un terme. C’est une faute morale. Il faut juste regretter que le gouvernement ait attendu les injonctions des bailleurs pour s’attaquer à cette industrie de la mendicité, qui balafre le visage de notre capitale. Le Sénégal n’est pas le pays le plus pauvre de la sous-région mais à coup sûr, c’est le pays qui fait le plus étalage de pauvreté en Afrique de l’Ouest. Tendre la main est devenu notre culture nationale comme l’attestent tous ces jeunes qui, pendant le ramadan, à l’angle de toutes les rues, tendant la main, exigeant une dime pour le café. Un pays n’émerge pas avec le «Diapsi», devenu un réflexe national. Je reviens de la Côte d’Ivoire. Ce pays qui se veut émergent fait étalage de prospérité, alors que le Sénégal fait étalage de misère.

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Les talibés sont exploités par des enturbannés paresseux, sous prétexte de leur enseigner le Coran, alors que tout le monde sait qu’ils n’apprennent rien du tout. Les enfants sont dans la rue de 5h du matin à minuit. Des Baye Fall qui n’ont rien à voir avec la philosophie originelle de Cheikh Ibra Fall, instaurent des péages aux passants. Cette industrie de la mendicité a créé un appel d’air et Dakar est devenue la Mecque des mendiants de la sous-région. On clame partout et à tue-tête nos valeurs parce que la plupart du temps cela relève de l’incantation pour se donner bonne conscience. C’est incroyable, la facilité avec laquelle les Sénégalais tendent la main. A chaque croisement de Dakar on est interpellé par des hommes et femmes en bonne santé, qui préfèrent tendre la main. C’est tellement plus facile et rentable. Quand le «fissabillilah» devient plus rentable que le «dane dolé», pourquoi se tuer au travail ? C’est pourquoi Dakar est envahie de dames bien portantes qui rechignent à faire les petits boulots et qui organisent leur vie de famille sur les grands boulevards et terre-pleins, à commencer par la place de l’Indépendance, à quelques mètres du Palais Présidentiel.

Ce qui est sûr, c’est qu’un pays ne peut pas se dire émergent et faire étalage de sa misère à tous les coins de rue, même devant les restaurants et pizzerias où on a l’impression que la jeune dame ou le talibé qui vous barre la route à la sortie par un chantage psychologique, cherche à vous donner mauvaise conscience parce que vous vous êtes payé une pizza. C’est tout de même regrettable qu’on ait attendu des injonctions des bailleurs pour ouvrir les yeux ou ne plus regarder de l’autre côté. Même regarder pudiquement de l’autre côté était devenu impossible, car il y en avait de tous côtés. Le Président a posé un acte fort, mais il doit éviter que son initiative soit comme celle de Wade, qui était parti à Canossa devant les rentiers de la foi. Malheureusement l’histoire risque de se répéter, avec les reculades du gouvernement qui cherche à distinguer talibés et enfants de la rue alors que c’est la même chose. Par principe aucun enfant ne devrait être dans la rue pour tendre la main au profit d’un adulte.

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Il y a 55 pays musulmans dans le monde. Pourquoi le Sénégal serait le seul pays au monde où il y a un lien dialectique entre apprendre le coran et mendier. Même les obscurantistes talibans gardent leurs enfants dans les medersa. Si le phénomène des talibés a perduré aussi longtemps, c’est à cause du manque de courage politique de nos gouvernants et de l’égoïsme de nos élites intellectuelles et religieuses, car aucun enfant de ministre, de haut fonctionnaire et de l’élite économique, ne fait partie des enfants de la rue à Dakar. Les élites s’organisent pour trouver des oustaz qui apprennent le coran à leurs enfants. Les élites religieuses forment elles-mêmes leurs enfants ou les envoient à Coky, à Pire ou Fass Touré qui sont de véritables écoles. Si tous les maîtres coraniques du pays se ruent à Dakar, c’est parce que simplement pour eux, il y a un primat de la rente sur le Coran.

Naturellement toute personne qui va s’élever contre l’exploitation des enfants sera accusée de combattre l’Islam. Ça se comprend. Les rentiers de la foi défendent leur beurre en usant souvent de procédés très staliniens. Après les ennemis du peuple des staliniens, les esclavagistes d’enfants ont créé la notion «d’ennemis de l’islam» pour protéger leurs rentes.

Il est aussi temps de sortir de l’opposition stérile entre l’école dite «française» et les daaras, parce qu’il n’y a plus d’école française mais une école sénégalaise où l’on apprend l’histoire et la géographie du Sénégal, où l’on est formé par des Sénégalais avec des programmes conçus par des Sénégalais. On y apprend l’histoire du Cayor du Fouta, la résistance de Cheikh Ahmadou Bamba face aux colons. Dans cette école, on n’y apprend plus «nos ancêtres les Gaulois», ni Marignane ou Valmy, on y apprend la bataille de PaosKoto. Dans cette école on est socialisé en tant que Sénégalais. Le Français n’y est qu’une langue de travail comme auraient pu l’être l’arabe, le Russe ou l’anglais, qui ne sont que des instruments. La langue est un instrument tellement relatif que le Rwanda est passé du français à l’anglais. Les deux écoles ne s’opposent pas. Elles sont complémentaires. C’est d’ail­leurs ce qui fait la grandeur et le charme du Sénégal : profondément enraciné, mais ouvert sur le monde.

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Yoro DIA

Politologue

diayero@gmail.com

Yoro DIA

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