Deux alternances libérales durant lesquelles se sont succédé le Pds et le «wadisme sans Wade» de l’Apr et Bby après 20 ans de pouvoir social-libéral, enferment le Peuple dans une prison où selon la juste expression d’un citoyen, «un homme condamné pour 69 milliards est gracié par le Président ; un homme accusé de vol de 74 milliards, demande qu’on éclaircisse, mais le résident de la République arrête le procureur ; l’Ofnac publie un rapport qui épingle des directeurs généraux, mais c’est le directeur de l’ Ofnac qui va être renvoyé ; un homme inculpé pour corruption est nommé Pca dans le même secteur et va gérer des milliards ; une entreprise créée il y a 6 mois est attributaire par gré à gré d’un marché de 150 milliards ; un étranger se voit indemniser 13 milliards pour un marché qu’on lui avait donné par entente directe et se voit offrir un autre de 50 milliards ; des délinquants financiers notoires sont blanchis par la justice puis nommés à des postes de responsabilité parce qu’ils ont transhumé vers le parti présidentiel ; une mafia internationale s’est emparée de notre pétrole et de notre gaz ; un ministre gagne des marchés de l’Etat ; un Dg d’une entreprise nationale fait signer un marché de plusieurs milliards au profit d’une entreprise dont il est actionnaire ; les impôts des députés ne sont pas reversés au Trésor et le budget de 16 milliards de l’Assemblée nationale n’est soumis à aucun contrôle» (Dakar Actu 29/07/16).
A ces forfaits, il faut ajouter la signature des Ape qui vont livrer le pays aux multinationales de l’Ue, l’intégration aggravée dans les réseaux mafieux de la Françafrique, l’engagement du pays dans les guerres des impérialistes et de leurs alliés intégristes des pétrodollars qui va faire du pays une cible des terroristes, le renouvellement des privatisations bradage des entreprises nationales stratégiques à l’instar de la Sonatel, la suspension arbitraire et illégale d’un fonctionnaire des impôts pour avoir fait son travail citoyen, etc.
Voilà la «gouvernance» libérale dans laquelle la direction du Pit veut rester accrochée par la lutte des places pour des postes ministériels avec ou sans portefeuilles, de Pca, etc.
Voilà ce contre quoi les communistes révolutionnaires au sein du Pit ont décidé de se lever pour faire revenir leur parti vers la lutte des classes des travailleurs et des forces populaires contre le pouvoir libéral, la bourgeoisie compradore et l’oppression impérialiste. Cette contradiction salvatrice traverse tous les partis de la Gauche historique.
Collaboration de classe au Gouvernement libéral et social libéral
Justifiant la lutte des places au gouvernement libéral, Amath Dansokho, ci-devant président du Pit, tient les propos suivants devant le congrès de son parti : «Il ne faut pas qu’on se presse, la révolution, le socialisme n’est pas un acte unique, ne se fait pas en un jour» ; «il y en a qui veulent accélérer la révolution, c’est plus facile d’administrer des oukases que faire la lutte de classes que nous faisons au pouvoir, car les modalités de celles-ci ont changé» ; «contre la corruption, on a mis des instruments en place, mais on n’en finira pas demain, aux Usa on vole on va en prison, en France on est puni par la justice, en Chine on est condamné à mort, mais malgré tout çà, la corruption continue»; «nous nous félicitons et sommes déterminés avec nos camarades du Ps et de la Ld à être avec le Président Macky et Bby» ; «nous n’allons jamais mêlé nos voix avec Wade et le Pds» ; «Wade et le Pds ont pillé le pays, il n’y avait plus rien dans les caisses, c’est par le sérieux du Président Macky Sall que nous avons le Pse».
L’actuelle direction du Pit signe ici son abandon total de la lutte pour une alternative antilibérale, anti-impérialiste, patriotique a fortiori révolutionnaire et communiste, au libéralisme et à l’oppression nationale subis par le pays, l’Afrique et le Peuple.
