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La Coupe Abusive De Bois N’est Pas L’apanage De La Casamance

La Coupe Abusive De Bois N’est Pas L’apanage De La Casamance

Régulièrement, la presse sénégalaise traite à sa une le pillage de la forêt casamançaise par un pays voisin avec la complicité d’un pays ami. Des camions chargés de bois sont régulièrement pris en flagrant délit de pillage de nos arbres, des bandits coupeurs de bois arrêtés et présentés au public et à la presse avec une satisfaction visible des agents des eaux et forêts, des dizaines de charrettes et du matériel de bucherons exhibés. Tout cela en présence des autorités administratives locales ou nationales qui s’engagent toujours au nom de l’Etat, qu’il sera mis un terme au pillage de la forêt casamançaise.

On est cependant obligé de constater pour le regretter que depuis des années, le pillage de la forêt casamançaise se poursuit au vu et au su de tout le monde, souvent avec la complicité de certains élus locaux, de chefs de villages et des populations. Face à ce scandale écologique d’une exceptionnelle gravité pour l’avenir du pays, l’Etat semble impuissant. Depuis plus d’une décennie, notre voisin dont personne n’ose couper un cure-dent dans sa forêt, fait tourner ses scieries avec nos arbres et est le fournisseur en bois de menuiserie d’un grand pays. Au rythme où se poursuit le pillage de la forêt de la Casamance, notre plus grand poumon vert va disparaître inévitablement et laisser la place à un paysage semblable à celui du Sine Saloum, qui lui aussi est victime de la coupe abusive de bois.

La coupe abusive de bois n’est donc pas l’apanage de la Casamance. Le Sénégalais lambda peut penser que le pillage de nos arbres se fait uniquement en Casamance. C’est loin d’être le cas. Ceux qui s’intéressent à nos arbres et à nos forêts classées savent que c’est tout le Sénégal qui est victime de coupes abusives de bois.

Nos arbres, souvent centenaires, sont abattus sous le regard impuissant des populations, si elles ne sont pas complices. On fait du charbon, au mépris des lois, dans toutes les régions du Sénégal et les carboniseurs sont pratiquement tous des étrangers.

La région de Kaffrine qui va accueillir le Chef de l’Etat à l’occasion de la 33ème Journée nationale de l’Arbre, est elle aussi victime de pillage de ces bois. On fabrique illégalement, dans la quiétude, des tonnes et des tonnes de charbon dans les quatre départements de la région. Cela n’est un secret pour personne dans les communes.

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Je voudrai rappeler que la région de Kaffrine a beaucoup souffert des cycles de sécheresse des années 70. Beaucoup de nos arbres et arbustes ont disparu définitivement avec cette calamité. C’est en Gambie, où la forêt est protégée grâce aux sanctions sévères infligées aux coupeurs clandestins de bois, que l’on trouve les essences disparues du paysage de notre région.

La coupe illégale de bois pour la production de charbon par carbonisation n’est pas la seule menace de notre cadre de vie dans la région de Kaffrine. Certains gros producteurs agricoles, au mépris du code forestier, se livrent depuis les années 2000, au vu et au su de l’administration impuissante, à un défrichage systématique des forêts classées pourtant réservées à la préservation de la biodiversité et au pâturage. Les forêts classées, poumons verts du Sénégal et espaces de protection et de préservation de la faune et de la flore, sont en train de disparaître comme peau de chagrin sous la pression de l’agriculture, avec un silence inexpliqué de l’administration.

Les charlatans qui opèrent dans les villes, notamment à Dakar avec leurs écorces et racines, sont des destructeurs notoires du couvert végétal. En débarrassant nos arbres et arbustes de leurs écorces et/ou racines, les tradipraticiens sont aussi des pilleurs de nos forêts, tout aussi éconuisibles que les autres agresseurs de nos arbres que sont les charbonniers, les défricheurs intouchables et les élagueurs irrespectueux de l’environnement.

L’arbre est indispensable à la vie comme l’eau. Le couvert végétal est une usine de production d’aliments qui nous sont indispensables, de recyclage de CO2 qui est responsable majoritaire du réchauffement climatique et est producteur d’oxygène que nous respirons pour vivre. C’est pour ne pas perdre de vue l’importance du règne végétal dans la vie des hommes que le Sénégal a instauré depuis 1983, la Journée nationale de l’Arbre. Cette journée est toujours une occasion pour sensibiliser les Sénégalais sur l’importance de l’arbre pour leur environnement et les inciter à planter chacun un arbre, partout où il aura la possibilité de le faire.