En fait, ce qui arrive aujourd’hui aux dirigeants du Pit (et Aj l’a expérimenté lors de la première alternance libérale) a fait l’objet d’une mise en garde pertinente d’Engels en 1894 : «Après la victoire commune, on pourrait nous offrir quelques sièges au nouveau gouvernement – mais toujours en minorité. Cela est le plus grand danger. Après février 1848, les démocrates socialistes français (…) ont commis la faute d’accepter des sièges pareils. Minorité au gouvernement des républicains purs, ils ont partagé volontairement la responsabilité de toutes les infamies votées et commises par la majorité, de toutes les trahisons de la classe ouvrière à l’intérieur. Et pendant que tout cela se passait, la classe ouvrière était paralysée par la présence au Gouvernement de ces messieurs, qui prétendaient l’y représenter» (La révolution italienne à venir et le Parti Socialiste – P.486).
Effet de cet enseignement clairvoyant d’Engels, ce congrès a vu émerger une opposition interne des militants révolutionnaires communistes qui ont fait capoter la tentative d’Opa anti-statutaire et anti-démocratique des dirigeants «historiques» du Pit. Cette opposition s’est manifestée au moment de l’élection du Bureau Politique (Bp) et du Secrétariat par le Comité central (Cc) élu par le congrès. Plusieurs candidats ont été présentés au Secrétariat général, dont le ministre du Travail et son directeur de Cabinet, et malgré les manœuvres des dirigeants opportunistes, ce congrès s’est achevé sans élire les instances mentionnées. Finalement, le mandat donné au Cc est de le faire ultérieurement. Les chefs opportunistes ont ainsi été mis en échec, la suite dira comment se terminera cette lutte interne entre réformistes collabos des libéraux au pouvoir, et révolutionnaires communistes qui veulent sortir leur parti de l’ornière de la collaboration de classe.
Aucune délégation africaine (par exemple Alnef pourtant présidé par le Pit) ou internationale n’était présente, aucune lecture de messages de «partis frères» non plus à ce congrès. Le rapport présenté par le Secrétaire général sortant ne fait non plus aucune allusion à la situation internationale. Est-ce là un gage à l’allégeance aveugle au Président libéral ? L’alpha et l’omega de l’horizon politique visé par les chefs «historiques» se résument à l’arrimage du Pit au pouvoir et à l’alliance Bss et Bby. C’est dire à quel point la dégénérescence idéologique et politique mine les chefs «amis du Peuple» du Pit et plus largement, de la Gauche historique.
Manifestement, la Confédération pour la démocratie et le socialisme (Cds) n’est qu’un faire-valoir, il y est fait juste allusion pour le rôle supposé «principal» du Pit dans sa fondation comme application de la décision sur la «confédération» du 5ème congrès.
«Organiser le siège en règle de la forteresse ennemie» (Lénine)
Après l’expérience des deux alternances libérales et plus de 20 ans auparavant, du social-libéralisme du Ps, les travaux pratiques de la collaboration de classe ont conduit tour à tour au discrédit dans les masses et ensuite dans les partis eux-mêmes des directions des différents partis de la Gauche historique inféodés aux pouvoirs successifs.
Les deux alternances libérales ont été marquées par une montée des contestations au sein de chaque formation politique, des orientations et politiques qui aboutissent à la participation servile dans les gouvernements néocoloniaux.
Nous expérimentons ainsi ce que Lénine a appelé, «les armées battues sont à bonne école». La démarcation et de la rupture avec le cours libéral néocolonial antinational et antisocial, (qui aggrave l’oppression impérialiste et sa nature prédatrice, qui causent le sous-développement), posent au sein de chaque force de gauche, la question cruciale de l’unité de notre famille politique contre et sans les libéraux (Pds, Apr, Reewmi, etc.) et sociaux libéraux (Ps, Afp, Grand Parti, etc.).
Les jeunes qui sont arrivés à la politique à partir des années 2000 hors des partis de la Gauche historique (alors tous englués dans les travaux pratiques de la collaboration de classe au Gouvernement) se sont constitués en forces politiques avec leurs propres leaders, contre les effets catastrophiques des politiques libérales, les postures abjectes des «waxeet» des hommes et femmes au pouvoir, la corruption généralisée des gouvernants libéraux et sociaux libéraux et leur soumission néocoloniale à la domination impérialiste. Ce sont les leaders en gestation de l’époque actuelle.
Les vieux qui s’étaient séparés des partis de la Gauche historique par dégoût de la lutte des places, ont aussi repris du service au nom de leur idéal patriotique, antilibéral et anti-impérialiste. Ce sont les leaders de l’époque des luttes pour l’indépendance et de l’immédiate postindépendance.
Voilà les forces qui doivent se rassembler sans et contre la faillite et la collaboration de classe des opportunistes qui ont décidé de lier leurs intérêts et leur sort politique aux pouvoirs successifs des Libéraux et Sociaux Libéraux.
Les dirigeants faillis des partis de la Gauche historique nous disent que «les menaces qui planent sur nos pays» (guerres, terrorisme, etc.), consécutives aux politiques guerrières de l’impérialisme mondial des Usa et Ue pour maintenir leur hégémonie séculaire sur la planète en général et l’Afrique en particulier, justifient leur inféodation au pouvoir libéral comme le «seul» moyen soi-disant, de conjurer celles-ci. Ils veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Ayant abandonné l’objectif initial de la conquête du pouvoir par les classes laborieuses dont ils se réclament, les chefs opportunistes élaborent des théories fumeuses selon lesquelles c’est aux Libéraux et Sociaux Libéraux qu’est exclusivement donnée la tâche de diriger l’étape de la «démocratie».
Le «socialisme» est ici une affaire renvoyée aux calendes grecques, à un lointain futur incertain. Cette soi-disant «théorie scientifique» est un véritable marché de dupes qui présente la première «étape» comme devant être inévitablement celle du pouvoir des Libéraux ou Sociaux Libéraux flanqués de ministres de «gauche». Ils cherchent ainsi à faire croire que la seconde «étape» serait «quasi-naturellement» engendrée par la «première». La phase «démocratique» est l’affaire de la bourgeoisie néocoloniale et la participation à ses gouvernements bourgeois apatrides des «communistes» de pacotille, préparerait ainsi le «socialisme», tel est le credo mensonger et manipulateur des chefs réformistes.
Cette vision non dialectique et antiscientifique érige ainsi une muraille de Chine infranchissable entre les «deux étapes» en y insérant un soi-disant passage mécanique d’une phase à l’autre. Voilà la tromperie monumentale que Amath Dansokho ne cesse de répéter comme un perroquet, comme prétexte au soutien et à la participation «indéfectible» au pouvoir libéral actuel qui fait du Wadisme sans Wade.
Au fond, la Gauche historique, ses dirigeants opportunistes ont abandonné l’objectif pour lequel ont été fondés les partis de Gauche : prendre le pouvoir.
Nous opposons à cette supercherie grossière justifiant les luttes des places passées et actuelles au Gouvernement des Libéraux et Sociaux Libéraux, cet enseignement majeur de Lénine : «Ce serait une erreur radicale de croire que la lutte pour la démocratie est susceptible de détourner le prolétariat de la révolution socialiste, ou de la masquer, de la voiler, etc. Au contraire, de même que le socialisme victorieux est impossible sans réaliser la démocratie complète, de même le prolétariat ne peut se préparer à vaincre la bourgeoisie sans une lutte acharnée, conséquente et révolutionnaire pour la démocratie» (Lénine T22-cité par Dimitrov).
En effet, c’est la lutte acharnée, conséquente et révolutionnaire des masses pour la démocratie qui a permis la conquête des deux alternances démocratiques et donné un coup d’arrêt aux dérives anti-démocratiques des prédateurs successifs libéraux et sociaux libéraux. Les expériences successives des «gauches» minoritaires aux gouvernements des libéraux et sociaux libéraux, ont plutôt démoralisé et démobilisé les militants, et ont dégoûté le Peuple en retardant sa prise de conscience que seules les mobilisations populaires sont à même de faire obstacle à la mauvaise gouvernance et sont seules garantes des transformations révolutionnaires dont l’Afrique a besoin. Le Peuple n’a pu se débarrasser dans les urnes des prédateurs libéraux et sociaux libéraux qu’une fois que le ras-le-bol l’a poussé à la révolte contre la «république des copains et des coquins», révolte qui a fécondé de nouveaux dirigeants et d’autres leaders à la moralité propre.