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Au-delà de son rôle alimentaire et sur la qualité de vie des populations, l’arbre participe au développement économique du Sénégal. L’économie forestière, très dynamique au Sénégal, est génératrice de revenus pour les populations rurales et est créatrice d’emplois.

La région de Kaffrine est très riche en arbres fruitiers d’intérêt national qui procurent des revenus substantiels aux populations. Il est regrettable que lors de la cueillette, les chercheurs de fruits souvent venus d’ailleurs se livrent à des élagages sauvages des arbres (tamarins, jujubiers, dimbe, soumpe, baobabs, allom, saune,…). Ces pratiques irresponsables et irrespectueux de la nature ont fait disparaître beaucoup d’arbres fruitiers ou leur ont fait perdre l’aptitude à la fructification.

La période de soudure pour le bétail (Juin-Juillet) est aussi un moment d’élagages sauvages des arbres dans notre région. Les bergers souvent venus d’ailleurs (Djoloff, Fatick, Ferloo et Khelkom) élaguent tout arbre dont les feuilles sont consommables par leur bétail. Cette agression des arbres souvent centenaires et protégés par les populations sédentaires, est régulièrement source de conflits entre agriculteurs et éleveurs de passage.

En plus de la nécessité de planter des arbres pour maintenir ou renforcer notre couvert végétal, le respect des arbres in situ devrait être retenu comme thème pour la sensibilisation des populations à l’occasion de la Journée nationale de l’arbre. Planter des arbres n’a de sens que si on protège ceux qui sont déjà là et on veille sur ceux qui viennent d’être plantés.

Le département de Birkelane constitue un exemple-type en matière d’agressions écologiques. On produit illégalement du charbon dans toutes les communes. Les transhumants et les cueilleurs de fruits élaguent chaque année des milliers d’arbres pour nourrir leurs animaux. Il faut noter aussi qu’au rythme où les gros producteurs agricoles défrichent les forêts classées, bientôt ces espaces de préservation de la biodiversité et du pastoralisme vont disparaître définitivement de notre département.

Les populations du département fondent beaucoup d’espoir sur la visite du Président de la République pour qu’un terme soit mis à la déstructuration de notre couvert végétal.

Le service des Eaux, forêts et chasse de Birkelane fait un travail remarquable et remarqué. Le choix de Keur Mbouk pour accueillir le Chef de l’Etat est pour nous une reconnaissance de ce travail exemplaire des agents commandés par le Lieutenant Dème. Le service des Eaux, forêts et chasse livre un combat sans concession et sans faiblesse aux bandits coupeurs ou élagueurs d’arbres dans tout le département. En matière de protections des arbres, le slogan des Efc pourrait être tolérance zéro pour tous les agresseurs des arbres dans le département.

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Pour permettre aux agents des Efc d’accomplir plus efficacement leur mission, il est souhaitable que l’Etat leur donne plus de moyens humains, logistiques et financiers. La pression est si forte sur le couvert végétal et les forêts classées que l’Etat du Sénégal doit durcir sa politique nationale en matière de protection de la nature. Le pillage de nos ressources végétales a dépassé le seuil du tolérable.

Le code forestier doit être revisité pour qu’il soit mieux adapté à la situation nouvelle. Dans le sillage des mesures prises pour sécuriser le Ranch de Dolly, le point sur les Forêts classées est une nécessité. La préservation de la biodiversité, la nécessité d’avoir des poumons verts protégés à travers le Sénégal ainsi que le besoin d’aires de pâturage pour le pastoralisme, impose à l’Etat l’obligation de mettre les arbres et la forêt hors de portée des coupeurs abusifs et des agriculteurs. Une commission nationale d’enquête sur l’occupation illégale des forêts classées me parait urgente si l’Etat est attaché à la protection de la nature et à la promotion du pastoralisme.

 

Pr Demba SOW

Professeur titulaire de Génie des Procédés

Ecole Supérieure Polytechnique

Ucad

Pr Demba SOW

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