L’expérience récente du référendum du waxeet mackiste pour enterrer les Assises nationales est une nouvelle preuve que seule la Gauche antilibérale s’appuyant sur les luttes populaires est à même d’appliquer les conclusions de celles-ci et le projet de Constitution de la Cnri. Ce sont les soulèvements populaires, tels celui du 23 juin 2011, qui ont barré la route à la monarchie républicaine et dégagé A. Wade et le Pds. C’est le Peuple mobilisé qui a, dans les urnes en 2000, mis fin à 40 ans de règne social libéral Ps. C’est encore lui qui, par ses luttes, en 1968, a contraint le pouvoir Ps au «multipartisme limité, puis intégral». Ce sont aussi les grèves de 1947 qui ont préparé la fondation du Pai et les indépendances. C’est toujours l’intervention décisive du Peuple mobilisé qui marque et continue de jalonner la longue marche populaire en cours pour conquérir la démocratie, l’indépendance nationale et la sortie du sous-développement.
Le “marxisme ministériel” semi-colonial des chefs opportunistes est une insulte à Karl Marx lui-même qui, le premier, a résumé la loi inévitable et absolue de l’évolution historique de la lutte des classes à laquelle n’échappe aucun Peuple dans les luttes pour l’émancipation sociale et nationale : «Dans les grands développements historiques, vingt années ne sont pas plus qu’un jour, bien que, par la suite puissent venir des journées qui concentrent en elles vingt années» (cité dans Textes sur les syndicats, éd. Du Progrès, p.270).
Lénine explique ensuite qu’«à chaque étape de l’évolution, à chaque moment, la tactique du prolétariat doit tenir compte de cette dialectique objective de l’histoire de l’humanité : d’une part, en mettant à profit les époques de stagnation politique, c’est-à-dire de développement dit «paisible», avançant à pas de tortue pour accroître la conscience, la force et la combativité de la classe d’avant-garde ; d’autre part, en orientant tout ce travail vers le «but final» de cette classe et en la rendant capable de remplir pratiquement de grandes tâches dans les journées qui concentrent en elles vingt années» (idem).
Nous avons connu l’expression de cette loi de l’évolution historique, jamais totalement aboutie, avec une puissance et des degrés variables au Sénégal en 1947, 1968, 1988, 2011, au Burkina Faso avec Thomas Sankara puis récemment en 2014 et 2015 qui a chassé l’assassin B. Compaoré et au Mali en 1991 avec la chute de la dictature fasciste de Moussa Traoré, etc., pour ne citer que quelques exemples dans notre sous-région ouest-africaine.
Les luttes électorales, notamment les prochaines qui se profilent en 2017 et 2019 (si le pouvoir libéral ne les change pas) sont inscrites, pour les Révolutionnaires Communistes que nous sommes, dans les “vingt années qui ne sont pas plus qu’un jour”, donc de ces “périodes de développement dit paisible” qui préparent les “journées qui concentrent en elles vingt années”.
C’est le sens profond du combat pour les candidatures indépendantes de notre famille politique, la nouvelle Gauche à rassembler sans et contre les Libéraux et les Sociaux Libéraux aux Législatives et à la Présidentielle qui s’en viennent. C’est cela que les chefs historiques des partis de Gauche collabos au pouvoir veulent empêcher. C’est ce “siège en règle de la forteresse ennemie” que nous cherchons à mettre en place qu’ils veulent détruire.
Voilà pourquoi ils n’ont d’autre objectif aujourd’hui que de tout faire pour saboter toutes les velléités de rassemblement de nos forces saines éparpillées, celles des jeunes issus des luttes récentes et des vieux qui ont ce projet historique chevillé au corps pour réaliser ce but fondamental de conquête du pouvoir par la Gauche, engagé dès le 15 septembre 1957 par les signataires du Manifeste du Pai.
DIAGNE Fodé Roland